La CSN exige des modifications en profondeur pour vraiment protéger tout le monde

Dans un mémoire étoffé, présenté en commission parlementaire cet après-midi, la CSN exige une bonification importante du projet de loi 59 du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet. « Ça fait des dizaines d’années que la CSN demande une nécessaire révision des vieilles lois en santé-sécurité. Au nom de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs québécois, nous n’avons pas le droit de rater ce rendez-vous et de bâcler la réforme », martèle d’emblée Jacques Létourneau, président de la CSN.

La confédération reconnaît certaines avancées dans le texte déposé par le gouvernement de François Legault. Mais, elle dénonce aussi les importants reculs. « Au lieu d’étendre à tout le monde les succès enregistrés au fil des ans par les groupes prioritaires en matière de prévention — comme dans le secteur de l’industrie lourde —, le gouvernement coupe dans leurs droits. C’est reçu comme une gifle », s’indigne Jacques Létourneau. En effet, dans ces milieux, PL-59 réduira les pouvoirs et le temps alloué aux représentants à la prévention pour procéder aux inspections et aux enquêtes.

En contrepartie, dans les milieux jugés à risque faible, comme l’éducation ou certains secteurs de la santé — majoritairement féminins — les minutes octroyées à la prévention seront nettement insuffisantes. La détermination des niveaux de risque doit d’être revue. « En ces temps de pandémie, qui au Québec croit sérieusement que celles et ceux qui accompagnent les jeunes dans nos écoles ou qui soignent les patients dans nos hôpitaux sont à risque faible? C’est absurde », selon M. Létourneau.

L’épuisement professionnel : grand oublié de PL-59

Si les risques psychosociaux et le stress post-traumatique sont enfin reconnus, le projet de loi ne va pas assez loin en matière de santé psychologique. Rien n’est prévu concernant le « mal du siècle » : l’épuisement professionnel. On sait que cette forme d’épuisement résulte souvent d’une organisation du travail déficiente ou de pratiques de gestion malsaines. Le gouvernement doit adapter sa réforme pour reconnaître cette réalité.

Accroissement inquiétant des pouvoirs de la CNESST

La CNESST disposerait d’un pouvoir réglementaire additionnel pour restreindre les soins et les moyens à déployer afin de permettre la réadaptation entière d’une ou d’un accidenté-e du travail. Cette mesure ouvre-t-elle la porte à la réalisation d’économies sur leur dos?

Aussi, PL-59 apporte des changements qui affectent particulièrement le retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Le gouvernement veut-il limiter la portée de cette avancée pour les femmes en restreignant les risques pour lesquels le retrait préventif serait applicable? Il faut rappeler que cette mesure permet de prendre acte des risques du milieu de travail et de s’y attaquer. Ce qui en fait une mesure de SST essentielle et non une mesure sociale, comme le prétendent certains employeurs.

Mobilisation et campagne publicitaire

La CSN et ses organisations affiliées partout au Québec réclament une bonification importante du PL-59. « Nos membres se mobilisent pour que le Québec cesse d’être dernier de classe en santé-sécurité au travail. La réforme aura un impact majeur sur la vie des travailleuses et des travailleurs. Le gouvernement serait irresponsable d’en oublier en chemin », conclut Jacques Létourneau.

La CSN a créé le site SSTvraiment.org afin de vulgariser et d’expliquer comment la réforme du gouvernement doit être bonifiée afin de vraiment protéger tout le monde. Une vaste campagne publicitaire dans chaque région du Québec est également en cours afin de sensibiliser les travailleuses et les travailleurs québécois aux manquements de cette réforme.

Les finances de la CSN résistent à la crise

Malgré la crise sans précédent que nous vivons, la CSN a bien tenu le coup financièrement et les délégué-es réunis en congrès ont adopté le budget pour les années 2020-2023, le 20 janvier. Le nouveau budget a même permis d’adopter de nouvelles mesures de solidarité comme l’amélioration des prestations de grève ou de lock-out.

« On pense que le nombre de membres va remonter, même si ce sera lent pour certains secteurs comme la culture ou le tourisme », explique Pierre Patry, trésorier de la CSN, en entrevue. Au plus fort de la crise, plusieurs milliers de membres ont perdu temporairement leur travail. La relance est cependant amorcée, mais le nombre de membres demeure en deçà de celui de février 2020.

« C’est conjoncturel, ce n’est pas structurel », indique le trésorier en précisant que le déficit budgétaire sera tout de même « assez important » en raison principalement des effets temporaires de la COVID. La CSN a notamment mis en place une péréquation extraordinaire de 1 M$ pour ses fédérations plus lourdement affectées par la pandémie. Celle-ci s’ajoute à la péréquation habituelle calculée selon les règles établies.

Rappelons que la cotisation à la CSN, qui représentent 0,72 % de la masse salariale brute, se divise en trois fonds distincts : le Fonds de défense professionnelle (FDP), le budget de fonctionnement (BF) et le Fonds de soutien extraordinaire (FSE). Pour l’ensemble de ces fonds, les revenus anticipés pour 2020-2023 sont de 260 M$.

Un autre changement majeur va affecter le budget de la CSN : les modifications importantes pour bonifier les prestations de grève et de lock-out du Fonds de défense professionnelle (FDP). Le montant reçu passera de 275 $ à 300 $ par semaine et les grévistes auront droit à une prestation plus rapidement, après trois jours de conflit. Le montant reçu sera également majoré progressivement pour les longs conflits de travail, jusqu’à 400 $ par semaine après six mois. Cette bonification est rendue possible par la « très bonne santé » financière du FDP, qui dispose d’un actif de 74 M$, dont 41,25 M$ sont réservés pour rendre disponibles 150 000 prestations.

Après plus de 16 ans en poste comme trésorier, Pierre Patry retient la nécessité de prendre du recul avant de prendre des décisions : « Les finances de la CSN sont très fluctuantes selon la conjoncture. Il faut lire les tendances et se placer dans une perspective historique. »

L’envers du décor d’un congrès virtuel

Nous sommes le 4 mars 2020. Les responsables des équipes de travail chargés de la préparation du 66e Congrès de la CSN en sont à leur quatrième rencontre avant l’ouverture de cette instance historique qui doit lancer les célébrations du 100e anniversaire de l’organisation. Le début du congrès est alors prévu pour le 25 mai. On sent la fébrilité dans l’air, avec la part de stress que l’organisation d’un tel rassemblement implique. Puis, à peine huit jours plus tard, le gouvernement de François Legault annonce les premières mesures de confinement en lien avec la pandémie de COVID-19 qui allait mener, quelques semaines plus tard, à la mise sur pause du Québec en entier.

Pour Jean Lortie, secrétaire général de la CSN, c’est la catastrophe : « Tout le temps et les efforts que nous avions investis jusqu’ici pour préparer ce congrès historique venaient de tomber à l’eau, le temps d’une conférence de presse. Réservations de salles, préparation des contenus, impression des documents, communications avec les délégué-es, logistique, technique, etc. : tout venait de s’effondrer en l’espace de quelques minutes à peine. » Pour celui qui en est à l’organisation de son troisième congrès de la CSN, c’est tout un choc. « Personne n’avait vu venir ce coup-là. Il fallait se revirer de bord très rapidement. C’était un véritable saut dans l’inconnu. »

Peu de temps après cette fameuse annonce du 12 mars 2020, le bureau confédéral confiait un mandat au comité exécutif de la CSN pour reporter le congrès à une date ultérieure, en rejetant l’idée de l’annuler complètement. Toutes les options ont alors été évaluées : tenir un congrès en présentiel à l’automne, opter pour un format exclusivement virtuel, imaginer une formule hybride, etc. Mais au rythme où évoluaient les choses, il était difficile de se faire une idée claire et d’arrêter une décision finale.

S’adapter constamment
Naviguant en terrain inconnu au beau milieu d’une crise sanitaire planétaire sans précédent, l’équipe responsable de préparer le congrès devait s’adapter constamment à l’évolution de la situation au Québec. « Il fallait tenir compte des décrets ministériels qui s’accumulaient et qui changeaient de semaine en semaine. C’était un véritable casse-tête, considérant tout ce que nous devions revoir et les impacts financiers et logistiques qu’un tel revirement engendrait », nous confie Marie Claude Hachey, responsable de la logistique du 66e congrès.

Dans l’espoir d’un retour rapide à la normale, la possibilité de tenir un congrès à l’automne en présence demeurait encore malgré tout sur la table. Mais dès la fin du mois d’août, voyant qu’une deuxième vague de COVID-19 se profilait à l’horizon, le comité exécutif a finalement tranché en faveur de la tenue d’un congrès exclusivement virtuel dans la semaine du 18 janvier 2021. Le bureau confédéral lui a alors donné le mandat d’établir des paramètres de fonctionnement pour l’organisation et la tenue des instances démocratiques de la CSN en mode virtuel.

Un imposant mémoire préparé par le secrétaire général et son équipe a ensuite été déposé lors d’un bureau confédéral extraordinaire en octobre 2020, expliquant toutes les modalités de la tenue du congrès en mode virtuel : le programme, l’interprétation des statuts et règlements, le mode de délibération, les procédures de vote, etc. « Il ne s’agissait pas de tout changer la marche à suivre, mais bien de l’adapter à la nouvelle réalité », explique Jean Lortie.

Les défis et les contraintes d’un congrès virtuel
Il va sans dire, l’organisation d’un premier congrès en format exclusivement virtuel pose des défis considérables, notamment en matière de sécurité et de protection de la vie privée, mais aussi sur le plan de la littératie numérique. « Comme c’était une première en mode virtuel, nous ne savions pas comment allaient réagir nos membres. Vont-ils accepter ce nouveau pacte que nous faisons avec eux par cette nouvelle formule ? » se questionne le secrétaire général.

