Une mise à jour attendue

L’utilisation de produits dangereux dans un milieu de travail peut devenir une source importante de risque si les travailleuses et les travailleurs n’ont pas reçu de formation adéquate ou s’ils n’ont pas les équipements de protection appropriés.

Au Québec, l’utilisation des produits dangereux dans nos milieux de travail est réglementée par la Loi sur la santé et la sécurité du travail et le Règlement sur les produits dangereux, par l’entremise du Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT). Ce système d’information est en vigueur au Québec depuis 1988 et il est mis en application par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

Des changements à cette règlementation étaient attendus depuis plus de 10 ans. Finalement, le SIMDUT 2015 a été adopté le 3 juin dernier. La nouvelle version est conforme au système général harmonisé (SGH), élaboré par les Nations unies afin de faciliter la communication entre les pays des renseignements concernant les produits dangereux.

Le SIMDUT 2015 apporte des changements aux règles de classification des produits et de nouveaux dangers y ont été introduits. Les pictogrammes servant à identifier les produits et l’étiquetage réglementaire ont été modifiés. De plus, l’ancienne « fiche signalétique » est remplacée par une « fiche de données de sécurité » qui comporte plus de renseignements à l’intention des utilisateurs de produits dangereux.

Défis de formation

Les employeurs bénéficient d’un délai pour procéder à l’implantation du SIMDUT 2015, la période transitoire se terminant le 1er décem­bre 2018. D’ici là, les deux systèmes (SIMDUT 1988 et SIMDUT 2015) cohabiteront. Ce délai ne doit cependant pas être vu comme un dédouanement pour les employeurs. Si des produits dangereux sont reçus dans un milieu de travail et qu’ils sont identifiés selon le nouveau système, l’employeur devra offrir une nouvelle formation aux employé-es, qui inclura des éléments d’information sur les deux systèmes. C’est seulement lorsque seront écoulés tous les produits identifiés par le SIMDUT 1988 que cette partie de la formation cessera d’être obligatoire.

La formation devra contenir, entre autres éléments :

  • Les renseignements sur les dangers de chacun des produits ;
  • La signification de ce que contiennent les fiches de données de sécurité et les étiquettes ;
  • Les mesures de prévention.

La formation devra également comporter un volet pratique et être adaptée en fonction des produits chimiques véritablement utilisés dans les différents milieux de travail. De plus, dès qu’un employeur utilise un nouveau produit ou qu’il reçoit de nouvelles informations sur un produit dangereux, il doit offrir une nouvelle formation et transmettre les renseignements nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

Pour en apprendre plus sur le sujet, vous pouvez consulter le site Internet de la CSST qui répond à l’essentiel des questions sur le SIMDUT 2015. De plus, la session de formation qu’offre la CSN sur l’amiante et les produits dangereux est en cours de modification pour y inclure les derniers changements et son portail de formation en santé et sécurité du travail sera mis à jour afin d’intégrer les informations relatives à cette nouvelle réglementation.

À la librairie : Quand les femmes indiffèrent l’État

Dire que les libéraux n’aiment pas les femmes semble à pre­mière vue exagéré. Après tout, n’ont-ils pas historique­ment suivi la gauche lors­qu’ils concédaient des droits et des libertés individuels aux citoyennes et aux citoyens ?

Dans un essai bien docu­menté, publié chez Lux Éditeur, Aurélie Lanctôt déve­loppe un argumentaire percutant venant démontrer que les libéraux ont radicalement changé de cap. Le projet politique actuel du Parti libéral, tranche-t-elle, est en rupture totale avec les nobles principes d’égalité hommes-femmes dont il se réclame.

Comment pourrait-on soutenir le con­traire, se demande l’essayiste. Depuis 2010, la masse salariale des employé-es de l’État a été amputée de près de trois milliards de dollars. Avec le retour au pouvoir des libéraux en avril 2014, le gouvernement accélère la cadence, coupe dans les services sans retenue, tient la ligne dure dans les négociations en cours. Or, les trois quarts des salarié-es qui composent la fonction publique québécoise sont des femmes. Ce pourcentage équivaut au tiers de tous les emplois féminins au Québec. Les femmes sont aussi les principales victimes des politiques d’austérité libérales en tant qu’utilisatrices majoritaires des services publics.

