Les travailleuses et travailleurs du communautaire manifestent à Montréal

Près de trois mois après le décret de l’état urgence sanitaire, les membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs en intervention communautaire (STTIC–CSN) manifesteront aujourd’hui à 16 h devant les bureaux de la Direction régionale de la santé publique de Montréal (DRSP) afin d’exprimer leur mécontentement en ce qui a trait à l’état de leurs conditions de travail et l’octroi des primes de risque qu’on leur refuse toujours.

 « Aucune prime de risque ne nous a été accordée malgré la crainte de manquer de matériel de protection et les risques de contracter la Covid-19, s’est exclamée Geneviève Raymond, secrétaire générale du STTIC–CSN. « Nous sommes des professionnel-les passionnés et compétents dans notre métier, au front tous les jours, et pourtant, nous sommes continuellement ignorées par la DRSP, qui est le principal bailleur de fonds de nos organismes. Ce silence en dit long ! »

« C’est là un autre exemple du manque de reconnaissance général du travail précieux des employé-es du secteur communautaire. Pourtant, leur expertise est nécessaire et indispensable. Il est grand temps que la DRSP le reconnaisse, qu’elle les considère enfin et qu’elle réponde positivement à leurs revendications ! », de rajouter Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM–CSN).

Pour la Fédération de la santé et services sociaux (FSSS–CSN), non seulement il est inconcevable que l’accessibilité au matériel de protection soit aussi difficile, mais encore que la question des primes de risque ne soit pas réglée. « Partout au Québec, nous avons fait des gains pour les travailleuses et les travailleurs au front pendant cette crise sanitaire. Nous continuerons de nous battre à leurs côtés pour nous assurer que ceux et celles qui sont toujours sur le terrain à Montréal sont respectés », conclut Marlène Figueroa, vice-présidente régionale de la FSSS–CSN.

 En plus de laccessibilité égale au matériel de protection et des primes de risque de
15 % pour tous les intervenants et les intervenantes sur le terrain, le STTIC–CSN réclame le maintien du salaire pour les personnes atteintes de la COVID-19 ainsi que le maintien des salaires pour les employé-es occasionnels ayant é
té coupés.

Trente-deux organisations unissent leur voix contre la nouvelle mouture du Programme de l’expérience québécoise

Plus d’une trentaine de groupes étudiants, syndicaux et communautaires expriment d’une seule voix leur opposition au projet de règlement modifiant le Programme de l’expérience québécoise (PEQ).

Les demandes
Selon ces organisations, la nouvelle mouture proposée par le projet de règlement va à l’encontre tant des intérêts des Québécoises et Québécois que des intérêts des candidates et candidats à l’immigration. Les revendications suivantes sont particulièrement mises de l’avant par ces groupes.

  1. Annuler le prolongement des années d’expérience de travail requises pour que les candidates et candidats, étudiantes et étudiants ou travailleuses et travailleurs puissent être admis dans le PEQ: Ce prolongement enfermera plus longtemps un grand nombre de personnes dans un état précaire et vulnérable.
  2. Annuler l’exclusion des travailleuses et travailleurs occupant des emplois peu ou non qualifiés (catégories C et D selon la classification nationale des professions) : Le PEQ devrait être ouvert à toutes les personnes ayant accumulé de l’expérience au Québec, sans discrimination fondée sur le niveau de qualification professionnelle.
  3. Annuler l’allongement du délai de traitement de la demande : Le PEQ devrait demeurer une voie rapide pour les personnes qui se trouvent déjà au Québec.
  4. Annuler l’introduction d’exigences linguistiques pour les conjointes et conjoints de la demandeuse principale ou du demandeur principal : Assurer que des conditions favorables (conditions de travail convenables et accès égal aux services sociaux) permettant d’améliorer efficacement la compétence linguistique soient mises en place par le gouvernement du Québec, notamment dans les milieux de travail, et que chaque demandeuse ou demandeur, ainsi que sa conjointe ou son conjoint, reçoivent une formation de francisation de qualité leur permettant d’atteindre une compétence fonctionnelle dans un délai raisonnable.
  5. Rehausser le seuil d’immigration en accélérant le traitement des demandes, particulièrement pour les demandes faites au Québec : Considérant la présence des personnes migrantes et en demande d’asile au Québec, la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs et le déclin démographique du Québec, il faut rehausser le seuil d’immigration et accélérer le processus en tenant compte des effets de la crise sanitaire.
  6. Consulter les organisations syndicales, étudiantes et communautaires au service des personnes immigrantes sur tout projet pilote, en incluant celui visant 550 postes par année réservés aux préposé-es aux bénéficiaires et 550 postes par année réservés à l’industrie de l’intelligence artificielle et des technologies de l’information.

CITATIONS
Les positions seront présentées par quatre porte-parole représentant les milieux étudiants, syndicaux et communautaires.

« Le PEQ ne doit pas être modifié sans d’abord qu’on ait procédé à son évaluation. Il n’y a absolument aucune urgence à adopter ce règlement. La crise sanitaire actuelle ne justifie en rien une telle précipitation, au contraire. Considérant les besoins du marché du travail, le PEQ doit être maintenu et doit rendre admissibles au Certificat de sélection du Québec (CSQ) tous les immigrants détenant un permis de travail ou d’études, quel que soit leur domaine d’emploi ou d’études et quelle que soit la catégorie d’emploi occupée. Le PEQ devrait même être élargi à toutes les demandeuses et à tous les demandeurs d’asile travaillant dans les secteurs essentiels de l’économie, tels que la santé et l’agroalimentaire. »

– Véronique De Sève, vice-présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)

« L’absence de la clause de droit acquis fait de la réforme du PEQ une trahison pour la communauté étudiante internationale qui souhaite faire du Québec son chez-soi. Cela détruit les projets de vie de milliers de personnes qui désirent s’installer au Québec, et c’est inadmissible. »

– Noémie Veilleux, présidente, Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

« La TCRI s’inquiète des conséquences de la nouvelle réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) présentée le 28 mai 2020. En effet, nous sommes très préoccupées par la tendance du gouvernement à favoriser l’immigration temporaire tout en réduisant les chances d’accéder à la résidence permanente. Ces mesures précarisent des milliers de travailleurs temporaires, des étudiants internationaux et leur famille, dans un contexte où la pandémie de COVID-19 les rend déjà plus vulnérables. »

– Yann Hairaud, coprésident, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

« Le ministre lui-même avait dit que c’était injuste et irrespectueux de changer les règles quand le processus a déjà débuté. Je n’ai peut-être pas encore déposé de dossier, mais ce processus a commencé le jour où j’ai mis les pieds au Québec. »

– Loïka Beauvil, étudiante internationale à l’Université de Montréal

Groupes organisateurs et d’appui

Organisateurs

  • Campagne « Le Québec, c’est nous aussi »
  • Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
  • Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
  • Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI)
  • Confédération des syndicats nationaux (CSN)
  • Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
  • Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)
  • Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)
  • Union étudiante du Québec (UEQ)

Appuis

  • Afrique au Féminin
  • Association des travailleurs et travailleuses migrants du Québec (ATTMQ)
  • Association des travailleurs et travailleuses temporaires des agences de placement (ATTAP)
  • Association des travailleurs grecs du Québec
  • Association pour la Défense des Droits du Personnel Domestique de Maison et de Ferme (ADDPD)
  • Au bas de l’échelle
  • Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (CIDIHCA)
  • Clef pour l’intégration au travail des immigrants (CITIM)
  • Comité d’action de Parc-Extension (CAPE)
  • Concertation haïtienne pour les migrant.es (CHPM)
  • Conseil central du Montréal métropolitain–CSN (CCMM-CSN)
  • Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT)
  • Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)
  • Fédération du Commerce (FC–CSN)
  • Femmes du monde à Côte-des-Neiges
  • Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)
  • Groupe d’études et de recherches axées sur la communication internationale et interculturelle (GERACII)
  • Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS)
  • Illusion-Emploi de l’Estrie
  • Mouvement Action-Chômage (MAC) de Montréal
  • Organisation des femmes philippines du Québec (PINAY)
  • Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ)
  • Secteur Vivre ensemble/Centre justice et foi

La compassion des épiciers n’aura pas duré longtemps !