Conséquemment, plusieurs tutoriels ont été développés pour aiguiller tant les délégué-es officiels que les salarié-es dans l’utilisation des nouvelles plateformes numériques qui allaient être utilisées pour la tenue du congrès. Mais là encore, il y avait un enjeu d’accessibilité, tant au niveau de la connexion Internet que sur le plan des équipements informatiques. Afin de limiter la consommation de la bande passante pour les participantes et participants au congrès, il a été décidé de circonscrire les plages horaires du congrès à deux blocs de 2 h par jour qui se dérouleraient sur la plateforme Digicast développée par une entreprise 100 % québécoise qui répondait à tous les critères.

Les défis étaient également nombreux sur le plan des contenus. « Malgré le fait que les thématiques initialement retenues entourant les transformations du travail étaient toujours d’actualité, le contexte de pandémie mondiale nous a vite rattrapés. Avec les impacts importants que cette crise a engendrés dans nos milieux de travail et dans notre quotidien, nous devions revoir nos priorités et retourner sur le terrain pour prendre le pouls de nos membres », explique Josée Lamoureux, responsable du contenu du 66e congrès.

C’est ainsi qu’une tournée régionale virtuelle a été organisée aux mois d’octobre et novembre auprès de l’ensemble des syndicats de la CSN. Le constat flagrant qui en est ressorti est le suivant : les gens étaient débordés par la gestion des contraintes de la pandémie. Il a donc fallu rapidement ajuster le contenu du congrès en fonction des préoccupations des membres. « Mais le plus grand défi demeurait de réconcilier une forme minimale de débat et de prise de parole avec le format virtuel et la distance physique, ce qui a été fait grâce à l’organisation d’ateliers via la plateforme Zoom », poursuit Josée Lamoureux.

Enfin, d’un point de vue logistique, là aussi, l’adaptation était de mise. « Par le passé, presque tout passait par le papier : les inscriptions, les invitations, les convocations, les lettres de créance, et j’en passe. Aujourd’hui, tout se fait de façon numérique, par courriel, ce qui impliquait un changement considérable dans nos manières de procéder », ajoute Marie Claude Hachey. Ses deux plus grands défis : l’inscription en ligne, plus spécifiquement l’obtention des adresses courriel uniques des délégué-es pour l’obtention des accès au vote électronique, ainsi que le choix de la plateforme virtuelle pour opérer un congrès avec assemblées délibérantes et un droit de vote distinct, ce que permettait Digicast.

« Nous avons dû nous adjoindre les services techniques de deux autres compagnies québécoises afin de dynamiser ce congrès virtuel. Luc Bessette, qui pilote la technique avec brio, a réussi à trouver les meilleurs de l’industrie », ajoute Jean Lortie, en référant à Solotech et à Lambert Distributions, qui ont contribué à la mise en scène, à l’éclairage et à tout ce qui touche à la technique dans ce qu’on a appelé « le studio du congrès », et à Mathieu Bessette, intégrateur vidéo et opérateur Watch Out, qui a contribué notamment à la projection d’images et de vidéos sur les murs intérieurs de la CSN.

En somme, c’est tout un défi qu’ont relevé les équipes responsables de concocter cette toute première édition d’un congrès virtuel. Mais malgré l’excellence du résultat dans les circonstances, toutes et tous s’accordent pour dire que rien ne remplace le contact humain propre au mouvement syndical. « Vous savez, ce sentiment qu’on ressent quand on entre dans une salle bondée, avec plus de 2000 délégué-es… On sent qu’on fait partie de quelque chose de plus grand que nous, qui nous dépasse. Donc c’est certain qu’avec le format virtuel, il y a une part de deuil que l’on vit, mais il faut se dire que c’est pour mieux se retrouver en personne, et ce, le plus tôt possible ! », conclut Jean Lortie.

En route vers le FDP du centenaire !

C’est avec grand enthousiasme que Pierre Patry, trésorier de la CSN, a présenté cet après-midi aux quelque 2000 congressistes les conclusions contenues dans le rapport du comité de révision des règles du Fonds de défense professionnelle (FDP) de la CSN, outil phare de solidarité créé il y a bientôt 70 ans.

Ce comité, mis sur pied à l’issue du 65e congrès de la Confédération, avait pour mandat de renouveler les règles d’application du FDP afin qu’elles tiennent compte des nouvelles réalités du travail et des nouveaux types de conflits existants, en insistant sur des critères comme l’équité ainsi que l’accessibilité au Fonds, et ce, pour l’ensemble des membres de la CSN.

C’est ainsi qu’après plus de 18 mois de travaux, le comité a déposé son rapport dans lequel sont formulées une vingtaine de recommandations. Quelques-unes d’entre elles concernent des modifications aux statuts et règlements du FDP par le congrès, alors que d’autres portent sur la révision ou l’adoption de nouvelles politiques par le bureau confédéral. D’autres encore concernent l’amélioration de certaines pratiques ou le développement de certains outils.

Deux recommandations majeures
De toutes ces recommandations, deux retiennent particulièrement l’attention : d’abord, la volonté de rehausser le montant des prestations de grève ou de lock-out de sorte qu’il passe de 275 $ à 300 $ par semaine d’ici 2023, en plus de bonifier ces prestations en fonction de la durée du conflit. Cette proposition est d’ailleurs intégrée dans les prévisions budgétaires sur lesquelles les délégué-es devront se prononcer demain après-midi lors de la présentation du budget pour l’exercice 2020-2023. La seconde vise à revoir les conditions d’acquisition du droit à une première prestation lorsqu’un conflit est déclenché de manière à en améliorer l’accessibilité.

Proposition phare adoptée !
C’est d’ailleurs cette seconde recommandation qui était au cœur de la proposition soumise cet après-midi par le comité précongrès aux délégué-es présents et qui a fait l’objet de nombreux échanges. À l’issue de ces discussions, les congressistes ont adopté à 96,2 % la proposition modifiant l’article 13 des statuts et règlements du FDP portant sur le droit aux prestations et établissant qu’une personne est désormais admissible au versement d’une première prestation hebdomadaire après le troisième jour ouvrable de conflit — plutôt qu’au huitième jour, comme c’était le cas jusqu’à ce jour. La proposition stipule également que le droit à cette prestation n’est plus tributaire d’autres sources de revenus au moment du déclenchement du conflit.

Un gain majeur pour les travailleuses et les travailleurs
Pour le trésorier de la CSN, il s’agit là d’un gain majeur qui répond aux nouvelles réalités du travail. « Ce qu’on a constaté au cours des dernières années, c’est qu’il y avait de plus en plus de conflits de travail de courte durée et qu’en raison du délai de carence de sept jours ouvrables qui était alors prévu, plusieurs membres se voyaient privés des prestations de grève ou de lock-out. En donnant maintenant accès à ces prestations dès la première semaine de conflit, on rend notre Fonds de défense professionnelle beaucoup plus accessible, et surtout, mieux adapté à la réalité du travail d’aujourd’hui, ce qui, en soi, constitue une belle victoire pour les travailleuses et les travailleurs que nous représentons », a déclaré Pierre Patry.

Outre la diminution du délai de carence, le fait de ne plus tenir compte, désormais, des revenus d’autres sources au moment du déclenchement d’un conflit vient également témoigner de la volonté réelle de la CSN de s’adapter aux nouvelles réalités du travail. « Il fut un temps où les gens occupaient souvent le même emploi à temps complet, et ce, durant toute leur vie, alors qu’aujourd’hui, à l’ère de la précarité d’emploi, les personnes qui cumulent deux, parfois trois emplois, sont de plus en plus nombreuses. Cette réalité les restreignait dans l’accessibilité aux prestations de soutien du FDP, ce qui devait être corrigé », a-t-il poursuivi.

Les délégué-es ont également voté en faveur d’une proposition de renvoyer au conseil confédéral la responsabilité de statuer sur les nouveaux textes des statuts et règlements du FDP, et ce, en conformité avec les orientations adoptées par le 66e Congrès.

Le témoignage touchant d’un travailleur de Demix Béton Saint-Hubert
Depuis 1952, les travailleuses et les travailleurs syndiqués à la CSN ont pu bénéficier du soutien du FDP dans leurs luttes pour améliorer leurs conditions de travail. Seulement dans le dernier mandat, ce sont près de 400 syndicats issus de tous les secteurs d’activité qui ont pu se prévaloir de ce soutien, que ce soit sous forme de prestations ou d’allocations de grève, d’achat de publicité, de soutien à la mobilisation ou encore de services juridiques.

Il s’agit d’un outil indispensable de solidarité, comme en témoigne Martin Fournier, opérateur de bétonnière et membre du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Demix Béton de Saint-Hubert–CSN, qui a vécu à l’automne dernier, avec ses collègues de travail, un lock-out de plus de deux mois. « Honnêtement, une chance que le FDP était là. Les prestations qui nous ont été versées tout au long de notre conflit nous ont été franchement utiles. Si on n’avait pas pu bénéficier de ce montant-là, je ne suis pas certain que les membres auraient pris la décision d’aller en grève contre une compagnie de l’envergure de Demix. Lorsqu’on déclenche une grève, avec un lock-out de l’employeur par-dessus le marché, on ne sait pas combien de temps ça va durer. En ce sens, le soutien financier du FDP nous a réellement permis de nous battre et d’aller jusqu’au bout de nos convictions. C’est vraiment ce qui fait toute la différence et qui témoigne de la solidarité à la CSN », a déclaré M. Fournier.

À l’aube du centenaire de la CSN
À la veille du 100e anniversaire de la CSN, ces propositions et les importantes modifications à venir au cours des prochains mois viennent concrétiser le souhait de la CSN d’offrir à ses membres les outils les mieux adaptés à leur réalité en constante évolution. « Nous sommes appelés à continuer l’œuvre des syndicats qui ont mis sur pied le FDP afin qu’il incarne encore longtemps la solidarité́ telle que nous la concevons à la CSN. Et tout comme les militantes et les militants qui nous ont précédés, nous devons prendre grand soin de ce fonds propre à notre mouvement, ce joyau qui, une fois bonifié, deviendra pour les organisations affiliées et les syndiqué-es de la CSN, le FDP du centenaire ! », de conclure Pierre Patry.