L’auteur souligne par ailleurs que les libéraux se servent des deniers publics pour relancer une économie privée dont la main-d’œuvre est presque exclusivement masculine : construction, extraction minière et pétrolière. Ce faisant, ils encouragent des milieux de travail et de vie hostiles aux femmes.

Infirmières, enseignantes, éducatri­ces, mères, citoyennes ne dilapident pas la richesse, soutient en somme Amélie Lanctôt tout au long de son ouvrage : elles contribuent plutôt à 

Des perspectives prometteuses

À la suite de la fusion de trois accré­ditations syndicales imposée par le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), le Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC–CSN) a plus que dou­blé son effectif pour atteindre les 3200 membres. Le vote a été remporté par 1262 voix contre 1176 après une campagne vigoureuse entre la CSN et le SCFP. La présidente du SCRC, Isabelle Montpetit, souligne que les défis à relever sont nombreux et que le syndicat travaillera en priorité à la création de nouveaux statuts et règlements, à la négociation d’une nouvelle convention collective et à la lutte pour la survie de Radio-Canada.

« De nombreux membres provenant des syndicats fusionnés ont été élus aux instances de transition. Nous travaillons tous ensemble, ce qui nous permet de construire un bon rapport de force », affirme la présidente. Employé-es de bureau, techniciens, journalistes et professionnel-les sont désormais réunis dans une seule entité syndicale. Même si les réalisateurs demeurent dans une entité séparée, leur statut est contesté devant le CCRI. Une première assemblée générale du SCRC aura lieu à la mi-novembre. Les membres devront notamment adopter un nouveau nom, un nouveau budget et une nouvelle cotisation. Ce sera aussi l’occasion de lancer les mises en candidatures pour l’élection du comité de direction.

La santé mise à nue par ses politiciens même

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Un texte de Christian Nadeau, philosophe
Illustration : Luc Melanson


Il reste bien peu de chose de notre vie morale, tant les gouvernements des dernières années se sont employés à la déprécier. Dans leur esprit, exister dans le respect d’autrui, protéger les plus faibles contre les plus forts, détruire la misère, toutes ces tâches servent au mieux de slogans, au pire correspondent aux lubies de quelques idéalistes en mal de charité. Au Québec, nous pouvions encore il y a peu vivre sans trop craindre les infortunes de la maladie, parce que nous pensions qu’aucune personne ne devrait supporter à elle seule les coûts des soins dont elle ne peut se priver. Pour le dire autrement, nous désirons des soins de santé accessibles à toutes et tous pour la raison simple et suffisante qu’il est inadmissible d’ajouter l’injustice au malheur. Quelles que soient les considérations économiques sociales, politiques, positives ou négatives, tout cela au final est secondaire : ce qui compte est le choix moral d’une société qui refuse de laisser pour compte les siens. Au Québec, cela s’est traduit par un système public de santé dont nous n’avons pas à rougir, malgré ses imperfections. Peu à peu, toutefois, celles-ci se sont trouvées aggravées par une série de coupes budgétaires rendant à chaque année plus ardue la fonction des hôpitaux et des cliniques. Peu à peu, le domaine de la santé s’est trouvé dépossédé de ses moyens par les politiciens même qui ont la charge de l’administrer et de le protéger.

La phase finale de ce processus est en cours depuis l’élection du gouvernement Couillard. Certes, les gouvernements précédents n’ont guère montré leur affection à l’égard du système public de santé. Mais rarement a-t-on vu un ministère de la Santé aussi suicidaire. Je ne parle pas des politiciens, qui semblent pour notre malheur encore bien vigoureux. Je parle de la raison d’être d’un système public de santé : l’égal respect que nous nous devons les uns les autres. Tout se passe comme si on voulait faire disparaitre l’idée selon laquelle le domaine de la santé nous concerne tous, qu’il s’agit bien là d’un enjeu moral qui nous touche toutes et tous.

