Afin d’endiguer les problèmes de pénurie de main-d’œuvre qui mettent à mal les services publics, des syndicats représentant plus de 40 000 travailleurs et travailleuses de la fonction publique au Québec réclament des actions concrètes du gouvernement Legault. « Tous les employeurs du Québec font présentement des pieds et des mains afin d’attirer et de retenir le personnel nécessaire à leurs activités. Tous, sauf la fonction publique du Québec, qui semble penser qu’elle existe en dehors des contraintes du marché de l’emploi. Cette inaction pèse de plus en plus lourd sur les services publics au Québec et sur leur capacité à demeurer disponibles pour la population », expriment les organisations syndicales regroupant le SFPQ, le SPGQ, l’APIGQ, le SAPSCQ-CSN et le SAPFQ. Ces dernières demandent de rencontrer rapidement la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, pour discuter des solutions à mettre en place et elles espèrent voir apparaître des mesures dans le budget du Québec la semaine prochaine.
« Les conséquences du manque de personnel dans les services à la population ne cessent de s’accumuler et d’être répertoriées dans les médias : surcharge de travail au Curateur public, attente interminable au téléphone pour obtenir de l’aide, activités au ralenti dans les palais de justice. Le travail dans la fonction publique doit être valorisé au même titre que certains emplois en santé, en éducation et dans les services de garde », affirme Christian Daigle, président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ).
Ces impacts sur les services offerts à la population sont en lien direct avec les difficultés pour l’État d’attirer et de retenir du personnel expérimenté. « La liste des emplois en pénurie dans la fonction publique est longue comme le bras : psychologues, médecins vétérinaires, agronomes, inspecteurs, architectes, informaticiens, et j’en passe. La réalité, c’est que le personnel de la fonction publique ne cesse de s’appauvrir et ils sont de plus en plus nombreux à aller chercher de meilleures conditions ailleurs », déplore Line Lamarre, présidente du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ).
Cette rareté de la main-d’œuvre se traduit également par un manque criant de personnel au sein de certains établissements de détention. Laissant craindre pour la santé et la sécurité du personnel, mais aussi des détenus. « À force d’ignorer le travail essentiel des agentes et agents en services correctionnels, le gouvernement récolte ce qu’il a semé. La profession n’est guère attirante et la relève est difficile parce que le gouvernement ne déploie aucun incitatif », indique Mathieu Lavoie, président national du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels au Québec (SAPSCQ-CSN).
Le manque de personnel entraîne aussi l’affaiblissement de l’expertise interne du gouvernement de plus en plus dépendant de ressources externes, que ce soit dans les technologies de l’information ou dans les travaux publics. Près de 1000 postes sont actuellement disponibles en informatique et des centaines au ministère des Transports, pour ne nommer que ceux-là.
L’affaiblissement de l’expertise interne du gouvernement en ingénierie est dénoncé chaque année par tous les experts crédibles, notamment le Vérificateur général du Québec. La précarité troublante de nos infrastructures publiques, que l’on connaît aujourd’hui, est symptomatique d’une fonction publique affaiblie. Cette triste situation est l’héritage d’une orientation politique qui s’est instituée au début des années 2000 et qui est fondée sur la sous-traitance disproportionnée. La rareté de la main-d’œuvre qualifiée est un frein au renforcement de l’expertise interne du gouvernement. « Ainsi, l’encadrement gouvernemental des travaux d’infrastructures se détériore en fonction des impératifs du marché. L’attraction d’une expertise confirmée devient des plus urgente comme jamais auparavant » déplore Marc-André Martin, président de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ).
L’impact de la pénurie se fait sentir autant dans les activités des ministères et organismes dans les grands centres que dans les régions. « Il manque cruellement d’agentes et d’agents de protection de la faune pour être en mesure d’assurer une couverture territoriale efficace, sécuritaire et opérationnelle. Moins de personnel pour veiller sur la ressource faunique entraîne une plus grande facilité pour le braconnage. La chute drastique d’effectif des dernières années constitue une menace pour toute l’industrie de la chasse et de la pêche, laquelle engendre près de deux milliards de dollars en retombées économiques annuellement. Bientôt, ça sera nous, les agents et agentes de protection de la faune, qui seront une espèce en voie de disparition; il faut agir dès maintenant ! », lance Martin Perreault, président provincial du Syndicat des agents de protection de la faune du Québec (SAPFQ).