La santé et la sécurité toujours au cœur des préoccupations des membres

Le thème de la santé et de la sécurité du travail s’est retrouvé une fois de plus au cœur des échanges qu’ont eus les quelque 2000 participantes et participants au congrès de la CSN qui, cet avant-midi, étaient réunis en ateliers virtuels pour discuter des quatre grandes orientations mises au jeu par le comité exécutif de la centrale.

L’objectif de ces ateliers, qui fait suite à une consultation régionale des syndicats réalisée l’automne dernier, était de dégager des consensus autour des priorités à adopter lors de la mise en œuvre de ces quatre orientations au cours du prochain mandat.

Secoués par une crise sanitaire sans précédent depuis bientôt un an, les congressistes ont réitéré de façon peu surprenante l’importance capitale de préserver et d’améliorer la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs dans leur quotidien. Parmi les enjeux abordés au cours des ateliers, on retrouve, entre autres, le déploiement des réseaux d’entraide, notamment en lien avec l’augmentation des problèmes de santé mentale et de détresse psychologique, le maintien et le respect des mesures sanitaires dans le contexte actuel de pandémie, la poursuite de l’offensive pour apporter des modifications au projet de loi n59 — qui vise à moderniser le régime québécois de santé et de sécurité du travail — ainsi que la prépondérance des revendications en matière de SST dans la négociation des conventions collectives.

Plusieurs interventions concernaient l’importance de doter les travailleuses et les travailleurs d’équipements appropriés et ergonomiques, qui favorisent notamment une bonne posture, afin de maintenir la santé et la sécurité des membres dans un contexte de télétravail. Cette nécessité n’est pas toujours facile à mettre en œuvre, compte tenu de la résistance de certains employeurs et du manque de couverture de ces enjeux par bon nombre de conventions collectives.

Pour une membre du syndicat des professionnel-les de la Capitale-Nationale, il s’agit là, effectivement, d’une nécessité. « Depuis le début de la pandémie, plusieurs membres nous ont fait part de problèmes musculo-squelettiques qu’ils ont développés en raison du télétravail. Ce devrait être une priorité, dans les circonstances actuelles, de tabler rapidement sur des mesures de SST à domicile ». Une autre déléguée, cette fois du syndicat du CIUSS de l’Est de Montréal, abonde dans le même sens : « Il faut que les syndicats puissent participer concrètement et rapidement à l’élaboration de politiques en matière de santé et de sécurité, en balisant notamment les temps de pause et en misant sur l’ergonomie des postes de travail. »

D’autres, comme un membre du syndicat des travailleuses et des travailleurs de l’Estrimont, ont également insisté sur l’importance de mettre les meilleures ressources à la disposition des membres afin de contrer l’isolement et la détresse psychologique. « L’écoute, c’est ce qu’il y a de plus important. Ensuite, il faut savoir orienter les membres vers les bonnes ressources. Les conseils centraux de la CSN ont déjà les listes de ces ressources. C’est primordial pour développer des réseaux d’entraide efficaces. »

Même son de cloche d’une représentante du syndicat du CISSS de Lanaudière : « La santé psychologique est devenue un véritable fléau et je ne sens pas que je suis très outillée pour appuyer les membres sur ce plan. Ça nous prendrait plus d’outils, plus de ressources pour les guider. Mon président a pris l’initiative de produire régulièrement des capsules vidéo pour tenter d’atteindre le plus de membres possible et de les tenir informés des derniers développements. Ça aide à baisser le stress. »

Sans surprise, plusieurs interventions concernant la réforme du projet de loi n59 étaient au cœur des débats de la matinée, comme celle d’un représentant du Conseil central de la Montérégie selon lequel il faudrait insister, dans le projet de loi, pour augmenter le nombre d’inspecteurs à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « Beaucoup de gens disent, à propos du PL59, que le système coûte trop cher, mais on apprend que les mesures ne sont pas respectées et que les inspecteurs ne peuvent pas faire leur travail. Oui, on veut que les balises soient meilleures et qu’on reconnaisse la santé psychologique, mais il faut aussi améliorer l’application des mesures, ce qui signifie des investissements pour embaucher plus d’inspecteurs à la CNESST. »

Un autre membre, cette fois du syndicat des employé-es de magasins et de bureaux de la SAQ, a également affirmé qu’il y avait un problème d’équité à régler avec la réforme du projet de loi du ministre Boulet. « L’employeur semble toujours magasiner sa réponse entre la Santé publique et la CNESST, selon ce qui va lui coûter le moins cher. Finalement, ce sont les travailleuses et les travailleurs qui écopent. »

En plus du thème de la santé et de la sécurité du travail, les délégué-es ont pu débattre en ateliers de vie syndicale et de mobilisation, de droits du travail ainsi que de relance post-COVID, qui constituent les trois autres grandes orientations soumises par le comité exécutif de la Confédération.

Se frotter aux nouvelles réalités du travail

Plusieurs constats se dégagent depuis les débuts de la COVID-19, mais pour une organisation syndicale comme la nôtre, il est impossible de passer à côté du fait que cette pandémie est venue complètement chambouler le monde du travail, surtout en ce qui a trait au du télétravail. Avant la pandémie, entre 10 % et 15 % de la main-d’œuvre avait recours au travail à domicile, mais avec les mesures de confinement, ce taux aurait bondi à plus de 40 %. Il s’agit ainsi d’un changement d’une ampleur que nous n’avons jamais vue dans l’histoire du travail et qui impose à son tour tout un lot de nouveaux défis pour les travailleuses et les travailleurs de notre mouvement.

Bien que le travail à domicile vienne avec certains avantages, il peut aussi être synonyme d’isolement, d’augmentation des heures de travail, d’alourdissement des tâches, des troubles musculosquelettiques, de difficulté à séparer le travail de la vie personnelle et d’atteinte au droit à la vie privée.

À ce titre, le comité de coordination générale de négociation a produit un guide de négociation sur le télétravail. Et à entendre les participantes et participants du
66e Congrès de la CSN lors des ateliers sur les orientations du mouvement, ce guide risque d’être fort utile pour aider les syndicats à se négocier de bonnes conditions de télétravail.

Lors de ces échanges, plusieurs militantes et militants ont souligner l’importance de négocier des lettres d’entente pour baliser le télétravail et de lutter contre des politiques unilatérales imposées par les employeurs. Ces politiques ont comme effet de démobiliser les membres et de réduire la représentation syndicale. Il faut effectivement veiller à ce que les travailleuses et travailleurs ne consentent pas à n’importe quoi dans le but d’accepter le télétravail. Un consensus s’est notamment dégagé sur l’importance de bloquer les efforts des employeurs de réduire leurs coûts de fonctionnement en s’appuyant sur les économies engendrées par le télétravail. S’il doit y en avoir, des économies, celles-ci devront servir avant tout à améliorer les salaires et les conditions de travail.

Le cadre légal
En accentuant la fragmentation des lieux de travail, le télétravail pose d’importants défis de mobilisation, d’exercice du droit de grève ou de possibilités de syndicalisation.

Au cours du dernier mandat, plusieurs lois ou programmes touchant le travail ont été modifiés. Mentionnons, entre autres, la Loi sur les normes du travail (2018), la Loi sur l’équité salariale (2019), le Code du travail en lien avec les services essentiels dans les services publics (2019), le Régime québécois d’assurance parentale (2020), la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (2020), le Code canadien du travail (2019), etc.

À chaque occasion, la CSN a fait entendre sa voix. Certains des changements vont dans le sens de nos revendications. Cela dit, trop de personnes restent mal protégées, notamment les travailleuses et les travailleurs autonomes.

La solidarité : un attrait incontournable pour la syndicalisation
Les défis du monde du travail exigent la présence d’organisations syndicales fortes. Sans organisation syndicale, il ne reste que les gouvernements ou le rapport de force individuel.

Il faut reconnaître que les nouvelles réalités du travail et de l’emploi ne facilitent pas la syndicalisation, du moins pas dans sa forme traditionnelle. La diversité des relations d’emploi, la diminution de la taille des entreprises, l’éclatement des collectifs de salarié-es, tant sur le plan du lieu de travail que sur celui des horaires, sont autant de défis avec lesquels il faut composer.

D’ailleurs, les congressistes ont applaudi les efforts récemment déployés par la Fédération du commerce (FC–CSN) et la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN) afin de bâtir un modèle de syndicalisme permettant de regrouper plusieurs salarié-es travaillant pour différents employeurs au sein du même syndicat. Un modèle inspirant qui a même inspiré une déléguée provenant de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine à évoquer la possibilité de l’appliquer aux travailleuses et aux travailleurs des petites municipalités des régions éloignées.

Pour plusieurs congressistes, la solidarité doit être au cœur de nos efforts de syndicalisation. Plus les membres s’appuient dans leurs luttes respectives, plus les gens verront l’importance d’appartenir à un grand mouvement qui se tient ensemble, toutes régions et tous secteurs confondus. Parce qu’au fond, la solidarité, ce n’est pas que mobilisant, c’est aussi très rassurant. Et les gens ont besoin d’être rassurés ces jours-ci.

En fin de compte, bien que les obstacles à la syndicalisation soient nombreux, ils ne sont pas insurmontables. Ils doivent nous pousser à redoubler d’efforts et à innover. Les participantes et participants au 66e Congrès de la CSN semblent très prêts à relever le défi.

Éviter la crise après la crise

La crise sanitaire entourant la pandémie de COVID-19, qui a pris d’assaut notre monde et bouleversé l’ordre normal des choses, est omniprésente dans les discussions ayant cours à ce 66e Congrès de la CSN, et pour cause. L’ampleur de ses dégâts et les moyens à mettre en place pour y pallier ne pouvaient être pleinement anticipés. Or, si la crise a pris tout le monde par surprise, l’après-crise peut et doit être planifié et préparé.