La « rigueur » règne suprême

Bien entendu, le gouvernement libéral n’ira pas jusqu’à faire explicitement l’apologie du privé. Le dépouillement de la santé s’orchestre au nom d’une soi-disant rigueur budgétaire, d’un réalisme imposant le dogme qu’il n’y a pas d’argent. Que celui-ci ne pousse pas dans les arbres, nul ne le conteste. Qu’il n’y ait pas d’argent, voilà une pilule qui est plus difficile à avaler. Car enfin, si le secteur privé s’enrichit et s’accroît chaque jour, ce n’est pas en raison d’une épidémie soudaine de charité. Non, le privé s’enrichit car on écrase le système public en lui enlevant les ressources dont il a besoin pour jouer son rôle. Le privé s’enrichit car l’argent n’aime rien plus que lui-même ; l’argent ne veut pas avoir d’obligation morale. La morale, de son côté, n’aime guère plus l’argent : seulement, on ne traite pas un cancer avec des bâtons d’encens, et nos obligations mutuelles ne doivent pas se limiter à de vagues pétitions de principe. Voilà pourquoi il faut une juste redistribution des ressources. Voilà pourquoi il faut une fiscalité équitable et garante du respect réel que nous nous devons les uns les autres.

Qu’est-ce que cela signifie pour le domaine de la santé ? Le système de santé du Québec est public, ou du moins devrait-il l’être s’il prétend correspondre à la manière dont il a été pensé initialement : l’État est alors chargé de son administration et de son financement. Sans cette présence de l’État, nous remettons en cause l’idée fondamentale de l’accessibilité aux soins, quel que soit le revenu des personnes. Cela demande une politique fiscale sans laquelle l’assurance santé pour toutes et tous ne serait pas possible. Cet effort collectif se traduit ensuite par la présence de centres hospitaliers et de centres de santé, et par le travail exceptionnel de milliers de femmes et d’hommes qui travaillent avec passion et fierté. À l’heure actuelle, ce modèle est remis en cause de manière si agressive qu’il n’est pas interdit de penser que certains aimeraient voir sa disparition à plus ou moins court terme.

Sous prétexte de rigueur budgétaire, on retire à l’État tout ce qui revient aux individus, aux femmes et aux hommes qui ont des rêves, des espoirs, des projets, bref des idéaux qui guident leurs choix de vie. Aucun privilège ne devrait permettre à une personne d’en acheter une autre, ou de faire valoir par l’argent des droits dont les autres seraient privés. Or, que voit-on se mettre en place depuis les dernières années : un système à double vitesse, public pour les pauvres et privé pour les riches, et où le privé se targue de son efficience alors qu’il compromet de manière insidieuse les chances de succès des services publics.

L’État appauvri

Le gouvernement libéral du Québec s’inscrit parfaitement dans la lignée des conservateurs de Stephen Harper. On dira qu’il n’y a là rien d’étonnant puisque les deux campent nettement à droite. Ce serait aller un peu vite en affaire. La droite néolibérale du gouvernement Couillard se distingue à plus d’un titre de la droite conservatrice du gouvernement Harper. Ils se rejoignent néanmoins dans une certaine conception pour le moins étrange du libertarisme, dans laquelle ne se reconnaîtraient pas bon nombre de libertariens. Pour ces derniers, moins il y aura d’État, mieux ce sera pour nos libertés. La vision du Parti libéral du Québec et du Parti conservateur du Canada est très différente : pour les gouvernements de Couillard et de Harper, moins d’État signifie en réalité moins de pouvoirs et d’outils offerts aux citoyens et aux citoyennes pour assurer une coexistence juste, équitable et harmonieuse. Il ne s’agit donc pas de retirer des pouvoirs à l’État pour offrir davantage de liberté aux individus : il s’agit de ravir à l’État les moyens nécessaires à la mission qui lui incombe, soit la protection des citoyennes et des citoyennes et la promotion de leur bien-être.

Sans système public de santé, les individus ne sont pas libres, car ils sont à la merci des caprices des nantis. Dans ces conditions, il reste en effet bien peu de chose de notre vie morale. À nous de lui redonner un souffle. À nous d’orchestrer une solidarité de façon à rappeler au gouvernement ce pourquoi et ceux pour qui il existe.