La Fédération du commerce (FC–CSN) dénonce la décision hâtive et injustifiée des grandes bannières alimentaires de couper les primes « COVID-19 » versées aux employé-es. « Alors que nos membres travaillent sans relâche depuis la mi-mars dans des conditions difficiles, voire dangereuses, les épiciers décident de mettre fin à la seule compensation qui leur était versée, et ce, même si la crise sanitaire n’est pas terminée », déplore le président de la FC–CSN, David Bergeron-Cyr.

Incohérence
Jugés essentiels par le gouvernement, les travailleuses et les travailleurs des grandes bannières — incluant les employé-es des entrepôts — ont dû se battre au début de la crise afin que des mesures de protection soient mises en place. « Au début, il n’y avait rien pour les protéger. Pas de masques, pas de gants, pas de plexiglas de protection et pas de prime. Aujourd’hui, le matériel n’est pas près de disparaitre, mais les employé-es ne peuvent plus toucher leur prime. Il y a quelque chose de complètement incohérent là-dedans, déplore Bergeron-Cyr. Pour nous, cette décision est hâtive et injustifiée. »

La FC–CSN dénonce aussi le choix de certaines bannières de transformer la prime en bonus. « Cette solution n’a pour objectif que d’économiser sur le dos des employé-es. On est déçu de constater que la reconnaissance et la compassion des patrons auront été de courte durée. »

Deuxième vague
Quotidiennement, le gouvernement et les autorités de Santé publique rappellent aux Québécoises et aux Québécois que la pandémie n’est pas terminée et que la menace d’une deuxième vague de contagion plane toujours. « Devant ces constats, les bannières doivent continuer à verser cette prime d’autant qu’elles ont connu, grâce à cette pandémie, des hausses de revenus de l’ordre de centaines de millions de dollars. Lorsque la situation se sera véritablement stabilisée et qu’un vaccin sera disponible, le retrait de la prime pourra être envisagé. »

Mieux préparer la 2e vague dans le réseau de la santé et des services sociaux

Inquiètes des graves lacunes qui perdurent en matière de santé et sécurité au travail, toutes les organisations syndicales du réseau de la santé et des services sociaux du Québec lancent à l’unisson un appel clair au gouvernement : il est impératif de corriger la situation en vue d’une deuxième vague de propagation de la COVID-19. Dans le meilleur scénario, il reste trois mois tout au plus pour les préparatifs. Ces lacunes, marquées avant la pandémie, expliquent en bonne partie le bilan sombre du Québec en fait de contaminations, de décès et d’arrêts de travail.

Les syndicats précisent que cet automne, le Québec devra absolument éviter un nouvel enchaînement de contaminations et d’arrêts de travail du côté du personnel, déjà gravement fragilisé par les répercussions de la première vague. Alors que le gouvernement garde certains chiffres confidentiels, des données obtenues sur le terrain laissent présager que des situations difficiles persistent dans certains établissements ou certaines régions.

Revendications
La première phase de la crise de la COVID-19 a été un échec. En plus d’avoir coûté la vie à six personnes salariées du réseau de la santé et des services sociaux, elle a mis en lumière les lacunes en prévention dans les milieux de travail, comme en témoigne le fait que 5000 travailleuses et travailleurs ont été infecté.e.s. C’est pourquoi les organisations syndicales présentent les demandes suivantes :

  1. Avoir des données fiables sur le nombre de membres du personnel infectés par établissement, par mission, par service, par centre d’activités et par titre d’emploi pour mieux planifier les ressources disponibles.
  2. Avoir l’heure juste sur l’état des stocks d’équipements de protection individuelle (ÉPI) pour assurer un approvisionnement adéquat et le plus haut niveau de protection pour le personnel du réseau.
  3. Avoir des moyens de faire de la prévention sur le terrain pour limiter le nombre d’infections.
  4. Appliquer d’urgence l’intégralité des quatre mécanismes de prévention prévus à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, dans l’ensemble des établissements du réseau, à commencer par l’identification d’un représentant à la prévention. Cette mesure devra être suivie par l’instauration de programmes de prévention et de programmes de santé ainsi que la mise sur pied de comités de santé et sécurité.

Citations

« La prévention en santé et sécurité au travail est déficiente dans le réseau et la pandémie nous le montre comme jamais. Il faut renverser la vapeur et se donner les moyens de protéger le personnel en vue de la deuxième vague. Et pour ça, il faut que le gouvernement fasse ce qu’il faut pour identifier un représentant à la prévention dans chaque installation. Cette personne doit avoir les pouvoirs nécessaires pour faire fonctionner la prévention au plus vite », explique Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN).

« Dès le début de la pandémie, on a pu constater que les recommandations de l’INSPQ étaient guidées par le peu d’équipements de protection individuelle en stock. Le Québec a commencé cette crise mal préparé, mal équipé, avec un réseau de la santé déjà à bout de souffle. Le gouvernement Legault a refusé de nous informer correctement sur les inventaires d’ÉPI disponibles et plusieurs résidences et CHSLD ont souffert d’un approvisionnement insuffisant. Le personnel de la santé a été mis à risque par absence de prévention. On n’acceptera pas ça pour la deuxième vague! », a averti Linda Lapointe, vice-présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ.

« Après bientôt trois mois de crise, c’est inacceptable qu’on ne parvienne toujours pas à obtenir un portrait clair de la situation. Pour préparer adéquatement le réseau à la deuxième vague, il nous faut une vue d’ensemble pour comprendre ce qui nous attend. Il est urgent d’avoir un rapport statistique clair et précis permettant d’établir combien de personnes salariées ont été infectées », souligne Andrée Poirier, présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).

« La toute première étape, urgente, doit être de nommer des représentants à la prévention dans chacun des milieux de travail, avec tous les pouvoirs prévus dans les règlements de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Ces personnes impartiales et autonomes auront tous les pouvoirs pour inspecter et prescrire des correctifs sans délai. C’est un moyen très rapide et extrêmement efficace pour nous sortir du chaos actuel », a déclaré Benoit Bouchard, président de la division québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-Québec).

« Depuis le début de la crise, à travers les établissements, les comités et ressources en matière de santé et sécurité qui existaient déjà ont été réduits au minimum. Ça n’a aucun sens! Il faut maintenant faire machine arrière et multiplier les travaux de prévention. Ce sont des moyens extrêmement utiles en temps normal, alors en temps de pandémie, c’est une question de vie et de mort », selon Sylvie Nelson, présidente du SQEES-FTQ.

« La première vague de COVID-19 a mis en lumière un nombre considérable de lacunes dans les établissements de santé. La ministre elle-même a reconnu que les exigences croissantes de mobilité imposées depuis la création des mégas structures, le recours à la main-d’œuvre indépendante des agences de placement privées et les nombreux déplacements du personnel d’un établissement à l’autre ont agi comme vecteur de propagation de la COVID-19. En plus du matériel adéquat, la stabilité des équipes de soins doit être prioritaire, non seulement en termes de ratios, mais également en termes d’équipes dédiées permettant de développer et de consolider les expertises requises. Il faut que des actions soient mises de l’avant dès maintenant et rapidement » – Claire Montour, présidente de la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ).

« Nous sommes conscients qu’il y a une forte demande pour les ÉPI à travers le monde. Toutefois, nous avons l’impression que les directives sanitaires varient en fonction des stocks disponibles et nous doutons grandement de l’efficacité de certains ÉPI fournis au personnel. Il n’est donc pas étonnant de voir autant de travailleurs et travailleuses infectés ou décédés. Nous croyons même que le personnel immunodéprimé ou qui a une maladie chronique en réaffectation est plus en danger qu’il ne le pense », soutient Christian Naud, Responsable du dossier politique de la santé et sécurité au travail à la Fédération des professionnèles (FP-CSN).

PL61 : la relance ne peut se faire sur le pilote automatique ni de façon autocratique, plaide la CSN

Paraissant en commission parlementaire sur le projet de loi 61 aujourd’hui, la CSN a défendu l’objectif du gouvernement de soutenir la relance économique et la création d’emplois en intensifiant le déploiement de projets d’infrastructure. Toutefois, s’inquiète la centrale syndicale, le gouvernement ne peut faire l’économie d’une réflexion impliquant la société civile quant aux orientations à donner à la reprise, encore moins en déréglementant tous azimuts les mécanismes de contrôle politiques, civiques et environnementaux dont le Québec s’est doté pour baliser de tels projets d’infrastructure.

En ce sens, le projet de loi 61 portant sur la relance de l’économie du Québec doit être profondément revu avant son adoption, estime la CSN.