Logiquement ciblée comme l’une des quatre grandes thématiques proposées par le comité exécutif pour encadrer les débats au cours du congrès, la relance post-COVID a suscité des échanges passionnés et productifs parmi les quelque 2000 participantes et participants aux ateliers de mardi matin.

Non à l’austérité
L’inquiétude était palpable parmi les intervenants. La grande majorité des congressistes craignent de voir nos gouvernements, endettés après avoir mis en place de nombreuses mesures d’urgence nécessaires pour faire face à la crise, effectuer un retour vers des politiques d’austérité afin de renouer avec l’équilibre budgétaire le plus tôt possible. La nécessité de contrer cette tendance et de militer pour un réinvestissement dans les services publics faisait l’unanimité.

« C’est comme un cercle vicieux, a expliqué une employé-e de soutien du cégep de Drummondville. On coupe dans les services publics, ce qui fait en sorte qu’on presse le citron et les conditions deviennent moins attrayantes. Ce faisant, on a du mal à attirer et à retenir la main-d’œuvre, ce qui fait qu’on manque de personnel, et donc qu’on doit couper encore dans les services. »

Soulignant les coupes considérables déjà faites avant la crise par le gouvernement du Québec dans le financement des centres et des organismes communautaires, une militante des Laurentides s’inquiétait particulièrement du sort des personnes les plus vulnérables de notre société, notamment les femmes victimes de violence.

Une autre, œuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux, a pris en exemple la situation du réseau des services de garde, lequel a été déserté par un grand nombre de travailleuses en raison de ses piètres conditions de travail. « Pour que les femmes travaillent, il faut qu’elles aient accès à des services de garde de qualité, a-t-elle expliqué. On va se réveiller demain matin et il va y avoir un manque de places pour les enfants dans les services de garde. Encore une fois, ce seront les femmes qui en paieront le prix. »

Un chargé de cours de l’Université Laval a, quant à lui, tenu à souligner que le ratio dette/PIB au Québec et au Canada était loin d’être dans un état critique et que les gouvernements ont toute la marge de manœuvre nécessaire pour passer à travers la crise sans avoir à sabrer dans les services ensuite.

Oui à une transition juste…
Plusieurs délégué-es participant au dialogue ont également tenu à insister sur la nécessité de saisir l’occasion sans précédent dont bénéficient les gouvernements en ce moment pour opérer une transition juste vers une économie durable. Certains ont proposé de rendre l’accès aux programmes d’aide publique pour les entreprises conditionnel à l’adoption de mesures visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

« Les enjeux environnementaux devront absolument faire partie d’une relance post-COVID, a tonné un enseignant. C’est primordial et incontournable en 2021. »

« C’est une occasion en or, s’est exclamé un militant de Joliette. Tant qu’à faire une relance, aussi bien en profiter pour bâtir une économie durable, créer des emplois verts et changer complètement le visage du Québec sur le plan environnemental. »

… partout !
Si toutes et tous se sont entendus pour dire qu’un retour au mode présentiel était souhaitable le plus tôt possible, plusieurs ont toutefois manifesté la volonté que certaines des nouvelles méthodes mises en place pendant la crise perdurent après celle-ci.

Le mode virtuel comporte des avantages que certains congressistes n’ont pas hésité à mentionner. « La pandémie nous a fait accélérer l’utilisation de ces outils et je crois que ça va durer, a souligné une élue d’un conseil central. Plusieurs régions couvrent des territoires qui sont immenses et le recours au mode virtuel a facilité la participation de membres et de syndicats que l’on voyait rarement auparavant. »

Le caractère inéquitable de ce mode de communication a toutefois été relevé à de maintes reprises au cours des échanges, l’accès à un service Internet à haute vitesse étant souvent très dispendieux, voire carrément inaccessible dans certaines régions plus éloignées. Un grand nombre de participantes et de participants ont donc exprimé le souhait que la CSN fasse pression sur les gouvernements afin que l’ensemble de la population puisse accéder à un service Internet abordable et efficace.

Une travailleuse de l’aide juridique dans le Bas-St-Laurent a fait un plaidoyer particulièrement éloquent à ce sujet. « C’est aussi une question d’accès à la justice. Les tribunaux nous imposent de travailler avec des plateformes de visioconférence. Il faut qu’on ait les moyens de se faire entendre. Je ne veux plus jamais voir des parents devoir contester le placement de leur enfant en famille d’accueil par téléphone ! », a-t-elle conclu.

Trouver un équilibre entre le virtuel et le présentiel

Réussir à maintenir une vie syndicale active représente depuis toujours un défi majeur pour les organisations syndicales. Malheureusement, le contexte particulier de pandémie, avec son lot d’interdictions et de mesures sanitaires, est venu complexifier davantage la réalisation de ce défi. Comment maintenir une mobilisation active de nos membres en ces temps si particuliers ? Les nouvelles technologies sont-elles un frein à notre vie syndicale ou plutôt une occasion à saisir ?

Pour la plupart des participantes et des participants aux ateliers, les nouvelles technologies (plateformes de réunions virtuelles, réseaux sociaux, etc.) sont une occasion à saisir. Pour certains, il était même temps que la CSN s’ouvre à ces nouvelles façons de faire. « Cela permet une plus grande participation aux instances, notamment pour les pères ou les mères monoparentales qui ne pouvaient se déplacer », explique un travailleur du secteur privé. De plus, nombreux ont dit souhaiter recevoir du soutien de la CSN en matière de nouvelles technologies. « Ça va prendre de la formation pour nous aider à gérer adéquatement ces technologies. On sait que c’est une solution qu’il faut mettre de l’avant, mais on va devoir être appuyés, tant technologiquement qu’en ce qui concerne les stratégies à adopter afin d’éviter que ça dérape. »

Concilier deux réalités
Un membre travaillant dans le milieu de la santé explique qu’il faudra éviter toutefois de privilégier un groupe plutôt qu’un autre. « J’ai des jeunes qui sont à l’aise avec la technologie, alors que les plus anciens ne sont pas au même niveau. Je dois m’assurer que tous y trouvent leur compte », relate le représentant syndical. De plus, la question de l’accessibilité aux technologies représente un défi pour plusieurs membres. « Certains n’ont pas d’ordinateur, ou pas d’accès à Internet haute vitesse, ou même à Internet tout court. »

Pouvoir décrocher
Même si plusieurs voient d’un bon œil l’utilisation de ces outils, ils sont tout de même conscients des désavantages qu’elle comporte. « On s’est rendu compte que le travail à distance, notamment la gestion des réseaux sociaux, ça épuise. La déconnexion est de plus en plus difficile et cela a un impact sur la santé psychologique. Notre comité exécutif s’est penché sur la question, et il est primordial de s’en occuper. La CSN devra aussi outiller les syndicats là-dessus », note pour sa part une présidente de syndicat.

Vie syndicale sur le terrain
Pour certains, même s’il est dorénavant impossible de faire fi des technologies nouvelles, la présence sur le terrain demeure primordiale. « Il ne faudrait pas négliger le travail terrain auprès des membres des syndicats, car la technologie ne pourra jamais remplacer le contact humain. » Il faudrait pouvoir trouver une solution hybride. Un équilibre entre le présentiel et le virtuel.

D’autres ont témoigné par contre de la difficulté à maintenir une vie syndicale active sur le terrain, car l’accessibilité aux budgets de mobilisation demeure difficile. « Il faudrait tenter d’assouplir les règles pour obtenir plus aisément de l’aide financière afin d’aller voir notre monde. C’est particulièrement difficile sur de grands territoires », note un représentant syndical du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Finalement, certains ont souligné l’importance de publiciser ce qui se passe dans la grande CSN. « La vie syndicale, la compréhension du rôle des syndicats et l’importance de l’implication de nos membres sont des enjeux quotidiens. Il faut qu’on puisse savoir quelles sont les luttes en cours, quels sont les conflits, mais aussi les réussites. C’est comme ça qu’on va développer un sentiment d’appartenance et faire la démonstration que la mobilisation, c’est payant. »

Entraide et solidarité au cœur du mouvement, aujourd’hui comme hier

Le président de la CSN a commencé son discours d’ouverture du congrès en recensant l’ensemble des difficultés que la crise sanitaire — et économique — a engendrées pour les syndicats affiliés, les militantes et les militants, les membres et les personnes les plus vulnérables de notre société. Il a ensuite expliqué comment la pandémie a mis au grand jour les failles de notre système, notamment le sous-financement des milieux de vie de nos aîné-es, la surcentralisation de notre système de santé et la rareté de la main-d’œuvre dans le secteur public.

Selon M. Létourneau, cette situation sans précédent nous permet toutefois de constater une fois de plus toute la pertinence et l’importance du mouvement syndical, quoi qu’en disent ses détracteurs. Qu’il s’agisse de sécuriser les milieux de travail, d’accompagner les membres vers les mesures d’urgence mises en place par les gouvernements, ou d’interpeller les décideurs sur des problèmes criants à corriger, il était visiblement fier du travail accompli par l’ensemble du mouvement.

« Depuis bientôt un an, il n’y a pas eu une seule journée où je n’ai pas été aux premières loges de la combativité, du courage et de la résilience démontrés par les syndicats de la CSN dans les pires moments de l’histoire contemporaine du Québec, a-t-il affirmé. Au cours des derniers mois, c’est vous qui avez fait la meilleure démonstration de ce que ça veut dire, être ensemble pour chacun, et il n’y a pas meilleure démonstration des valeurs d’entraide et de solidarité qui animaient nos semblables au début du 20e siècle, au moment de la fondation de la CSN. »

Regard sur le travail accompli
Celui qui est président de la CSN depuis 2012 a par la suite passé en revue le travail effectué depuis le dernier congrès par la CSN, ses organisations affiliées ainsi que ses membres pour faire avancer les droits des travailleuses et des travailleurs et les causes politiques qui leur sont chères : transition énergétique juste, réforme du mode de scrutin, droits des autochtones, lutte contre le racisme systémique, équité salariale, réforme de l’assurance-emploi, salaire minimum à 15 $ l’heure, etc. Tout y est passé, y compris la lutte contre le harcèlement sexuel.