Les magiciens de l’austérité

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Un texte de Kerlande Mibel de ZWART communications
Illustration : Audrey Em


Bien avant la tornade économique de 2008, l’austérité est devenue la nouvelle « route de brique jaune » pour un grand nombre de politiciens et « d’experts ». Sous le couvert d’un discours de rigueur, ces derniers sont prêts à sacrifier le mieux-être des citoyens sur l’autel de la relance économique. Pourquoi ne pas augmenter les taxes des plus pauvres et opter pour des réductions fiscales pour les entreprises ? Ou encore, pourquoi ne pas exacerber les divisions raciales, et ce, toujours au nom de la santé économique ? Les Américains se sont trouvé deux grands magiciens de l’austérité, Sam Brownback et Scott Walker, respectivement gouverneurs du Kansas et du Wisconsin.

Deux républicains aux valeurs on ne peut plus conservatrices. Alors qu’il a été élu avec plus de 63 % des votes en 2010, Sam Brownback s’est fait réélire de justesse l’automne dernier contre le démocrate Paul Davis. Ancien prétendant à la candidature républicaine pour la présidence des États-Unis, Brownback a réussi l’improbable. S’assurer que le candidat démocrate devienne celui des républicains. En effet, sous la bannière de « Republican for Kansas values » plus de 104 élus et anciens élus de la famille républicaine ont endossé Paul Davis. L’autre grand magicien, Scott Walker, est un candidat aux primaires du Parti républicain, perçu comme ayant une foi inébranlable dans les valeurs conservatrices du parti. Alors que les candidats et mandarins du Parti républicain tentent de diversifier la base électorale, il fait le pari de l’homogénéité.

In inequalities we trust! (Dans l’inégalité nous avons foi !)

Les deux prônent la réduction des dépenses de l’État. Brownback a procédé à des coupes, dont 50 millions de dollars dans le système de santé et plus de 100 millions en éducation. À ces coupes, s’ajoute l’abolition des taxes pour près de 281 000 entreprises et 53 000 fermiers. Ce qui a engendré un déficit considérable dans les caisses de l’État, et a eu pour effet de miner la cote de crédit du Kansas par l’agence de notation Moody. Dans un premier temps, il a pu camoufler le déficit en s’approvisionnant dans le fonds de réserve de l’État. Devant cet échec, il fait maintenant volte-face et choisit d’augmenter les taxes… pour tous. La taxe de vente passe de 6,15 à 6,50 %. Ainsi, un Kansasais sur cinq voit son taux de taxation atteindre 11,1 % tandis que celui des plus nantis n’atteint que 3,6 %.

Contrairement, au reste du pays, le Kansas taxe le plus les plus pauvres et le moins les plus nantis. Et comme les pauvres et la classe moyenne dépensent essentiellement pour les besoins de base en biens et services, ces augmentations ne feront que les appauvrir davantage.

L’aide sociale aussi

Pour faire bonne figure, il vient de passer la loi HB 2258 qui impose des mesures excessives et contraignantes aux personnes bénéficiant de l’aide sociale. Cette loi présente une liste assez exhaustive de lieux dans lesquels les bénéficiaires ne peuvent dépenser l’argent de leurs allocations. Ils n’ont pas le droit d’aller au cinéma ou au casino, de s’acheter de la lingerie fine ou d’aller en croisière. Mais ils peuvent toujours s’acheter une arme. Cette loi paternaliste, contestée, régit même les retraits bancaires. Ainsi, les bénéficiaires ne peuvent retirer plus de 25 dollars par jour. Ce qui a pour conséquence de compliquer considérablement la vie. D’abord, on ne peut que retirer par tranches de 20 dollars dans la plupart des guichets automatiques. De plus, il y a des frais pour chaque retrait qui souvent dépassent cinq dollars. Malgré ces inconvénients, Brownback maintient que cela aiderait les « épouvantails » (les bénéficiaires) à être plus responsables dans leur gestion.