« Oui, le gouvernement doit investir massivement pour relancer l’économie. Maintenant, ce n’est pas parce que nous sommes d’accord sur le principe que nous allons cautionner la façon de faire rétrograde qui est envisagée par le gouvernement », a plaidé le président de la CSN, Jacques Létourneau.

« Nous sommes devant un curieux paradoxe, a soulevé le porte-parole syndical. D’un côté, le gouvernement désire à ce point relancer l’économie qu’il trouve approprié de suspendre toute forme de contrôle parlementaire, de minimiser les obligations de reddition de compte et de saccager les règles en matière d’environnement et d’octroi de contrats publics. De l’autre, il reprend intégralement ses engagements électoraux, sans aucune forme de consultation de la population, ni même un semblant de réflexion quant aux mesures qui pourraient être les plus appropriées pour faire face aux nombreux défis économiques et sociaux engendrés par la crise. Alors que nous avons une occasion en or de mettre de l’avant un développement économique axé sur une nécessaire transition énergétique, le gouvernement se met en mode « business as usual ». Pour le dialogue social pourtant demandé par la quasi-totalité de la société civile, on repassera ! »

À cet égard, le président de la CSN se désole de constater que les projets de construction et de rénovation bénéficieront principalement aux travailleurs masculins. « Les femmes ont été les plus touchées par la crise, note Jacques Létourneau. Les pertes d’emploi ont été catastrophiques pour les personnes qui occupent des postes précaires et à temps partiel, parmi lesquelles les femmes sont nettement surreprésentées. Le projet de loi sur la relance n’apporte pas non plus de réponse pour les travailleuses et les travailleurs des secteurs culturel et touristique, durement affectés par la crise. »

La CSN s’inquiète grandement du manque flagrant de contrôle parlementaire prévu par le projet de loi, notamment par la promulgation d’un état d’urgence sanitaire quasi permanent. « Dans un état de droit, le recours à un décret sanitaire doit servir à répondre à des impératifs de santé de la population. Pas à enfreindre l’obligation de rendre des comptes aux parlementaires et à la population ni à outrepasser les règles environnementales. En ce sens, le projet de loi 61 fait sérieusement reculer le Québec, dont le destin ne peut être dicté à coups de décrets ministériels. Il y a lieu de s’inquiéter d’une telle volonté de bafouer nos institutions démocratiques », de conclure le président de la CSN.

Les profs de cégep préoccupés par la rentrée de l’automne 2020

Les enseignantes et les enseignants des cégeps affiliés à la FNEEQ-CSN préparent la rentrée de l’automne 2020 avec comme préoccupations principales la réussite et la persévérance scolaire des étudiantes et des étudiants ainsi que l’accueil de celles et ceux qui arriveront du secondaire. « La session d’hiver a pu se terminer sans trop de heurts grâce à la rigueur et au travail important d’adaptation que le personnel enseignant a su faire dans l’urgence, malgré des contraintes importantes », explique Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ–CSN.

Cependant, le personnel enseignant a constaté que le glissement vers le mode virtuel a un effet délétère sur la motivation de plusieurs étudiantes et étudiants. « L’encadrement pédagogique et la relation maître-élève jouent un rôle fondamental dans la persévérance scolaire. Malheureusement, la communication à distance a des limites : elle rend beaucoup plus difficile l’encadrement, ce qui n’est pas sans conséquence pour les étudiants et étudiants, en particulier pour ceux qui vivent des difficultés particulières », affirme Yves de Repentigny, vice-président responsable du regroupement cégep de la FNEEQ–CSN.

C’est dans cette optique que les délégué-es des cégeps de la FNEEQ-CSN demandent que, pour les cours de la session d’automne, l’enseignement en présence soit privilégié par rapport au mode virtuel afin d’établir une relation pédagogique significative et stable. Cela, bien sûr, sans perdre de vue la santé et la sécurité dans la mesure où les recommandations de la santé publique le permettraient. On pourrait par exemple utiliser pour des groupes plus grands des salles de cinéma, des centres communautaires, des églises ou d’autres installations assez vastes pour assurer la distanciation physique. Il s’avérerait même possible de donner des cours dehors par beau temps !

Il faut veiller en particulier à offrir les laboratoires et les stages en présence puisqu’ils sont incontournables pour le développement de savoir-être et de savoir-faire impossibles à développer de façon virtuelle. « Si l’éducation est réellement une priorité, le gouvernement doit nous octroyer les moyens et les ressources pour assurer des conditions d’enseignement et d’apprentissage optimales, car nous formons, pandémie ou non, le Québec de demain », conclut Yves de Repentigny.

 

Formation pour devenir préposé-e en CHSLD : un plan gouvernemental sans les principales concernées

La FSSS–CSN, qui représente 75 % des préposé-es aux bénéficiaires du secteur public, réagit à l’annonce gouvernementale de la formation pour devenir préposé aux bénéficiaires (PAB).

Former rapidement, mais former bien
Lors de sa conférence de presse, le premier ministre a indiqué qu’il recevrait probablement des critiques concernant sa proposition sur les PAB de la part des syndicats. Comment peut-il savoir ? La FSSS–CSN n’a pas été consultée pour la mise en place de cette formation. Si les besoins sont grands dans le secteur depuis plusieurs années, il faut s’assurer que cette formation permettra aux futurs préposé-es aux bénéficiaires de bien intégrer le réseau de la santé. La volonté gouvernementale d’attirer du personnel est louable, mais comme elle est implantée de manière unilatérale, la FSSS craint que les résultats ne soient pas au rendez-vous.

« Tant mieux si le gouvernement se réveille et agit pour augmenter le personnel dans les CHSLD. Ça fait des années qu’on intervient pour ça ! Mais la manière d’y parvenir pose bien des problèmes. Imposer du haut vers le bas sans consulter personne, c’est ce qu’on fait dans le réseau depuis longtemps. Si ça marchait, on serait au courant ! Depuis l’annonce de la formation, nous recevons bien des commentaires de nos membres qu’il aurait été intéressant de prendre en considération. Mais pour ça il faut écouter les principales concernées et encore une fois le gouvernement passe à côté de ça », lance Jeff Begley, président de la FSSS–CSN.

Encore une fois, le gouvernement veut régler la situation sans mettre dans le coup les principaux concernés. Il l’a fait il y a quelques mois avec le dépôt de son plan pour l’attraction et la rétention des PAB et des ASSS, déposé sans aucune consultation. Les éléments de ce plan n’avaient d’ailleurs pas permis de régler la pénurie dans ce secteur. Pourtant, la FSSS–CSN a indiqué à plusieurs reprises sa disponibilité pour proposer des solutions pour améliorer la situation avec les PAB. La vaste étude menée par la FSSS sur la réalité des PAB avait permis de recueillir plusieurs propositions. L’invitation de la FSSS est restée lettre morte.

Le gouvernement a réitéré son intention d’augmenter davantage la rémunération des préposé-es aux bénéficiaires en CHSLD. « Le gouvernement sème les graines de la prochaine crise dans le réseau. En s’attardant uniquement aux CHSLD alors que c’est l’ensemble du réseau qui vit une crise inégalée dans les dernières années, nous ne faisons que déplacer le problème. Si le gouvernement s’entête, on va se retrouver bien vite avec une pénurie aggravée dans les hôpitaux, dans les soins à domicile et dans les plusieurs secteurs du réseau et des centres d’hébergement privés », explique Jeff Begley.

La FSSS–CSN s’adresse à la Santé publique pour rehausser les mesures de protection

La Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN) s’adresse à la Santé publique pour qu’elle annonce un rehaussement des mesures de protection du personnel du réseau alors que nous devons nous préparer à affronter la deuxième vague du coronavirus.

Appliquer le principe de précaution pour protéger le personnel
Cette semaine, la FSSS–CSN a transmis une lettre au Comité sur les infections nosocomiales du Québec (CINQ) de la santé publique, au directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, et à la CNESST, comme le révèle ce matin un article de La Presse. L’objectif de cette démarche est de demander à la santé publique de revoir sa position sur la protection du personnel du réseau, alors que plus de 5000 travailleuses et travailleurs ont été infectés. Depuis le début de la pandémie, la FSSS–CSN réclame un rehaussement des mesures de protection, particulièrement dans les CHSLD, les soins à domicile et les résidences privées pour aîné-es, là où se trouve le plus grand nombre de cas de personnel et d’usagers infectés. Pour la FSSS–CSN, il faut notamment rendre disponible le masque N95 dans ces secteurs névralgiques.