Le moment le plus touchant de l’allocution est d’ailleurs survenu lorsque M. Létourneau a tenu à souligner le courage d’Annick Charrette, militante de la CSN, « qui nous a révélé la plus belle victoire dans la plus cruelle des défaites. Un exercice fort intime et difficile pour toi, mais combien libérateur pour nombre de femmes et d’opprimé-es, souvent seuls dans leur silence. Je ne peux, Annick, que t’en remercier personnellement. »

Introspection nécessaire
S’il est évident que la pandémie entraîne de nombreux obstacles à la conduite de la majorité des activités syndicales, il n’en reste pas moins que certaines nouvelles façons de faire vont certainement perdurer au-delà de la crise, selon Jacques Létourneau.

« Vous avez été nombreux à nous signaler que la COVID-19 a eu raison des résistances que nous avions par rapport au mode virtuel comme mode de fonctionnement démocratique. Vous avez également été nombreux à nous indiquer que malgré les embûches, un retour en arrière ne sera plus possible. Que de nouveaux visages et de nouvelles voix se font entendre dans nos assemblées », a-t-il dit aux quelque 2000 participantes et participants avant de préciser que les syndicats doivent être appuyés et outillés afin de pouvoir maintenir une vie syndicale saine, même en temps de crise.

Ce sont d’ailleurs ces contraintes inhérentes à l’organisation d’une instance en mode virtuel qui a poussé le comité précongrès à effectuer un exercice de priorisation et à concentrer les propositions qui seront débattues autour de quatre grands thèmes, soit la santé et la sécurité des membres et des équipes syndicales, la vie syndicale et la mobilisation, les droits du travail et la relance post-covid.

Des défis pour le Québec
Par la suite, le président a tenu à esquisser le tableau des moments charnières qui surviendront au cours des prochains mois pour la CSN et pour tout le mouvement syndical ainsi que pour l’ensemble du Québec.

Il a d’abord formulé le vœu que le gouvernement du Québec propose un plan de relance en bonne et due forme et qu’il cesse « de nous présenter une série de micromesures éparpillées. » Puis, désignant le prochain budget provincial comme un autre moment déterminant, il a invité le gouvernement caquiste à se débarrasser de la « politique d’austérité permanente » qui règne depuis 25 ans et qui « constitue un frein important à notre relance économique et sociale. »

La réforme des lois en matière de santé et de sécurité au travail et la négociation du secteur public ont également été énumérées au chapitre des moments importants pour la CSN.

Irrité par l’attitude de François Legault qui modifie « unilatéralement les conditions de travail [des] membres » et qui « alimente la division », Jacques Létourneau a d’ailleurs conclu en indiquant au premier ministre la marche à suivre pour améliorer les services publics.

« François Legault doit comprendre qu’il n’y a pas douze mille chemins à prendre pour régler les problèmes d’attraction et de rétention de cette main-d’œuvre qui fait cruellement défaut aujourd’hui dans nos services publics : améliorer de façon importante les conditions salariales, particulièrement pour les bas salarié-es ; réduire les charges de travail et améliorer les conditions dans lesquelles nous exerçons nos professions. Et ça, c’est aux tables de négociation que ça doit se passer. Pas au détour d’une conférence de presse. »

Le 66e Congrès de la CSN est lancé !

Le 66e Congrès de la CSN, qui réunit jusqu’à jeudi 2000 participantes et participants provenant de plus de 400 syndicats, a été lancé ce matin en mode virtuel. Ce 66e Congrès, qui devait avoir lieu à Québec en mai dernier, marque d’une façon bien particulière le 100e anniversaire de la première centrale syndicale québécoise, fondée en 1921.

Les délégué-es réunis auront la semaine pour se pencher sur les orientations du prochain mandat de la CSN, pour se prononcer sur une proposition visant à bonifier son Fonds de défense professionnelle et pour procéder à l’élection des membres du comité exécutif de la centrale, dont le résultat sera connu jeudi.

Le président de la CSN, Jacques Létourneau, a ouvert le congrès en rendant hommage au travail remarquable des militantes et des militants syndicaux depuis le début de la pandémie. « Rarement, dans notre histoire, les syndicats de la CSN auront été aussi proches des valeurs d’entraide et de solidarité qui ont marqué l’ensemble des combats que nous avons menés depuis maintenant 100 ans », a-t-il déclaré.

Soulignant « l’extrême pression entraînée par l’hécatombe de nos services publics » sur les salarié-es de l’État, le président de la CSN a rappelé au gouvernement Legault que « toute relance économique et sociale doit pouvoir s’appuyer sur la consolidation de nos services publics. La crise du personnel du réseau de la santé, qui amplifie le délestage actuel, démontre à quel point il est nécessaire d’améliorer les conditions de travail dans le secteur public. Pour ce faire, le gouvernement doit se libérer du dogme des versements au Fonds des générations et d’un retour trop rapide à l’équilibre budgétaire en vue du prochain budget du Québec. »

Au cœur des orientations soumises aux congressistes figurent la santé et la sécurité au travail, la vie syndicale et la mobilisation, les droits du travail et la relance économique et sociale post-covid. Les délégué-es devront également adopter une proposition budgétaire pour l’exercice du prochain mandat de la CSN. Le 66e Congrès prendra fin jeudi avec l’installation des dirigeantes et dirigeants du comité exécutif de la CSN.

Santé et sécurité au travail, secteur public et relance économique au cœur des priorités syndicales

Alors que les impacts de la pandémie continuent à frapper de nombreux milieux de travail, la CSN cible trois chantiers majeurs pour 2021, une année qui marque le centième anniversaire de la fondation de la centrale syndicale : la santé et la sécurité au travail, les négociations du secteur public et la relance économique et sociale du Québec.

C’est la semaine prochaine que commenceront les travaux parlementaires entourant le projet de loi 59 visant à réformer les lois en matière de santé et de sécurité au travail. Pour la CSN, les reculs que subiraient certains secteurs portent malheureusement ombrage aux avancées dont pourraient bénéficier d’autres milieux de travail.

« Les mesures particulières dont bénéficiaient les secteurs prioritaires, notamment l’industrie lourde, ont démontré toute leur utilité au cours des trente dernières années, notamment au vu de la baisse importante d’accidents et de décès au travail, rappelle le président de la CSN, Jacques Létourneau. Il est inconcevable que le gouvernement puisse préconiser un retour en arrière, notamment en voulant réduire le temps alloué aux représentantes et aux représentants à la prévention pour qu’ils puissent faire leur travail. »

Pour le président de la CSN, le projet de loi doit être bonifié afin que soient reconnus les problèmes de santé mentale, notamment en matière d’épuisement professionnel. Les niveaux de risque associé aux différents secteurs d’emploi doivent également être revus. « Le réseau de la santé et des services sociaux est le secteur d’où provient le plus grand nombre de réclamations à la CNESST. C’était vrai avant la pandémie, ce l’est encore plus aujourd’hui. Que le gouvernement puisse considérer ce secteur comme étant à faible risque relève d’un raisonnement qui nous sidère, mais nous croyons que ces incohérences pourront être corrigées en commission parlementaire », déclare Jacques Létourneau.

Le président de la CSN demande par ailleurs au gouvernement et aux employeurs de renforcer les mesures de prévention afin de sécuriser les milieux de travail qui demeurent opérationnels malgré les mesures de confinement mises en place depuis les Fêtes.

Urgence d’agir pour les services publics
La CSN déplore que le premier ministre François Legault, après en avoir appelé à un règlement rapide des négociations du secteur public en avril dernier, ait modifié unilatéralement les conditions de travail du secteur public. À cette fin, il a multiplié les arrêtés ministériels pour ensuite se désintéresser complètement du renouvellement des conventions collectives des travailleuses et des travailleurs œuvrant dans les réseaux de la santé et des services sociaux, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et des organismes gouvernementaux.

« On va se le dire clairement : c’est le point mort aux tables de négociation, signale le président de la CSN. À ce sujet, la pandémie ne peut tout excuser, surtout pas la lenteur du gouvernement à octroyer les mandats nécessaires à ses équipes de négociation pour régler des conventions collectives échues depuis bientôt un an. Si la pandémie a bien démontré une chose, après tant d’années de compressions et de sous-financement de nos services publics, c’est bien l’urgence d’améliorer les conditions de travail des employé-es de l’État et d’augmenter les salaires, particulièrement pour les bas salarié-es. La situation dans le réseau de la santé est tout à fait déplorable. Mais on sait très bien que le délestage actuel ne serait pas aussi catastrophique si nos services publics n’étaient pas aux prises avec les problèmes criants de rareté de main-d’œuvre, principalement occasionnés par des décennies de négligence gouvernementale. »

L’ensemble des syndicats du secteur public de la CSN, qui représentent plus de 160 000 salarié-es de l’État, se réuniront les 28 et 29 janvier prochains avant de consulter ceux-ci sur une amplification des moyens de pression incluant le recours possible à la grève.

Relance économique et sociale
Enfin, le président de la CSN réitère, une fois de plus, son appel au premier ministre à mettre en place les mécanismes de dialogue social visant à poser collectivement les bases de la relance sociale et économique du Québec.

« Le premier ministre annonce depuis des mois un plan de relance pour le Québec. Pour l’instant, nous n’avons eu droit qu’à une série de mesures d’urgence, mais rien de structurant pour l’économie et l’emploi », souligne Jacques Létourneau.