Au Wisconsin : idem

Scott Walker, lui, multiplie les subventions aux entreprises et propose aussi des coupes, dont 300 millions de dollars en éducation. Ces mesures ont engendré un déficit de deux milliards. Le Wisconsin se retrouve 33e parmi les États américains en terme de santé économique. Il est en mauvaise posture depuis l’arrivée de Walker. Par ailleurs, l’actuel prétendant à la présidence a réussi à réduire considérablement le rôle et la présence des syndicats. Il a affaibli la capacité des travailleurs de négocier collectivement leurs conditions de travail ainsi que leurs avantages sociaux. Les travailleurs les plus précaires sont touchés, ceux justement qu’il dit vouloir soutenir avec une loi qui prône le « droit au travail » (right to work). Une stratégie qui a souvent été utilisée pour diviser les travailleurs.

Cette loi a suscité une vive contestation. Malgré les manifestations visant à la dénoncer, elle a été adoptée. De plus, il a obligé les fonctionnaires à contribuer encore plus dans leurs régimes de retraite. Comme prévu, quatre ans plus tard, les syndicats périclitent. La plupart ont subi des pertes considérables. Par exemple, un syndicat a perdu 70 % de ses membres. Un grand nombre de « bûcherons en fer blanc » se voient donc obligés de prendre un deuxième emploi. Finalement, cette précarisation du financement et de la structure des syndicats est une victoire pour Walker et pour les patrons. Peut-être que cela permettrait la naissance d’une nouvelle forme de syndicat, innovant dans la façon d’attirer les travailleurs et de protéger leurs intérêts.

Une cible de choix : les minorités

La particularité du gouverneur du Wisconsin vient de sa capacité de miser sur les préjugés raciaux qui existent dans son État. Selon Walker, les inégalités ne sont que le produit des échecs individuels. Pour s’en sortir, il suffirait donc d’obéir aux règles du jeu et de travailler dur. Son but est clairement de plaire à l’électorat blanc conservateur qui se trouve dans les banlieues de Milwaukee et les zones rurales du Wisconsin. Les minorités afro-américaines et latino-américaines sont perçues comme étant les principales bénéficiaires de l’aide sociale. Et selon les préjugés, elles sont des « lions paresseux ». Il a donc fait des coupes massives dans l’éducation et dans l’aide sociale afin de les aider à se motiver pour sortir de la pauvreté…

De plus, il déclare qu’en tant que gouverneur, il veut éviter que l’État du Wisconsin devienne comme Milwaukee, faisant reposer la faute sur les minorités. En disant cela, il fait abstraction du fait que le déclin de Milwaukee vient du départ des grandes entreprises qui a débuté dans les années 1970. Depuis lors, plus de 80 % des entreprises ont quitté la ville et ses environs. Cette absence de vitalité économique a nécessairement engendré des pertes d’emplois. Ce qui se traduit par un taux de chômage élevé chez les Afro-américains et les Latino-américains. Et une absence de possibilités de mobilité sociale.

C’est sans surprise que l’on apprend que Milwaukee détient le plus haut taux d’incarcération d’hommes noirs des États-Unis. Ce qui explique que le candidat aux primaires républicaines a pu faire passer une loi qui élimine la possibilité d’avoir une réduction de la sentence pour bonne conduite. Et c’est toujours sans surprise que l’on constate qu’il est un fervent défenseur de la privatisation des prisons. De bonnes affaires pour les coffres de l’État et pour l’entreprise privée !

La magie de l’austérité

Selon les magiciens de l’austérité, il est préférable de viser la santé et l’éducation que d’augmenter les taxes des entreprises et des plus riches, même minimalement. Et jusqu’à maintenant, les magiciens ont promis des ballons économiques qui ne profitent qu’à leurs seuls amis. Ces ballons n’ont jamais été créés pour les Dorothys de ce monde. Soixante-seize ans après la première mondiale du Magicien d’Oz à Oconomowoc au Wisconsin, notre imaginaire est toujours impressionné par les leçons qu’on en retient. Maintenant, qu’est-ce qui arriverait si tous les héros se chaussaient de créativité et d’audace ?

Une société sans musées est une société sans identité

La Fédération nationale des communications (FNC-CSN) mènera une vaste campagne de sensibilisation et de visibilité dans les musées et sur Facebook, dès cet été, pour exercer de la pression sur nos dirigeants politiques tant à Québec qu’à Ottawa. L’offensive visera également les touristes d’ici et d’ailleurs qui affectionnent nos musées et qui reconnaissent leur importance indéniable pour le développement de la société québécoise.