Il n’y a actuellement pas de consensus scientifique sur le mode de transmission du virus. S’il est avéré que le virus se transmet par gouttelettes, plusieurs experts avancent que le virus se transmet aussi par aérosol. En l’absence de consensus, la FSSS–CSN demande à la santé publique d’appliquer le principe de précaution pour assurer la sécurité des travailleuses et travailleurs au front. Pour ce qui est de la CNESST, la FSSS–CSN demande que ses équipes d’inspection-prévention soient appelées sans tarder à appliquer le principe de précaution.

« Il faut se préparer dès maintenant pour la deuxième vague. La protection du personnel dans la première vague, on l’a complètement échappée. La santé publique doit appliquer le principe de précaution et augmenter la protection des travailleuses et travailleurs », lance Judith Huot, vice-présidente de la FSSS–CSN.

« Le premier ministre a beau déplorer chaque jour qu’il manque du monde sur le plancher, mais pour l’instant on ne fait pas tout pour les protéger. Les travailleuses et travailleurs sont au front depuis plus de deux mois et voient sans arrêt de leurs collègues tomber au combat. Il faut replacer au plus vite ! », explique Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

N’attendons pas la prochaine crise

Plus d’une centaine de travailleuses et de travailleurs du secteur public se sont rassemblés aujourd’hui à Montréal devant les bureaux du premier ministre François Legault. Tous munis d’un couvre-visage et respectant la distanciation physique, des membres de la CSN œuvrant dans les réseaux de la santé et des services sociaux et de l’éducation ainsi que dans les organismes gouvernementaux ont manifesté leur mécontentement quant au déroulement de la négociation actuelle et ont indiqué au gouvernement que l’offre globale qu’il propose est insuffisante tant sur le plan des conditions de travail que sur celui des salaires.

« Ce qui est sur la table actuellement ne répond pas aux besoins du personnel des services publics et, malheureusement, avec les problèmes catastrophiques d’attraction et de rétention dans les réseaux, on constate aujourd’hui les conséquences graves de ne pas agir en ce sens », a affirmé Caroline Senneville, vice-présidente de la CSN.

La CSN a tenu à rappeler qu’il y a plusieurs mois, elle sonnait déjà l’alarme sur l’état préoccupant de nos services publics après des années de négligence institutionnelle. Pour l’organisation syndicale, l’absence de volonté réelle du gouvernement d’améliorer les conditions de travail de tout le personnel qui assure les services à la population est à la fois incompréhensible et inacceptable. « Les réseaux étaient mal en point bien avant la pandémie. Les problèmes ne disparaîtront pas dans les prochains mois, bien au contraire. La négociation en cours, bien qu’elle se fasse dans une période de crise sans précédent, doit absolument permettre d’améliorer significativement le sort des travailleuses et des travailleurs des services publics », a ajouté Caroline Senneville.

Dans son projet d’offre globale, le gouvernement fait la sourde oreille à bon nombre d’enjeux soulevés par la CSN. Parmi ceux-ci, on trouve notamment la nécessité d’assurer une immunité aux lanceurs d’alerte. « Les travailleuses et travailleurs des réseaux publics doivent pouvoir dénoncer des situations inacceptables sans craindre des représailles. Pour mettre fin à l’omerta une fois pour toutes, il faut reconnaître ce droit dans nos conventions collectives, comme nous le demandons depuis le début de la négociation. Dans le contexte actuel, c’est particulièrement choquant que le gouvernement s’entête à refuser cette demande on ne peut plus légitime. »

Pour Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM-CSN), il est clair que le gouvernement doit prendre acte du message porté par les militantes et les militants qui se sont rassemblés aujourd’hui. « Malgré toutes les contraintes qui résultent de la crise sanitaire, plus d’une centaine de personnes ont tenu à venir ici, devant le bureau du premier ministre, pour réclamer des services publics plus humains tant pour celles et ceux qui y travaillent au quotidien que pour l’ensemble de la population. Ces personnes se font la voix de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui se dévouent comme jamais pour le Québec. Elles doivent être entendues. »

Alors que le gouvernement ne cesse de répéter publiquement qu’il souhaite parvenir rapidement à des ententes avec les organisations syndicales, il ne démontre pourtant pas cet empressement à négocier en bonne et due forme. C’est d’ailleurs sur un appel clair à la négociation que la vice-présidente de la CSN, Caroline Senneville, a souhaité conclure le rassemblement. « M. Legault, nous avons, ensemble, la responsabilité de regarder les problèmes en face, de réparer ce qui est brisé et de redonner aux Québécoises et aux Québécois les services publics auxquels ils ont droit. Venez vous asseoir aux tables de négociation; c’est là que sont les solutions. N’attendons pas la prochaine crise. »

Agents de prévention en milieu de travail : la CSN demande que les syndicats soient aussi consultés

La CSN se réjouit de l’annonce du ministère du Travail qui redéploiera 1000 agents de prévention issus de la fonction publique pour faire la promotion des mesures de santé et de sécurité en lien avec le déconfinement graduel des entreprises. Toutefois, la centrale syndicale demande à ce que les syndicats soient également consultés dans l’évaluation des mesures de prévention mises en place pour chacun des milieux de travail.

Comme l’a indiqué le ministère du Travail ce matin, en collaboration avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), des équipes de prévention composées de personnel de différents ministères et organismes publics seront également responsables d’évaluer les mesures mises en place dans différents milieux de travail. Ceux-ci pourront communiquer avec les employeurs, mais aucune forme de consultation auprès des travailleuses et des travailleurs n’est actuellement prévue.

« Toute la Loi sur la santé et la sécurité du travail repose sur le paritarisme, rappelle le vice-président de la CSN, Jean Lacharité. Ces agents de prévention sont appelés à être les yeux et les oreilles de la CNESST. Il tombe sous le sens que ceux-ci doivent être habilités à consulter l’ensemble des parties pour établir un portrait approprié de la situation dans chaque entreprise. Il en va de la santé et de la sécurité des travailleuses et des travailleurs. Si on veut prendre tous les moyens pour réduire la propagation du virus, il faut s’assurer que les milieux de travail s’ajustent correctement. En ce sens, la participation des syndicats est primordiale. »

La centrale syndicale demeure très préoccupée par le manque d’inspecteurs et d’inspectrices en prévention au sein de la CNESST. « Déjà, avant la crise, nous étions inquiets des conséquences du manque de ressources pour inspecter les milieux de travail et apporter les correctifs appropriés. La situation ne s’est pas améliorée avec la crise de la COVID-19. Redéployer 1000 fonctionnaires pour faire la promotion de la prévention, c’est un bon pas en avant. Mais on doit s’assurer que les travailleuses et les travailleurs sont partie prenante de l’évaluation des mesures mises en place. C’est ce que nous demandons à la CNESST et au ministre du Travail Jean Boulet », mentionne Jean Lacharité.

Faut qu’on se parle

Depuis le début de la pandémie, on mesure chaque jour l’ampleur de la crise économique à laquelle devra faire face le Québec dans les prochaines années. Plusieurs croient, une fois la pandémie maîtrisée, que le monde reprendra son cours normal. Nous ne sommes pas d’accord avec cette lecture. En plus des victimes de la pandémie, il y aura de nombreuses fermetures d’entreprises, une augmentation importante du chômage, des pans entiers de l’économie à reconstruire, des déficits budgétaires considérables. Malgré le caractère tragique de la crise, nous sommes de celles et de ceux qui y voient l’occasion d’effectuer un virage en matière de stratégie de développement économique. Toutefois, cette stratégie doit être réfléchie, planifiée et mise en œuvre dès maintenant avec tous les partenaires de la société québécoise. Voilà pourquoi nous demandons au gouvernement de François Legault de mettre rapidement en place les balises permettant un véritable dialogue social avec l’ensemble des acteurs concernés.

Nous n’avons certainement pas toutes les réponses, mais nous connaissons quelques questions qui méritent d’être posées. Nous avons également des propositions à mettre de l’avant. Bref, nous voulons être partie prenante de cette relance.

D’emblée, il nous apparaît tristement évident que des milliers de travailleuses et de travailleurs ne retrouveront pas l’emploi qu’ils détenaient il y a maintenant deux mois. D’autres, que ce soit en culture ou dans le secteur touristique, ne le reverront pas de sitôt. Le Québec devra, collectivement, traverser une importante réorganisation de son marché du travail.