Le salaire minimum, qui ne sera haussé qu’à 13,50 $ l’heure en mai prochain, demeure un véritable frein pour l’économie du Québec tout en gardant des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du Québec dans la pauvreté. «L’une des choses que la pandémie a bien mises en relief, c’est à quel point nos vies dépendent de travailleuses et de travailleurs essentiels qui vivent dans des conditions totalement déplorables. Le salaire minimum doit être haussé à 15 $ l’heure. Comme société, nous partageons collectivement cette obligation », de déclarer M. Létourneau.

En vue du prochain budget du Québec, la CSN demande au gouvernement de revoir sa stratégie budgétaire, adoptée il y a plus de vingt ans. « Le Québec doit suspendre ses versements au Fonds des générations et abandonner cette stratégie de gestion de la dette. L’ensemble des revenus du gouvernement doit pouvoir être consacré aux budgets de nos services publics, notamment en santé et en éducation, en fonction des problèmes ahurissants auxquels nous faisons face actuellement. »

Un 66e congrès en mode virtuel la semaine prochaine
Reporté en raison de la pandémie alors qu’il devait se dérouler au printemps dernier, le 66e Congrès de la CSN aura lieu du 18 au 21 janvier en mode totalement virtuel. Environ 2000 participantes et participants y sont attendus. Les délégué-es se pencheront sur les orientations du prochain mandat de la centrale syndicale et procéderont à l’élection des membres du comité exécutif de la CSN, dont le résultat sera connu jeudi prochain.

Les femmes veulent être écoutées… et entendues

Le Collectif 8 mars dévoile aujourd’hui le slogan et le visuel de la Journée internationale des droits des femmes 2021 qui se déroulera sur le thème Écoutons les femmes. Cette édition sera bien évidemment marquée par la crise du coronavirus qui se poursuit et qui vient intensifier les diverses formes de discriminations commises à leur endroit.

En effet, depuis près d’un an, les conditions de vie et de travail des femmes se détériorent à vue d’œil, et ces dernières en paient un lourd tribut : plus grandes pertes d’emploi et de revenus, escalade de la gravité de la violence conjugale, augmentation du travail invisible (charge mentale, soins aux enfants, aux aîné-es et aux personnes vulnérables, travaux domestiques, etc.), surexposition au risque de contamination, etc.

Comme les femmes composent la majeure partie du personnel de la santé et des services sociaux, du réseau de l’éducation, des services de garde éducatifs à l’enfance ainsi que du secteur du commerce de détail, elles ont été et sont encore sur la ligne de front. Les conséquences de la pandémie se sont donc avérées particulièrement éprouvantes pour elles. Nombreuses ont été les organisations — et au nombre de celles-ci la CSN — à exiger que le gouvernement mette enfin en pratique l’analyse différenciée selon les sexes en tenant compte des impacts de son projet de relance économique sur les femmes.

Le slogan Écoutons les femmes vise à mettre en lumière la nécessité d’agir pour une égalité durable : les femmes veulent des mesures concrètes et structurantes pour combattre la pauvreté et la violence qu’elles subissent.

Écoutons les femmes pour une société plus verte, plus juste et plus inclusive !

Voir et télécharger tous les outils de visibilité du 8 mars 2021

Des milliers de travailleurs mettent leur santé à risque, pendant que les employeurs regardent ailleurs et encaissent les profits.

« Comment les employeurs peuvent-ils ne pas reconnaître que leurs travailleuses et travailleurs mettent leur santé à risque et continuer à leur refuser des primes COVID-19 pourtant largement justifiées? »

 Pour le président de la Fédération du commerce (FC–CSN), David Bergeron-Cyr, les propriétaires de commerces jugés essentiels doivent agir. Alors qu’encore une fois les employé-es de ces industries seront au front au cours des prochaines semaines pour fournir aux Québécois ce dont ils ont besoin, les employeurs s’obstinent à faire la sourde oreille. « Le scénario est exactement le même qu’au printemps; le danger est le même, le nombre de cas est en explosion, le confinement est pratiquement total. Même les profits sont encore au rendez-vous. Pourtant, un seul joueur est absent : la prime. C’est rire du monde », déplore Bergeron-Cyr. 

 

Trois demandes pourtant simples

La Fédération du commerce, qui représente des milliers de travailleurs essentiels dans la transformation alimentaire, les entrepôts, les magasins d’alimentation, pharmacies et quincailleries, formule trois demandes simples. « Nous revendiquons le retour des primes COVID-19 telles que versées au printemps dernier. Nous réclamons le maintien et le renforcement, là où c’est nécessaire, des mesures de protections sanitaires et finalement, nous exigeons que les travailleurs qui doivent s’isoler en attendant les résultats de tests soient rémunérés », explique le président de la fédération.

Tous les employeurs, qu’ils soient dans les grands centres ou dans les régions, dans la transformation des viandes ou dans les commerces de détail, doivent cesser de jouer à l’autruche. « Nous rappelons qu’un décès est survenu cet automne à l’usine Olymel de Vallée-Jonction. Qu’est-ce que ça leur prend de plus comme preuve que c’est dangereux? », conclut David Bergeron-Cyr.

 

 

Fermeture du programme Techniques de bureautique : des femmes et des entreprises pénalisées.

La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN) est choquée de voir que le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) envisage toujours d’abolir le programme Techniques de bureautique dans les cégeps du Québec, et ce, après avoir dit montrer de l’ouverture à une réévaluation de la situation. Avec un taux de placement des finissantes et finissants qui frôle les 100 %, aucun argument probant ne soutient une décision aussi radicale alors que les employeurs s’arrachent les diplômé-es compte tenu du niveau de compétence élevé qui les distingue.

La FNEEQ trouve particulièrement inquiétant de voir que le MES songe à la fermeture d’un programme dont la pertinence demeure, sans même avoir cherché à le mettre à jour depuis 1999. Heureusement, les enseignantes et les enseignants n’ont pas attendu le ministère pour adapter le contenu des cours afin que les connaissances soient toujours en harmonie avec les besoins des milieux de travail. En effet, les personnes détentrices d’un diplôme d’études collégiales (DEC) en Bureautique accomplissent des tâches administratives qui touchent tant la gestion que la communication ou la technologie et qui requièrent une grande autonomie de même qu’un jugement critique et éthique bien développé.

D’ailleurs, en février 2018, le Palmarès des carrières plaçait pourtant le poste de « secrétaire de direction », au troisième rang de son Top 3 des professions les plus prometteuses pour les diplômé-es du collégial. « Nous sommes particulièrement préoccupé-es par une fermeture qui limiterait une vaste majorité de femmes sur le plan professionnel puisque 90 % de l’effectif étudiant est féminin. Les candidates potentielles n’auraient d’autre choix que de se tourner vers le diplôme d’études professionnelles (DEP) du secondaire, qui les limiterait tant sur le plan de l’avancement professionnel que sur celui du salaire », précise Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ–CSN.

« Les enseignantes et les enseignants font valoir depuis plusieurs années la nécessaire mise à jour du titre du programme et de ses voies de spécialisation pour les rendre plus attrayants et plus représentatifs des perspectives de carrière qu’offre véritablement le programme : pourquoi le MES n’envisage-t-il pas cette solution d’une simplicité frappante? Abandonner une mauvaise idée ne constitue jamais un aveu de faiblesse », affirme Yves de Repentigny, vice-président responsable du regroupement cégep de la FNEEQ–CSN.

La Fédération a réuni, les 15 et 16 octobre derniers, des professeur-es de Techniques de bureautique des 15 syndicats affiliés dont le collège qui offre le programme pour dégager des pistes de solutions afin d’en assurer l’avenir. Unanimement, celles-ci et ceux-ci lancent un appel au ministère afin qu’il s’engage plutôt sur la voie logique d’une révision en profondeur de la formation. Toutes et tous se disent prêts à y participer en grand nombre.

 

 

Pas juste un mal de dos

Impossible d’oublier le vendredi 13 mars 2020. Le cauchemar appelé COVID venait chambouler notre société et forcer, notamment, la fermeture de nos établissements d’enseignement.

Habitués de bouger en classe, combien d’enseignantes et d’enseignants se sont aménagé un bureau de fortune sur la table de cuisine, étant désormais vissés devant leur écran pour une période indéterminée ? Et sont apparus ou se sont aggravés, notamment, les maux de dos, les migraines et les sécheresses oculaires.

Carol-Anne Gauthier, enseignante au collège Champlain dans la région de Québec, en témoigne. « Malgré mes connaissances de base en ergonomie et mon portable surélevé, après quelques semaines, mon dos commençait à faire mal. Au printemps, je me suis acheté une chaise et un second écran qui m’ont coûté 700 $. »

Outre le fait qu’elle a pigé dans son porte-feuilles, ce qui lui a fait bien plus mal, c’est la surcharge de travail qui prend des proportions démesurées au fur et à mesure que les mois passent. La fatigue s’installe. La fatigue plombe le moral.

« Mes collègues et moi, on doit travailler en double depuis l’enseignement en ligne. » N’importe quel pédagogue sait qu’il faut repenser les cours, les évaluations et les stratégies d’enseignement, pour communiquer via une plateforme de communication web, souvent instable. Ça représente un travail colossal d’adaptation, sans temps additionnel de préparation.

C’est sans compter les nouveaux cégépiens désemparés, qui confient leur propre détresse à l’adulte dans l’écran : le prof de psycho, de maths ou de français. « C’est un sentiment d’impuissance. Il y a une “souffrance éthique” chez les enseignants. On nous suggère d’abaisser les attentes. Mais, on veut bien faire notre travail. C’est comme dire à un médecin que ce n’est pas grave si les patients tombent malades parce qu’on n’a pas le temps de faire les tests médicaux. »

Carol-Anne Gauthier constate que certains de ses collègues sont brûlés et désespérés. L’un a même pris sa retraite plus tôt que prévu. Un autre renonce à vingt pour cent de son salaire pour s’assurer d’une tâche allégée, plus humaine.

Hélas, les pistes de solutions se transmettent moins rapidement que la pandémie. Mais, certains profs ont tout de même décidé de se fixer des limites, de prendre les courriels à des heures plus régulières et ils décompressent durant des 5 à 7… virtuels.