Avec des budgets de fonctionnement réduits, les musées sont obligés de restreindre leur personnel et par conséquent les services au public : moins de guides, activités d’éducation de plus en plus rares, plages horaires d’accès au public diminuées, etc. Cette asphyxie graduelle qui perdure se fait également sentir partout en région où les musées sont pourtant des attraits touristiques et culturels phares pour l’économie locale. Les gouvernements doivent redresser la situation des musées et leur assurer un meilleur financement.

La CSN représente les salarié-es de neuf institutions muséales aux quatre coins du Québec, dont le Musée des Beaux-Arts de Montréal, le Musée régional de Rimouski, le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke et le musée Huron-Wendat.

Le plan libéral en quatre projets de loi

PL-10 : Les mammouths

Adopté au petit matin le 6 février dernier à la suite de 15 heures de débat conclu par un bâillon, le projet de loi 10 est l’œuvre maîtresse du ministre de la Santé Gaétan Barrette. Intitulé Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, le projet de loi prévoit, entre autres, l’abolition des agences régionales et la création des nouveaux centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS).

Pour le ministre, le PL-10 viendrait améliorer et simplifier l’accès aux soins et aux services grâce à l’abolition d’un palier « administratif » — les agences — et permettrait l’économie de 220 millions de dollars, sur un budget total d’environ 31 milliards de dollars. Ces compressions cadrent bien avec l’atteinte du déficit zéro, l’objectif ultime des libéraux. Selon ses prédictions, seulement 1300 cadres perdraient leur emploi au terme de l’exercice. En plus d’une diminution marquée du nombre de conseils d’administration, qui passent de 200 à une vingtaine, le projet de loi abolit la vaste majorité des CSSS.

Les critiques fusent de toutes parts. Pour la CSN, la FP-CSN et la FSSS-CSN, mais aussi pour l’ensemble des acteurs du réseau, les nouveaux CISSS et CIUSSS (centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux), rebaptisés « structures mammouths », viendront alourdir et complexifier inutilement l’organisation et l’accès aux soins et aux services. La création des CISSS et des CIUSSS aura aussi pour effet de concentrer entre les mains de quelques personnes les prises de décisions ayant un effet sur l’ensemble du réseau. Plusieurs craignent l’accélération d’une approche hospitalo- centriste, déjà dominante, où l’hôpital gobe une trop grande part du budget des nouveaux CISSS, en particulier la part dévolue aux services sociaux (notons que tous les CISSS chapeautent au moins un centre hospitalier).

Mais une des critiques les plus virulentes à l’égard du PL-10 concerne les pouvoirs démesurés que s’octroie le ministre, du jamais vu ! En effet, Gaétan Barrette se donne un droit de regard sur la composition des conseils d’administration tout en se permettant une ingérence sans retenue sur la nomination des dirigeantes et des dirigeants des différents établissements. En pleine controverse au CHUM, où le ministre veut imposer son « homme » à la tête du département de chirurgie, les allégations d’abus de pouvoir sont légion.

PL-15 : L’austérité à son sommet

Le projet de loi 15, intitulé Loi sur la gestion et le contrôle des effectifs des ministères, des organismes et des réseaux du secteur public ainsi que des sociétés d’État, est déposé par Martin Coiteux, président du Conseil du trésor, en octobre 2014. Il est adopté deux mois plus tard, à la fin de la session. L’objectif est de contrôler la taille des effectifs des ministères, des organismes, des réseaux de la santé et de l’éducation, de même que des sociétés d’État. Les commissions scolaires, les cégeps et les composantes de l’Université du Québec, de même que la Caisse de dépôt et placement du Québec sont visés.

Le PL-15 se veut un outil législatif pour limi­ter de façon coercitive la croissance des effectifs de l’État, ce qui devrait permettre, selon Martin Coiteux, une économie de l’ordre d’un demi-milliard de dollars. À ce frein imposé à la croissance des effectifs s’ajoute un gel d’embauche dans le secteur public. L’austérité à son sommet, avec ses effets sur les services.