La pandémie a révélé le rôle incontournable des services publics et des programmes sociaux. Cependant, cette dernière a aussi révélé à quel point les années d’austérité ont affaibli les réseaux de la santé, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la petite enfance. De façon plus particulière, le regard lucide que pose chaque jour le premier ministre sur le sort réservé aux aîné-es confirme nos revendications des dernières années et l’urgence de revoir collectivement l’état de l’ensemble du réseau de la santé. Des réinvestissements sont toujours nécessaires, au premier chef pour consolider le réseau de la santé sur le plan des acquisitions, de l’organisation du travail, des conditions de travail, des façons de s’occuper des personnes âgées et vulnérables et des immobilisations.

Nous saluons la décision du gouvernement de contribuer activement à la reprise économique en accélérant de nombreux projets d’infrastructures, notamment en matière de transport collectif. Toutefois, cette décision, seule, n’est pas garante du succès de la relance. De nombreux secteurs auront des besoins particuliers. Des choix importants seront à faire pour soutenir la création d’emplois dans des milieux innovateurs et la nécessaire transition écologique de l’économie.

Ces choix collectifs devront être accompagnés de mesures concrètes qui permettront de soutenir nombre de travailleuses et de travailleurs dans l’acquisition de connaissances en période de transformation du marché de l’emploi. On ne s’invente pas technicien en bâtiment ou électricien du jour au lendemain. Que ce soit en matière de formation continue ou de développement professionnel, l’adéquation du marché du travail ne peut être abandonnée aux seules lois du marché. L’État québécois aura un rôle à jouer à cet égard, particulièrement par l’entremise de son réseau public d’éducation et d’enseignement supérieur — sans sous-estimer le rôle crucial que le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale ainsi que le ministère de l’Économie et de l’Innovation auront à jouer.

Ce qui nous amène à réfléchir aux défis que le gouvernement du Québec aura à relever au cours des prochaines années en matière de finances publiques. Jusqu’à maintenant, il annonce qu’il n’est pas dans son intention de résorber le déficit qui résultera des mesures d’aide aux personnes et de soutien aux entreprises par de subséquentes mesures d’austérité. Par ailleurs, nous devrons soupeser la pertinence de maintenir les transferts au Fonds des générations. Les objectifs de réduction de la dette prévus pour 2026 étant déjà atteints, la crise actuelle nous force notamment à revoir ce choix.

Les mesures temporaires d’appui aux travailleuses et aux travailleurs affectés par la crise, jusqu’ici largement assumées par le gouvernement fédéral, ne seront pas éternelles. Il y aura plusieurs laissés-pour-compte et nous devrons réfléchir à la façon de bonifier le filet de sécurité sociale.

Le gouvernement dévoilera en partie les stratégies qu’il mettra de l’avant lors de sa mise à jour économique prévue pour juin prochain. Malheureusement, rien ne nous indique qu’une véritable consultation des partenaires socioéconomiques du gouvernement québécois ne l’aura précédée.

Le premier ministre du Québec doit indiquer rapidement de quelle façon il entend poser les fondements d’un réel dialogue social avec les acteurs socioéconomiques pour s’assurer d’une véritable adhésion du plus grand nombre de Québécoises et de Québécois.

Faut qu’on se parle. De notre avenir à toutes et à tous.

Daniel Boyer, président de la FTQ
Jacques Létourneau, président de la CSN
Sonia Ethier, présidente de la CSQ
Luc Vachon, président de la CSD

Prison de Bordeaux : la détresse entre quatre murs

Comme l’illustre bien l’hécatombe qui a lieu dans les résidences pour aîné-es au Québec, contenir la propagation d’une maladie dans un milieu de vie fermé n’est pas une mince affaire, même si on peut difficilement imaginer un milieu plus cloîtré qu’un centre de détention. Pourtant, avant l’éclosion de la COVID-19 qui a surgi il y a quelques semaines à l’établissement de détention de Montréal, communément appelé « prison de Bordeaux », on faisait très peu de cas des risques qu’encourent, dans l’ombre, les agentes et les agents de la paix en services correctionnels du Québec.

Claude, qui travaille de soir à Bordeaux depuis plusieurs années, a accepté de nous parler sous le couvert de l’anonymat pour jeter un peu de lumière sur ce que vivent les agentes et les agents qui sont au front pendant la crise.

« J’ai des collègues sur mon quart de travail qui sont tombés malades. Je n’ai pas été testé. Je crois que seuls ceux qui ont des symptômes sont testés, donc c’est possible qu’on ait des collègues qui sont asymptomatiques et qu’on continue de se transmettre le virus entre nous, s’inquiète Claude. On ne se demande plus si on va l’attraper, mais plutôt quand on va l’attraper. »

Comme si la crainte constante de tomber malade et l’angoisse de voir des collègues tomber au combat ne suffisaient pas à faire grimper le niveau de stress, les agentes et agents doivent également se méfier de certains détenus que les circonstances difficiles ont rendus hostiles, voire agressifs.

« Les agents dans le secteur C ont travaillé avec l’équipement d’intervention d’urgence – casque, plastron, jambières, visières, etc. – pendant cinq jours parce qu’ils se faisaient lancer des liquides, des batteries ou des bouts de cadrage de fenêtre à travers les judas, explique-t-il. Je n’avais jamais vu des agents travailler avec cet équipement pendant une semaine. C’est un équipement encombrant et, en plus, on n’est pas toujours capable d’avoir de l’équipement à notre taille, ce qui rend chaque manœuvre encore plus difficile. »

Si les nombreux tests qui ont été faits sur les personnes incarcérées ces derniers jours ont quelque peu aidé à faire redescendre la tension à l’intérieur des murs, d’autres facteurs continuent toutefois à compliquer les conditions de travail des agents, notamment le manque d’effectifs engendré par la quantité d’agentes et d’agents retirés de la rotation pour cause de maladie ou de retrait préventif.

« On est en sous-effectif pas mal tous les jours depuis les dernières semaines. Il manque au moins 10 agents par jour, précise Claude. On doit discuter entre nous et avec les gestionnaires pour déterminer quelles tâches sont prioritaires et quelles tâches ne pourront pas être faites. »

Composer avec un manque d’effectifs est difficile dans les meilleures circonstances, mais ça devient encore plus complexe lorsque de nouvelles mesures de protection forcent les employé-es à revoir complètement leur façon de travailler.

« Les détenu-es des secteurs infectés vont généralement manger à la cafétéria, mais maintenant, puisqu’ils doivent être isolés 24 heures sur 24, ils doivent manger dans leur cellule. Or, il n’y a pas d’ascenseurs dans ces secteurs et il n’y a pas de passe-plats aux portes des cellules. Les agents doivent donc monter les repas à la main au troisième étage, puis entrer dans les cellules pour déposer les repas », explique Claude.

Au milieu de toutes ces embûches, Claude espère au moins que des leçons seront tirées de l’expérience vécue par les agentes et agents de Bordeaux.

« Oui, on maintient l’ordre, mais dans quelles conditions ? Ce ne sont pas nos conditions habituelles. On est habitués à faire face au stress, mais là, il y a une grosse coche de plus que d’habitude. Chaque fois qu’on doit faire quelque chose, il faut qu’on se casse la tête pour trouver une nouvelle façon sécuritaire de procéder. J’espère que ce qui se passe ici peut aider les autres à se préparer, parce que ça pourrait aussi arriver à Rivière-des-Prairies ou à Trois-Rivières », a-t-il conclu.

Des personnes en renfort qui seront mieux payées que le personnel en place

En raison d’une pénurie de personnel, des renforts dans les CPE seront nécessaires dans plusieurs établissements, mais il faut éviter de créer une injustice entre ces personnes et les travailleuses qui ont maintenu les services de garde d’urgence depuis le début de la crise. Dans certains cas, des étudiantes gagneront plus que du personnel déjà en place.