Le défi d’aider au téléphone plutôt qu’en personne
Tout comme Carol-Anne Gauthier, depuis la pandémie, Jacques Moquin, intervenant au Projet suivi communautaire, s’interroge sur la qualité de son travail. Il aide des usagers aux prises avec de graves problèmes de santé mentale à gagner de l’autonomie. Ses collègues et lui vivent de l’anxiété depuis que la majorité des accompagnements se réalisent au téléphone plutôt qu’en personne, les usagers ayant rarement accès aux outils de communications web. « Au téléphone, il y a plein d’information qu’on n’a pas, l’hygiène de l’usager et l’état physique de son logement, par exemple. Là, on a beau demander et tenter de décoder les infos, on n’est jamais certain. Est-ce qu’on aide comme on devrait ? Est-ce que notre service est suffisant ? »

Heureusement, l’employeur, Jacques Moquin et ses collègues ont formé une cellule de crise pour s’adapter au changement. Les réunions d’équipe, bien structurées, aident à prendre soin de chacun et à ventiler, même si ce n’est pas optimal.

Et puis, les membres de l’équipe apprennent à prendre des pauses. « Moi, j’ai deux chiens qui jappent parfois quand je suis au téléphone, mentionne M. Moquin. Mais, je suis content de les avoir pour aller marcher entre deux appels. Il faut prendre un peu de temps pour se construire un horaire plus sain. »

Donner du temps au temps pour réduire le stress, détendre le corps et l’esprit, c’est plus facile à dire qu’à faire, relativise Carol-Anne Gauthier. « Quand t’es stressée, que t’es surchargée, tu as tendance à t’asseoir tout croche, tu te lèves moins souvent. T’as mal dans le dos, t’as mal partout et tu dors mal. Puis là, t’es moins bonne le lendemain. Il faut briser cette spirale ».

CHSLD : un rapport accablant

Le rapport de la Protectrice du citoyen sur la crise liée à la COVID-19 dans les CHSLD confirme, une fois de plus, de nombreuses préoccupations partagées par la CSN depuis le début de la pandémie, voire bien avant pour certaines d’entre elles. Malgré leur « immense dévouement » souligné par Marie Rinfret, les travailleuses et les travailleurs de ces établissements n’ont pas reçu le soutien nécessaire de la part du gouvernement du Québec, estime la CSN.

La CSN partage amplement la vision de la Protectrice du citoyen pour qui « la pénurie de personnel dans les CHSLD a été au cœur des ratés pour assurer la qualité des soins », tout comme le recours à des moyens incitatifs et financiers préconisés par cette dernière.

« Les équipes de travail fonctionnaient déjà au maximum de leur capacité, souligne le président de la CSN, Jacques Létourneau. Quand le recours aux heures supplémentaires obligatoires devient une norme de gestion, c’est qu’il y avait déjà un problème. La suite est malheureusement connue : du personnel épuisé, des milliers de salarié-es infectés et un accroissement de la mobilité des équipes de zones chaudes à zones froides, contribuant ainsi aux éclosions. »

Pour le président de la CSN, le gouvernement doit saisir l’occasion du renouvellement des conventions collectives du secteur public pour apporter dès maintenant des réponses concrètes aux priorités d’action ciblées par Marie Rinfret. « Le premier ministre a beau prétendre qu’il aurait dû améliorer les conditions salariales du personnel dès son arrivée au pouvoir, on attend toujours des réponses concrètes aux tables de négociations. Tout le monde s’entend : c’est avec de meilleurs salaires et une amélioration des conditions de travail que le réseau de la santé et des services sociaux parviendra à recruter le personnel nécessaire. »

Par ailleurs, rappelant qu’en date du 14 juin, 13 581 salarié-es avaient été atteints du virus, dont onze en sont décédés, la Protectrice du citoyen souligne à juste titre la distribution insuffisante, tardive et inégale des équipements de protection qui aurait pu amplifier les éclosions. « Encore aujourd’hui, le gouvernement refuse d’appliquer le plus élémentaire des principes de précaution en s’opposant à la distribution de masques N95 pour de larges pans du personnel des CHSLD. En ignorant les appels d’experts, le gouvernement met la santé et la sécurité de tous les intervenants et les bénéficiaires à risque », déplore fortement Jacques Létourneau.

Pour la CSN, la lecture de ce rapport soulève à nouveau les nombreux problèmes entraînés par la vision hospitalo-centriste qui prévaut depuis des années au sein du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que les effets désastreux de la centralisation des pouvoirs entraînés par la réforme Barrette. Le gouvernement, estime la CSN, devra se pencher sur ces questions lors de la mise en œuvre des recommandations de la Protectrice du citoyen, estime la CSN.

Les chauffeuses et chauffeurs « confinent » leurs autobus !

Fâché-es du peu de considération que l’employeur a pour eux, les chauffeuses et chauffeurs du transporteur scolaire Autobus des Cantons, qui dessert la région de Sherbrooke, ont décidé de dénoncer leur situation en « confinant » les autobus scolaires de leur employeur. Ces salarié-es qui réclament des mesures sanitaires beaucoup plus adéquates se sont regroupés au Carrefour de l’Estrie à 9 h 30 ce matin afin de lancer un message clair à la direction. Ils invitent d’ailleurs la population à venir les appuyer.

Des mesures sanitaires déficientes

Le Syndicat des travailleuses et travailleurs du transport scolaire des Autobus des Cantons–CSN conteste la décision de l’employeur de ne pas installer des barrières de protection dans les véhicules pour protéger les chauffeuses et chauffeurs. Pourtant, tous les autres transporteurs de la région de l’Estrie qui ont des syndicats affiliés à la CSN comprennent les enjeux de santé et sécurité de leurs employé-es et ont procédé à l’installation de barrières en vinyle à faible coût. Chez Autobus des Cantons, on préfère opter pour les mesures les moins adaptées à la réalité de travail des employé-es en imposant le port du masque et de lunettes de sécurité.

« Nous avons des enjeux liés à la vision des conducteurs. De la buée se forme dans les lunettes de sécurité avec le port du masque, ce qui rend la conduite moins sécuritaire. Cette mesure devrait être la dernière option privilégiée par l’employeur, car il s’agit du dernier recours proposé par la CNESST lorsque le milieu de travail ne permet pas d’autres options », clame Mario Paré, président du syndicat.

« De plus, les conductrices et conducteurs peuvent être en contact avec plus de 100 élèves par jour en raison du fait qu’ils font des transferts, explique M. Paré. Beaucoup de contacts sont à moins de deux mètres pendant des périodes de plus de 15 minutes. Les élèves assis sur les bancs avant sont souvent des élèves du primaire qui n’ont pas l’obligation de porter le couvre-visage. Nos membres reçoivent donc continuellement les gouttelettes des plus petits sur leurs vêtements. Considérant la durée de vie de la COVID-19, ils prêtent donc flanc à la contamination » s’inquiète M. Paré.

« La majorité d’entre eux ayant plus de 60 ans, on comprendra que leur stress de développer des complications est grand. Surtout, n’oublions pas qu’avec la forte pénurie de main-d’œuvre présente dans notre secteur, un chauffeur d’autobus malade, c’est souvent un trajet annulé faute de remplaçant. Les ruptures de service sont donc à prévoir ! », prévient Stephen Gauley, du secteur transport scolaire de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP).

D’autres actions à venir

Considérant le manque d’ouverture de la part de l’employeur, les salarié-es ont décidé de se regrouper afin d’aller chercher l’appui de la population dans leur revendication pour un milieu de travail sécuritaire. Ils passeront une partie de la journée dans le stationnement du Carrefour de l’Estrie et invitent la population à venir les appuyer. D’autres actions sont à prévoir dans le cas d’une impasse.

Oui à la réforme de la Charte de la langue française

Le ministre Jolin-Barrette a annoncé à plusieurs reprises l’arrivée imminente d’un plan d’action costaud pour réformer la Charte de la langue française. « Enfin », oserions-nous dire ! La CSD, la CSN, la CSQ et la FTQ appuient cette volonté. Nous partageons aussi la volonté du gouvernement québécois, confirmée par une motion unanime de l’Assemblée nationale, d’étendre la Charte aux entreprises sous juridiction fédérale. Il nous apparaît incompréhensible que des milliers d’employées et employés québécois n’aient pas les mêmes droits que les autres parce qu’ils et elles travaillent, entre autres, dans les banques, les télécommunications ou le transport. En ce sens, nous demandons au gouvernement fédéral de faire sa part pour assurer la pérennité du français au Québec.

Mais ne soyons pas dupes, cette réforme, bien que nécessaire, ne parviendra pas à elle seule à transformer la tendance actuelle à l’anglicisation des milieux de travail, et ce, particulièrement dans le Grand Montréal. Différentes enquêtes et analyses montrent clairement le déclin du français au Québec. Un des principaux indicateurs est l’omniprésence des exigences en anglais sur les postes d’emploi. Si ces exigences sont justifiées pour certains emplois qui demandent d’œuvrer à l’international ou avec la communauté anglophone du Québec, d’autres relèvent essentiellement d’un parti pris patronal pour le bilinguisme. Cette nouvelle coutume a non seulement un effet sur le paysage linguistique du Québec, mais est aussi discriminatoire pour les milliers de Québécois et Québécoises francophones, quelles que soient leurs origines, qui ne maîtrisent pas parfaitement, et qui n’ont pas à la maîtriser parfaitement, la langue de Shakespeare.

En outre, le gouvernement du Québec tarde toujours à appliquer les dispositions de protection et de promotion de la langue dans les PME québécoises. Pour nous, il faudrait dès maintenant systématiser des analyses linguistiques portant sur la francisation des entreprises, incluant la main-d’œuvre, et ce, dans toutes les entreprises du Québec, peu importe leur taille. De plus, les agences de placement devraient elles aussi être assujetties aux obligations de la Charte.