De façon unanime, les syndicats et les observateurs y voient une volonté d’augmenter le contrôle et l’emprise du gouvernement sur les sociétés d’État. En limitant sa croissance et en empêchant l’embauche, il ne fait aucun doute que le gouvernement souhaite en secret affaiblir l’État et le rôle privilégié qu’il joue au Québec depuis plus de 50 ans. Une fois les réseaux de la santé et des services sociaux, de l’éducation, mais aussi l’ensemble des sociétés d’État affaiblis, la porte s’ouvrira d’elle-même à la privatisation.

PL-20 : Des quotas, puis une entente

Déposé en novembre dernier et toujours en attente d’adoption, le projet de loi 20 avait au départ pour principal objectif d’imposer des quotas aux médecins. Pour Gaétan Barrette, l’auteur du projet de loi, le PL-10 organise les soins, alors que le PL-20 augmente les soins. À eux seuls, ces deux projets de loi viendraient, toujours selon lui, régler les problèmes du réseau de la santé. Intitulé Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, le PL-20 dit avoir pour objectif l’amélioration de l’accès aux soins.

Au moment de son dépôt, le projet de loi imposait aux médecins de famille des quotas qu’ils devaient respecter sous peine de sanctions financières pouvant aller jusqu’à 30 % de leur rémunération.

Mais à la fin du mois de mai, coup de théâtre. Gaétan Barrette et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) s’entendent. Les médecins de famille n’auront pas à respecter de quotas. En échange, ils doivent s’engager à ce que 85 % des Québécois et des Québécoises aient accès à un médecin de famille, d’ici le 31 décembre 2017. Si cet objectif est atteint, le PL-20 ne s’appliquera pas aux membres de la FMOQ. Le ministre de la Santé qualifie l’entente d’historique.

PL-28 : La méthode Harper

Adopté à toute vitesse sous le bâillon le 20 avril dernier, le PL-28, intitulé Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016 compte rien de moins que 337 articles.

Véritable fourre-tout présenté par le ministre des Finances Carlos Leitão, cette loi touche entre autres aux tarifs des services de garde, en introduisant des hausses qui feraient grimper les frais jusqu’à 20 $ par jour pour les familles plus fortunées. Elle officialise l’abolition de deux structures municipales d’importance, les centres locaux de développement (CLD) et les conférences régionales des élus (CRÉ). Elle fixe les tarifs demandés par les pharmaciens, entraînant des baisses d’honoraires de 177 millions et fait passer de 100 millions à 500 millions de dollars par année les sommes virées au controversé Fonds des générations.

Malgré l’ampleur du projet de loi, il aura fallu seulement une dizaine d’heures de débat avant que le gouvernement de Philippe Couillard ne juge qu’il soit mûr pour l’adoption en chambre. À l’unanimité, les partis d’opposition, les syndicats et l’ensemble des observateurs ont dénoncé cette méthode trop souvent utilisée par les conservateurs de Stephen Harper. En choisissant délibérément d’inclure dans le PL-28 des politiques qui vont dans toutes les directions, les libéraux tentent de minimiser une décision majeure, celle de toucher aux tarifs des services de garde. Choix collectif ayant une incidence majeure sur la société, les services de garde voient leur accessibilité réduite de manière importante pour une première fois depuis leur création.

Privatisation insidieuse

Le projet de loi 28, tout comme le 10, le 20 et le 15 n’ont dans les faits qu’un seul réel objectif, celui d’ouvrir la porte à la privatisation et à la tarification. De manière insidieuse, en diminuant l’offre, en haussant les tarifs, en affaiblissant l’autonomie des établissements, et en dévaluant le travail des employé-es de l’État, ce gouvernement met en place les conditions idéales pour justifier la pertinence de l’entreprise privée dans les maillons de l’État social québécois.


Quelle analyse faire de ces projets de loi ?

Perspectives CSN a rencontré le vice-président de la CSN Jean Lacharité ainsi que Jeff Begley et Michel Tremblay, respectivement présidents de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) et de la Fédération des professionnèles (FP-CSN).


L’histoire de deux hommes

Jean Lacharité, vice-président de la CSN

Quelle est la position de la CSN à propos des projets de loi 10, 15, 20 et 28 ?

La CSN s’oppose totalement à ces lois qui remettent en question les acquis sociaux dont s’est doté le Québec depuis la Révolution tranquille.