« Nous réclamons une prime en lien avec la crise actuelle depuis la fin mars. Non seulement nous n’avons encore aucune nouvelle, mais les nouvelles directives vont créer une injustice envers celles qui prennent soin des enfants des anges gardiens depuis le début de la pandémie. Le ministre Lacombe a affirmé à plus d’une reprise combien il a à cœur son réseau. Il doit intervenir avec plus de fougue et de détermination auprès du Conseil du trésor pour qu’enfin, cette demande aboutisse dans les poches des travailleuses. Rendre les emplois en CPE plus attractifs était et demeure une nécessité, mais ça ne doit pas se faire au prix d’injustices », soutient Lucie Longchamps, vice-présidente de la FSSS–CSN, qui représente plus de 10 000 travailleuses en CPE partout au Québec. « Pour attirer plus de candidates, on bonifie le salaire des étudiantes, mais on ne fait rien pour aider à retenir celles qui sont déjà dans le réseau », ajoute Lucie Longchamps.

L’arrêté ministériel du 9 mai ouvre la porte à de nouvelles travailleuses qui seront considérées comme qualifiées même si elles n’ont pas terminé leurs études dans un secteur lié à l’éducation. Par cette mesure exceptionnelle, elles gagneront cependant plus qu’une partie du personnel non diplômé en place depuis longtemps, ou autant que des éducatrices qui ont terminé leur formation collégiale. L’échelle salariale des éducatrices qui ne sont pas diplômées commence en effet à 16,75 $ l’heure.

Par ailleurs, le ratio d’éducatrices qualifiées passe de deux sur trois à un sur trois, de façon temporaire. La porte est donc ouverte pour engager plus d’éducatrices non qualifiées. Avec l’arrêté, celles-ci pourront désormais provenir des camps de jour.

Précédent dangereux
« Il est très important qu’on ne perde pas de vue le rôle éducatif du réseau des CPE, qui est une fierté pour le Québec. La baisse du ratio d’éducatrices formées et la baisse des exigences de formation doivent absolument être temporaires et ne pas se prolonger lorsque l’urgence sanitaire sera terminée », insiste Louise Labrie, représentante des CPE à la FSSS–CSN. Cette dernière déplore par ailleurs que bon nombre d’éducatrices d’expérience qui ne peuvent prendre le risque de travailler en ce moment en raison d’une santé vulnérable soient dirigées par les employeurs et le ministère de la Famille vers la Prestation canadienne d’urgence (PCU), qui pourrait être un cul-de-sac pour plusieurs d’entre elles.

Les ressources de type familial laissées à elles-mêmes

Le confinement et les mesures de protection imposées par la Santé publique durant la pandémie de COVID-19 représentent leur lot de défis pour n’importe quelle famille. Alors songez un peu à ce que cela peut impliquer pour les familles qui accueillent chez elles des personnes présentant un handicap physique ou intellectuel.

« Imaginez un petit comportement agaçant de votre conjoint. Imaginez maintenant 100 fois pire, 24 heures sur 24, multiplié par 6 », illustre Valérie Charest. Elle et son conjoint, Frédéric, partagent leur résidence du Bas-Saint-Laurent avec leurs trois enfants et six pensionnaires qui sont aux prises avec des déficiences intellectuelles sévères, des troubles du spectre de l’autisme, des troubles obsessifs compulsifs ou d’autres troubles du comportement.

« Depuis la mi-mars, il n’y a que mon conjoint qui sort. Avant, certains usagers allaient voir leur famille toutes les deux semaines, d’autres allaient à l’école aux adultes ou au centre d’activités de jour. C’est sûr que leurs activités leur manquent. Mes enfants ne retourneront pas à l’école ce printemps pour ne pas risquer de contaminer tout le monde. Maintenant, tout le monde est ici tout le temps. »

Même si elle se considère comme chanceuse et avoue que posséder une grande maison et une grande cour aide à alléger le confinement, Valérie admet que le défi reste imposant.

« C’est toute la gestion du quotidien qui est compliquée, explique-t-elle. C’est vraiment difficile de mettre en place des mesures d’hygiène et de distanciation. J’ai des usagers qui ont des troubles sensoriels et qui ne veulent pas mettre les mains sous l’eau ; d’autres qui ont des troubles de comportement et qui n’écoutent pas les directives dès que j’ai le dos tourné. »

Étant donné ces circonstances difficiles, on pourrait s’attendre à ce que Valérie accueille le déconfinement entamé dans la plupart des régions du Québec avec un certain soulagement. Malheureusement, le manque de clarté des communications gouvernementales semble plutôt engendrer de la confusion et du scepticisme.

« Au début de la crise, le gouvernement nous a dit que si on avait un cas de COVID, il faudrait que les usagers restent dans leur chambre pendant 14 jours. Je ne suis même pas capable de les faire rester dans leur chambre pendant 24 heures quand ils ont la gastro ! s’exclame-t-elle. Depuis que le déconfinement a été annoncé, on n’a jamais eu de nouvelles du gouvernement à savoir si on avait le droit d’envoyer les enfants à l’école ou non. On n’a pas eu de signal pour nous dire qu’on pouvait sortir, donc le déconfinement, ça ne change rien dans ma vie en ce moment. »

Construction : prendre tous les moyens pour éloigner le virus

Ça y est. Les travaux ont repris sur les chantiers de construction au Québec. Et les travailleurs sont contents.

« Les gens sont heureux de reprendre la vie normale et de recommencer à toucher leur salaire, souligne le manœuvre spécialisé et représentant de la CSN–Construction à Québec, Alexandre Mailhot. Bien sûr, il y a plusieurs mesures de protection à respecter, mais ils savent que c’est important et que s’ils ne suivent pas les consignes, les chantiers pourraient fermer à nouveau. Et ils ne veulent pas ça. »

Alexandre est à pied d’œuvre sur les chantiers, comme tous les autres représentants et directeurs d’associations de métiers et d’occupations de la CSN–Construction, pour s’assurer que les mesures d’hygiène sont en place. « Les associations syndicales et patronales ont produit des recommandations pour les chantiers, de concert avec la CNEESST, et ces recommandations doivent être respectées par les entrepreneurs. On veille à ça », souligne pour sa part le président de la CSN–Construction, Pierre Brassard.

Les recommandations ne doivent pas être prises à la légère, sans quoi tout le monde va être pénalisé. « Dans plusieurs métiers de la construction, c’est le cas pour les plombiers, les manœuvres et les charpentiers, par exemple, les gens sont appelés à travailler à deux. Ils doivent avoir accès à des lunettes, à des masques et à des gants pour se protéger mutuellement », explique le président de la fédération qui ajoute : « Dans une tour à habitation, ils peuvent se retrouver 150, 175 voire 200 travailleurs en même temps. Il n’y a pas de chance à prendre. On veut s’assurer que tout le monde est à l’aise dans son environnement de travail pour éviter des éclosions de COVID et permettre au monde de travailler. »

Mieux en temps de COVID
Alexandre Mailhot fait même remarquer qu’à certains endroits, les installations sont plus adéquates en période de crise qu’à l’ordinaire. « La semaine dernière, on a dû intervenir parce qu’il manquait une toilette sur un chantier. Le lundi matin, elle était là. »

Rappelons qu’à partir de 25 travailleurs sur un chantier, les entrepreneurs ont l’obligation d’installer une toilette à chasse. Il faut aussi qu’il y ait assez de toilettes à chasse pour le nombre de personnes sur le chantier en question. « Habituellement, ces obligations sont loin d’être respectées partout. Mais en ce moment, ils ont déjà tellement de retards qu’ils ne veulent pas risquer de faire en sorte que les travaux arrêtent. Ils prennent donc tous les moyens pour éloigner le virus », renchérit Mailhot.

Un entrepreneur rencontré récemment, raconte le représentant syndical, a pris la peine d’apporter un gros cruchon et du savon dans un quartier résidentiel où il n’y avait aucune eau courante et où chaque maison fonctionnait avec un puits artésien. « En temps normal, il n’aurait jamais fait ça. Dans le résidentiel léger, parfois, il n’y a même pas de toilettes. Bien entendu, on condamne ces manquements à la CSN–Construction. Mais si les entrepreneurs sont capables d’être exemplaires et de fournir l’essentiel sur le plan sanitaire en temps de COVID, ils vont être capables de l’être après la COVID. On va surveiller ça de très près », conclut-il.

Fin de la grève générale illimitée : une nouvelle convention collective signée pour deux ans

Après près de 14 semaines de grève, les membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Coop du Collège de Maisonneuve (STTCCM–CSN) ont adopté à l’unanimité une entente de principe en assemblée générale qui a mené à la signature, le 8 mai dernier, d’une convention collective d’une durée de deux ans. Le vote sur cette entente, effectué en ligne le 30 avril, s’est tenu à scrutin secret.