L’État québécois, à titre d’employeur, doit donner l’exemple. Malheureusement, plusieurs de nos membres se plaignent de la bilinguisation de leur milieu de travail. Le réseau de la santé est un exemple patent. Si, pour des raisons évidentes, un minimum d’accès aux services en anglais doit être garanti, est-ce dire que tous ceux et celles qui y œuvrent doivent être bilingues ? Il serait d’ailleurs assez aisé d’instaurer des comités de francisation dans les différents organismes publics pour en faire des gardiens du droit de travailler et d’être servis en français.

Si la saga du « Bonjour-Hi » a animé les esprits il y a peu, il demeure important de rappeler que la langue de commerce est aussi la langue de travail pour plusieurs personnes. Les employeurs doivent assumer une responsabilité quant à l’offre de services en français et à la francisation de leurs employés et employées.

D’ailleurs, la francisation du monde du travail doit nécessairement passer par la francisation des travailleuses et des travailleurs. À l’heure actuelle, les programmes de francisation des entreprises s’appliquent principalement au secteur des technologies et au chapitre des équipements de travail, alors qu’elles devraient aussi viser la francisation de la main-d’œuvre.

À ce propos, l’offre de francisation en entreprise demeure un enjeu primordial. Celle-ci permet aux travailleurs et aux travailleuses de concilier le besoin d’un emploi avec celui de l’apprentissage de la langue commune. Plusieurs syndicats ont d’ailleurs mené à bien des projets en ce sens. Il demeure impératif que ces initiatives soient facilitées par l’État et par les employeurs.

Défendre la langue française au Québec, c’est vouloir défendre une langue commune, un espace de partage, un trait d’union. La solidarité fleurit dans l’échange et le partage des réalités. Les centrales syndicales du Québec ont toujours milité pour défendre non seulement le droit de travailler en français, mais aussi le développement d’une culture commune forte et solidaire.

Comme toujours, les centrales syndicales que nous représentons seront actives dans ce grand chantier de valorisation du français. Pour nous, vivre au Québec signifie vivre et travailler en français !

Luc Vachon, Jacques Létourneau, Sonia Ethier et Denis Bolduc
Respectivement président de la CSD; président de la CSN; présidente de la CSQ; secrétaire général de la FTQ

Le gouvernement doit soutenir le personnel des CPE

Pour la CSN, les travailleuses des CPE doivent pouvoir accéder à des absences payées lorsqu’elles sont en attente du résultat d’un test COVID. C’est loin d’être toujours le cas en ce moment et c’est pourquoi des manifestations se tiennent partout au Québec aujourd’hui.

Depuis le début de la crise, elles doivent piger dans leur banque personnelle de congés de maladie ou dans leurs journées de vacances lors de périodes d’isolement imposées par la Santé publique ou par l’employeur, lorsqu’il y a des symptômes, ou encore lorsqu’elles sont en attente du résultat d’un test COVID. Dans un sondage mené par la CSN auquel 5200 membres de CPE ont répondu en novembre dernier, près de 25 % des éducatrices avaient déjà été testées pour la COVID et près de 80 % de ces dernières ont utilisé leur banque personnelle ou ont dû prendre un congé sans solde durant l’attente du résultat.

Il y a donc un risque qu’une travailleuse choisisse de taire des symptômes bénins afin d’éviter les conséquences financières pour sa famille. Selon une étude de la Direction de la santé publique de Montréal sur les cas de COVID survenus du 26 août au 30 septembre, la présence de personnes symptomatiques dans les services de garde éducatifs était le deuxième plus important facteur de transmission.

« Il est inadmissible que le ministère de la Famille ne finance pas de congés rémunérés pour l’isolement préventif, car celui-ci sert à diminuer le risque de transmission dans les CPE », affirme Jacques Létourneau, président de la CSN.

« On prend un risque inutile en forçant des travailleuses à faire un choix déchirant lorsqu’elles n’ont plus de jours dans leur banque de congés de maladie ou dans leurs journées de vacances. Il n’est pas normal que le personnel des CPE doive en payer le prix pour le bien collectif », affirme Stéphanie Vachon, nouvelle responsable du secteur des CPE à la FSSS–CSN. Cette dernière rappelle que les membres du personnel du réseau de l’éducation peuvent compter sur le maintien de leur rémunération en cas d’isolement préventif lié à la COVID. « Le personnel des CPE est injustement traité », affirme Stéphanie Vachon.

On sait qu’il y a plusieurs cas de COVID dans les CPE du Québec. Contrairement aux écoles, il n’y a cependant pas de compilation officielle des cas dans les CPE, ce qui contribue à l’inquiétude du personnel. Un sondage de l’INSPQ montre d’ailleurs que les répondants dans les écoles primaires et les services de garde éducatifs sont plus anxieux et inquiets par rapport au coronavirus que la population en général.

Personnel épuisé et manque d’écoute
Alors que le personnel des CPE est déjà épuisé, la récente annonce de l’interdiction des réunions de famille pour les Fêtes a eu l’effet d’une nouvelle douche froide. Le gouvernement aurait pu prévoir la fin du service habituel en même temps que la fermeture hâtive des écoles. « Que ce soit au sujet des congés en raison de la COVID ou concernant d’autres aspects, l’imposition de décisions sans consultation contribue à miner le moral des travailleuses des CPE. Le ministre Lacombe doit absolument reprendre les rencontres courantes avec ses partenaires qui ont pris fin en août dernier », insiste Lucie Longchamps, vice-présidente de la FSSS–CSN.

« Le gouvernement doit donner un coup de barre pour rassurer le personnel des CPE du Québec et envoyer un signal fort afin d’éviter que plus de travailleuses ne quittent nos CPE », conclut Lucie Longchamps.

Les mentalités ont la couenne dure

Billet de Caroline Senneville, vice-présidente de la CSN

Été 2020. Une autre vague de dénonciation d’agressions sexuelles secoue le Québec. Bien que les mouvements #MeToo et #AgressionNonDénoncée aient créé un certain élan pour faire bouger la classe politique en faveur des victimes, je peux affirmer une chose : il y a encore loin de la coupe aux lèvres pour venir à bout des comportements inacceptables qui sont légion dans bien des milieux de travail au Québec.

Depuis quelques années, on observe des changements législatifs qui découlent de l’action féministe contre les actes de violence sexuelle. En décembre 2017, le gouvernement libéral adopte une loi pour contrer ces violences dans les établissements d’enseignement supérieur. En 2018, la notion de harcèlement sexuel est nommément inscrite dans la Loi sur les normes du travail. En juin dernier, un projet de loi modifiant le Code civil est adopté pour mettre fin au délai de prescription qui limitait à 30 ans la possibilité de poursuivre au civil un présumé agresseur. Par ailleurs, le Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale se prépare à déposer ses recommandations. Celles-ci devraient inclure la création d’un tribunal spécialisé afin d’aider les victimes à toutes les étapes du processus judiciaire.

Les dinosaures ont-ils encore de l’avenir ?
Les choses avancent, certes, mais les mentalités ont la couenne dure. Prenons le cas de la médecine, qui a longtemps été le boysclub le plus huppé du monde du travail. Même si les femmes ont investi la profession, cette culture semble y avoir imprégné sa marque. Récemment, une travailleuse syndiquée d’un hôpital réputé me racontait l’histoire qu’elle a vécue avec une personnalité connue du public. À l’époque, l’individu est médecin dans l’hôpital où elle travaille. Sa réputation de harceleur n’est plus à faire, mais personne n’ose le dénoncer en raison, notamment, de son aura de médecin et du processus de plaintes particulier lorsqu’il s’agit d’un membre du corps médical dans un établissement public. Notre disciple d’Esculape profite d’un colloque à l’extérieur de la ville pour inviter la jeune femme à souper, lui offrir à boire jusqu’à plus soif, insister pour aller prendre un dernier verre, la tirer de force sur une piste de danse pour la tripoter et se frotter contre elle, malgré les refus répétés de cette dernière. En dépit de ses réflexes affaiblis par l’alcool, elle réussit à s’esquiver. Quoi qu’il en soit, elle ne souhaite pas dénoncer l’homme intouchable parce que « quand tu te mets un médecin à dos dans ton milieu de travail, ta vie peut être de la marde. »

Dans les établissements du réseau public de la santé, la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit l’examen des plaintes contre un médecin par un médecin « examinateur », lequel est désigné par le conseil d’administration de l’établissement sur recommandation du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Le processus d’enquête sur la plainte et, s’il y a lieu, de la révision de la décision se déroule sous l’étroite supervision du corps médical à toutes les étapes, quelle que soit la nature de la plainte.

Il convient par ailleurs de souligner que des hommes peuvent aussi être victimes d’agressions et d’inconduites sexuelles au travail. Un employé administratif d’une organisation à but non lucratif m’a raconté avoir subi les assauts homophobes d’un de ses collègues qui lui a brusquement pris la tête pour la plaquer sur son entrejambe. Ce geste dégradant, empreint d’une grande violence, est à tous points de vue condamnable.

Stoppons le cortège des agressions de toutes sortes
À l’approche du 6 décembre, la Coordination du Québec pour la Marche mondiale des femmes dont la CSN est membre revendique l’élimination des violences faites aux femmes, notamment la violence sexuelle. Et comme les formes de violence et de harcèlement au travail sont d’une grande diversité et qu’elles concernent aussi les hommes, la CSN veille à ce que les employeurs respectent leur obligation légale d’assurer aux employé-es des milieux de travail sains et sécuritaires. Nous avons aussi, individuellement et collectivement, un rôle à jouer pour enrayer ce fléau, entre autres lorsque nous sommes témoins de telles situations. C’est pour cette raison que la CSN a décidé d’apporter sa contribution en lançant sa toute nouvelle campagne agispourquecacesse.com. Car personne ne devrait avoir à tolérer de la violence ou du harcèlement dans son milieu de travail. Car ensemble, nous devons agir pour que ça cesse, une bonne fois pour toutes.