« Ce règlement constitue un immense soulagement pour nous, après plus de trois mois de grève. Nous avons réussi à bloquer les demandes de recul que voulait nous imposer l’employeur, en plus d’avoir réalisé quelques gains, notamment en ce qui a trait aux salaires. Malgré le goût amer que nous laisse cette lutte menée pendant des semaines, nous sommes aujourd’hui satisfaits. Cela dit, ce long conflit a laissé des traces durables, dont la fermeture du café étudiant. Les ponts devront être rebâtis, tout comme le lien de confiance avec l’employeur », a affirmé Jean-Sébastien Provencher, président du STTCCM–CSN.

Un conflit pas comme les autres

Cette négociation, qui devait s’ouvrir sous le signe de la réconciliation après le dernier conflit en 2017, a plutôt débuté avec des demandes de recul de la part de l’employeur, en plus de se dérouler dans des circonstances exceptionnelles de crise sanitaire. « Entre le départ de la direction générale, le changement de porte-parole du côté de l’employeur, la fermeture du café étudiant, la pandémie et la fermeture du collège, nous pouvons dire que rien dans ce conflit de travail n’a été ordinaire. Mais la détermination et le courage dont ont fait preuve les membres du STTCCM–CSN ont eu raison de l’entêtement de l’employeur, ce qui constitue une victoire dans les circonstances », a déclaré Alexandre Giguère, vice-président de la Fédération du commerce (FC–CSN).

Autre gain significatif dans ce contexte inédit : la solidarité qui s’est créée au sein de la communauté collégiale. « Ce qui est encourageant, malgré la durée du conflit, c’est de voir toute la solidarité qui s’est tissée au fil des mois avec, notamment, l’association étudiante du cégep et le Syndicat des professeures et professeurs du Collège de Maisonneuve. En période crise, on se rend compte plus que jamais à quel point la solidarité peut faire toute la différence. Aujourd’hui, je lève mon chapeau aux travailleuses et aux travailleurs de la Coop Maisonneuve qui se sont battus sans relâche pour se faire respecter et obtenir de meilleures conditions de travail. Votre fougue et votre ténacité sont tout à votre honneur ! », a ajouté Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM–CSN).

Le syndicat invite enfin tous les étudiants et le personnel du cégep à préserver ce lien de solidarité qui sera précieux pour la suite des choses. « Nous aurons besoin de cette solidarité et de la vigilance de chacun dans les semaines et les mois qui viennent pour assurer une reprise saine des activités de la Coop. C’est en restant unis que nous pourrons y arriver », de conclure M. Provencher.

Rappelons qu’un mandat de 72 heures de grève avait été voté le 7 janvier 2020, un mois avant que ne soit déclenchée la grève générale illimitée à la suite du rejet d’une offre qualifiée de « finale » par l’employeur. Il s’agissait de la deuxième négociation en deux ans pour le STTCCM–CSN et le deuxième conflit de travail en autant de temps.

Journalistes : la rigueur au temps de la colère

Leur travail aura permis de mettre en lumière la troublante réalité derrière les portes closes du CHSLD Herron. Il nous permet d’obtenir quotidiennement des réponses aux questions que nous nous posons durant cette crise sans précédent. En temps de confinement et de mesures exceptionnelles, l’accès à l’information rigoureusement validée est une nécessité. Une nécessité à laquelle répond le travail des journalistes et des équipes de production médiatique.

Or, la crise de la COVID-19 semble avoir exacerbé une appréciation inverse de leur travail, puisque la cyberintimidation envers les journalistes atteint des sommets depuis quelques semaines. « Nous constatons que depuis le début du confinement, les messages et commentaires que nous recevons sont plus violents. Nous avons vraiment remarqué une amplification d’un problème qui était pourtant déjà bien présent », explique Marie-Ève Martel, journaliste et présidente du syndicat de La Voix de l’Est.

Menaces de mort, commentaires dénigrants sur l’apparence physique, insultes de tous genres sont ainsi devenus le lot des boîtes courriels, des messageries Facebook et de la section commentaires de plusieurs journalistes. La journaliste de Granby s’inquiète d’ailleurs de la perception que les gens ont des médias d’information.

« Le caractère des commentaires que nous recevons traduit un soupçon envers les médias. On nous accuse de manipuler les gens, on nous associe à des théories du complot. C’est comme si les gens n’étaient plus en mesure de distinguer une source d’information légitime d’une lubie lancée par quelqu’un quelque part sur le Web », explique-t-elle.

Selon la journaliste, la situation est d’autant plus inquiétante que nous faisons face, collectivement, à une croissance de la désinformation. Les plateformes de partage telles que Facebook, Twitter ou Reddit, sont des chambres d’amplification donnant audience et portée à des propos et articles non fondés sur la vérification des faits. Les médias d’information subissent ainsi la comparaison avec tous ces contenus et motivent certains lecteurs et commentateurs à accuser les journalistes de ne pas faire leur travail, d’être complaisants ou, tout simplement, de ne pas dire la vérité. Paradoxale époque, alors que depuis le début de la crise, ils sont au front et veillent à produire l’information nécessaire à notre compréhension collective des enjeux liés à la COVID-19.

« Un collègue d’un autre média s’est fait accuser d’être incapable de penser par lui-même. Son erreur, selon le commentateur : avoir cité des spécialistes dans l’article en question. Des exemples comme ceux-là, nous en avons quotidiennement, c’est la triste réalité », se désole Marie-Ève Martel.

Nombre indéterminé de cas de COVID-19 chez Héma-Québec

Héma-Québec a transmis une note à ses employé-es, mercredi dernier, dans laquelle elle affirme qu’il y a certains cas de COVID-19 au sein de l’organisation, mais sans préciser le nombre exact ni l’endroit où les personnes affectées travaillent.

« Nous trouvons inadmissible qu’Héma-Québec ne précise pas dans quelle ville et quel service se trouvent les cas de COVID-19, dont on ne connaît pas non plus le nombre, affirme Lucie Longchamps, vice-présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN). Les cinq syndicats CSN d’Héma-Québec ont cherché à obtenir plus d’information, à plusieurs reprises, mais sans succès depuis mercredi en fin de journée. Il n’est pas question de savoir le nom des personnes, mais les équipes qui sont concernées. »

« On trouve aussi très dommage qu’Héma-Québec ait mis une fin définitive aux rencontres hebdomadaires avec certains syndicats pour traiter de la COVID, et ce, juste avant l’annonce de certains cas », ajoute Lucie Longchamps.

Les syndicats CSN d’Héma-Québec rappellent par ailleurs que leurs membres sont toujours exclus de l’octroi des primes de 4 % et de 8 % destinées aux travailleuses et aux travailleurs du secteur de la santé qui sont au front dans la crise actuelle. L’éclosion de cas de COVID-19 au sein des employé-es montre aujourd’hui clairement que le risque est bien réel. Le gouvernement affirme depuis des semaines être en réflexion à ce sujet.

De technicienne chez Loto-Québec à aide de service en CHSLD

Alors que la pénurie de personnel faisait rage dans les CHSLD et que les appels à l’aide du premier ministre François Legault peinaient à combler les besoins urgents sur le terrain, Marie, une employée de Loto-Québec qui souhaite garder l’anonymat, s’est tout de suite inscrite sur le site Je Contribue pour offrir ses services en cette période de crise sanitaire inédite.

« Ses efforts, nous raconte Alain Balleux, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses de Loto-Québec (STTLQ–CSN), méritent d’être connus et partagés publiquement. Sa contribution qui, à la base, est née d’un simple désir d’aider s’est vite transformée en un élan du cœur qui, nous croyons, pourrait en inspirer plusieurs. »

Résolue à prêter bénévolement main-forte au personnel d’un CHSLD le plus tôt possible, Marie a dû d’abord argumenter avec son propre employeur. Celui-ci lui offrait un congé sans solde pour pouvoir aller travailler dans un CIUSSS qui requérait, de son côté, qu’elle soit « embauchée formellement » pour la période où elle offrait son aide. Heureusement, grâce à l’intervention du STTLQ–CSN et de la CSN auprès des ressources humaines de Loto-Québec qui ont finalement interpellé leurs homologues du CIUSSS, tout est rentré dans l’ordre : Marie a pu (enfin) commencer son travail comme aide de service dans un CHSLD sans être pénalisée par les exigences bureaucratiques de la situation.

Lorsqu’elle est arrivée sur place pour son premier quart de travail (qui avait lieu la nuit), les employé-es de l’établissement qui l’accueillaient se demandaient par où commencer. « Je dirais qu’au début, on ne savait pas trop quoi faire de moi, avoue Marie en riant. Qui étais-je ? Qu’étais-je prête à faire ? J’ai écouté, demandé et ensuite, proposé. »

Avant de commencer le travail, Marie avait pris le temps de lire un peu sur le métier de préposé-e aux bénéficiaires, question d’essayer d’en savoir un peu plus « théoriquement » de manière à être plus performante du côté de la pratique. « J’avais lu qu’être préposée (PAB) ou infirmière en CHSLD, poursuit-elle, c’est faire don de soi. J’ai regardé le personnel la première nuit et c’est ce que j’ai constaté. Ces gens m’ont épatée ; les résidents aussi, d’ailleurs. J’ai reçu une leçon d’humanité. »

Tout au long de sa nuit, Marie a tenté de distribuer ce qu’elle appelle « des petits bonheurs » aux résidents, mais pas autant qu’elle ne l’aurait souhaité, car les tâches sont nombreuses et le personnel, limité.

« J’ai couru une partie de la nuit dans la chambre d’un résident qui ne cessait de faire sonner son alarme. Ça libérait un peu mes collègues. Il y avait cette dame de 73 ans, avec de sérieux problèmes de santé, qui appelait à l’aide pour avoir de l’eau — elle ne peut pas boire seule. Cette résidente est maintenant sur ma liste mentale et je vais la voir régulièrement pour lui apporter à boire, car demander de l’aide lui demande un grand effort — elle ne peut même pas sonner. »

Le travail de Marie ne se limitait pas à donner des verres d’eau. La formule « toutes autres tâches connexes » s’appliquait bien sûr à sa charge de travail. C’est ainsi qu’elle s’est appliquée à effectuer toutes les tâches pourtant nécessaires que le personnel ne pouvait exécuter, faute de temps et de renfort, comme placer des couches dans des chambres, remplir des chariots de soins, plier des serviettes, etc. Tout cela dans un contexte de pandémie qui fauche des vies chaque heure.

« Mon premier décès relié à la COVID-19 est survenu durant la nuit. En faisant ma ronde auprès d’une résidente, je me rends compte qu’il n’y pas de réaction, pas de pouls… L’infirmière se prépare à parler à la famille, tâche à laquelle elle ne s’habitue pas. Elle ne s’y habituera probablement jamais. Et malgré ce triste moment, la vie se poursuit tout de même dans toutes les autres chambres. On doit continuer malgré tout pour les gens qui ont encore besoin de nous, poursuit Marie. Les employés-es qui sont là tous les jours font des miracles. Il n’y a pas d’arrêt ou de pause, sauf au plus noir de la nuit. Et encore… »

À l’étage où travaillait Marie, la préposée présente l’a beaucoup aidée. Elle n’était pas censée y être cette nuit-là, car c’était sa nuit de congé. Mais elle était là. « Je n’ose pas imaginer comment elle se serait débrouillée seule. »

Marie avoue candidement qu’elle se croyait en forme. Après plusieurs quarts de travail, elle admet en riant avoir « les jambes en compote », avant d’ajouter du même souffle : « pas grave, je vais m’habituer. »

Après 15 jours consécutifs, à l’exception d’une nuit de congé, Marie est fatiguée, mais contente. Contente d’avoir pu aider un peu. Elle réalise à quel point le travail en CHSLD est exigeant et qu’il implique un dévouement exceptionnel. « Quel boulot ! Un vrai sacerdoce ! », s’exclame-t-elle, reconnaissante malgré tout de l’expérience qu’elle a vécue. « J’ai rencontré des gens extraordinaires, autant des collègues que des résidents. Ce séjour restera gravé dans ma mémoire à jamais. Je suis très reconnaissante d’avoir pu le vivre. »

On peut comprendre que le Syndicat des travailleurs et travailleuses de Loto-Québec ait voulu rendre hommage à cette dame anonyme dont la contribution exemplaire a de quoi inspirer en ces temps de pandémie.

Merci à Alain Balleux de nous avoir partagé si généreusement son récit.

Rareté de main-d’œuvre en santé et services sociaux : un problème structurel qu’il faut régler

Pour la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSSCSN), l’annonce d’une prime temporaire à une partie du personnel du réseau révèle à quel point le sous-financement des services a mis à mal notre système public de la santé et des services sociaux. La FSSSCSN invite le gouvernement à concentrer les énergies à la recherche de solutions durables et permanentes.

« Cela fait des années que nous nous battons pour améliorer les salaires ainsi que les conditions de travail et de pratique dans le réseau, explique le président de la FSSS–CSN, Jeff Begley. C’est clair qu’avec des salaires beaucoup trop bas, les établissements ont de la misère à attirer et à retenir du personnel. Si l’actuelle pandémie révèle ces difficultés au grand jour, ce serait une grave erreur de penser qu’elles disparaîtront avec le coronavirus ; c’était le cas bien avant l’état d’urgence. Par ailleurs, il faudra aussi s’attaquer aux conditions de travail, tant en termes de charge de travail que de prévention en santé et sécurité du travail. Or, nous sommes aux tables de négociation actuellement. C’est le temps de trouver des solutions durables, mais on nous offre actuellement des miettes pour les salaires et très peu de perspectives quant à l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble du personnel. »

Une prime imprécise
Ne disposant que des informations données par le premier ministre François Legault en point de presse aujourd’hui, la FSSS–CSN n’est pas en mesure à ce moment-ci d’analyser adéquatement toutes les implications de cette annonce. Il semble qu’elle ne visera qu’une partie des travailleuses et travailleurs à risque de contracter la COVID-19 dans le réseau public. De plus, une partie de la prime ne s’appliquera que pour la région métropolitaine.

En ce qui concerne les centres d’hébergement privés et les ressources intermédiaires et de type familial (RI-RTF), la FSSS–CSN fera les suivis avec les employeurs pour s’assurer que le personnel ait accès à cette prime. La FSSS–CSN déplore de plus que la prime laisse plusieurs secteurs dans l’oubli : le secteur préhospitalier, les services de garde éducatifs, les institutions religieuses et les organismes communautaires.

Personnel à temps plein
La FSSS–CSN travaille depuis longtemps à la recherche de solutions pour favoriser l’occupation de poste à temps plein dans le réseau public. Cependant, une partie de la solution se trouve dans les établissements qui refusent souvent de créer des postes intéressants à temps plein. Si elle partage l’objectif du gouvernement, la FSSS–CSN prévient qu’on risque ainsi de déplacer le problème vers d’autres services qui connaissent aussi des difficultés de main-d’œuvre où le personnel n’est pas visé par la prime.

Rehausser les mesures de protection
Pour parvenir à attirer et retenir le personnel durant la pandémie, il faut certainement des solutions du côté salarial, mais il faut aussi s’intéresser aux équipements de protection individuelle. Depuis des semaines, la FSSS–CSN demande au gouvernement de rehausser les mesures de protection dans les CHSLD, les soins à domicile et les résidences privées pour aîné-es.

« À voir la quantité de travailleuses et travailleurs infectés, c’est certain que les mesures de protection sont insuffisantes. Bien des gens viendraient donner un coup de main, mais veulent être protégés pour le faire. Non seulement l’accès aux équipements est à géométrie variable, mais le gouvernement refuse toujours de rehausser les mesures de protection. Il faut agir rapidement là-dessus ! », poursuitJeff Begley.

Pour des solutions durables
« Nous attendons depuis une dizaine de jours la réponse du gouvernement à une réponse fort simple : quelle est son évaluation actuelle de la valeur de l’emploi d’une préposée aux bénéficiaires ou d’une auxiliaire aux services de santé et sociaux, poursuit Jeff Begley. Nous avons joué cartes sur table : nous considérons que ces travailleuses devraient recevoir un salaire de 25,27 $ au sommet de leur échelle salariale. Qu’en pense le gouvernement ? Ces dossiers d’équité salariale traînent depuis 2010 et 2015. Si les gouvernements n’avaient pas balayé ce dossier sous le tapis ; s’ils avaient accepté de négocier des augmentations de salaire réalistes dans le passé plutôt que nous imposer des mesures d’austérité, on peut penser que nous serions en bien meilleure posture aujourd’hui pour faire face à la pandémie ».