Qui mène au gouvernement ?

Le gouvernement libéral est l’histoire de deux hommes. Philippe Couillard et Martin Coiteux, bien que certains autres membres jouent un certain rôle, ont un certain poids. Les autres membres du gouvernement ont l’air de sous-ministres. D’ailleurs, le premier ministre laisse beaucoup de place à Martin Coiteux. On a presque l’impression qu’il se cache. Ce que ça dénote, c’est que Coiteux a l’aval complet de son premier ministre pour prendre les devants de la sorte.

Quels sont les objectifs des libéraux ?

La réponse est simple : une remise en question complète du modèle québécois tel qu’on le connaît. C’est-à-dire où l’État joue un rôle social important, même fondamental. À titre d’exemple, avec le projet de loi 10, on crée des structures mammouths. Ces dernières, accompagnées de coupes budgétaires, remettent en cause le panier de services publics.

Même chose avec le projet de loi 15 qui vise la réduction du nombre de fonctionnaires. Mais pas seulement dans la fonction publique. Les employé-es de l’État, en santé, en éducation et dans les organismes gouvernementaux, comme la CSST, sont aussi touchés. Le gouvernement prétend qu’il ne s’adresse qu’aux structures sans toucher aux services, mais c’est totalement faux !

D’où vient cette vision néolibérale et quelles en seront les conséquences ?

Le grand manitou, c’est Martin Coiteux. C’est un idéologue dogmatique de droite qui veut réduire le rôle de l’État. Ce ne sont pas seulement les fonctionnaires et autres employé-es de l’État qui vont en payer le prix, mais bel et bien tous les Québécois, toutes les Québécoises, tous les payeurs d’impôts. Que se passera-t-il quand le réseau public ne livrera plus la marchandise ? On se fera dire « faut aller vers le privé ». Car le réel objectif du gouvernement est d’ouvrir au privé. Les citoyens et les citoyennes vont devoir puiser dans leurs poches pour recevoir ces services. On nous offre des réductions minimes de taxes et d’impôts. Mais ce n’est rien comparé à ce que nous devrons payer pour nous assurer des services. Aux États-Unis par exemple, ça peut coûter entre 15 000 $ et 20 000 $ par année pour une simple assurance maladie.

Nous sommes mieux protégés en payant nos taxes et nos impôts pour nous payer les services dont on a besoin que si nous étions à la merci de l’entreprise privée, dont l’objectif est avant tout le profit.

Que propose la CSN pour combattre cette idéologie ?

Il faut d’abord et avant tout prendre conscience du dégât qu’est en train de faire le gouvernement. Ensuite, il faut nous mobiliser. Prendre la rue, être présents aux manifestations, aux rassemblements de masse. Montrer qu’on s’oppose à l’entreprise de démolition qui est en train de se profiler.

Y a-t-il une similitude entre les conservateurs et les libéraux du Québec ?

Tout à fait. Au Québec, on n’aime pas Stephen Harper et on a pu le constater lors des élections. Il faut se rendre compte que le PLQ propose une harperisation intensifiée du Québec. Le PLQ est devenu aussi conservateur que le PC à Ottawa. L’idéologie est la même, réduire considérablement le rôle de l’État. Rappelons-nous la fameuse réingénierie de l’État proposée par Jean Charest entre 2003 et 2005. Nous avions réussi à freiner ses ardeurs — même s’il y a eu certains dégâts — grâce à notre mobilisation. La CSN avait réussi. Le PLQ d’aujourd’hui tente d’achever l’œuvre de Jean Charest et de Monique Jérôme-Forget. Nous aussi nous continuerons notre œuvre : nous appelons l’ensemble des Québécois et des Québécoises à se tenir debout et à démontrer leur opposition à ce projet dévastateur.


Le sabotage des services de garde

Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux

Parmi les quatre projets de loi déposés par les libéraux, quel est le plus dommageable ?

Ils sont tous dommageables. Mais le PL 28, qui touche entre autres à la hausse des frais des services de garde, est particulièrement représentatif, car il est le parfait exemple des réelles intentions du gouvernement : ouvrir au privé en prétextant l’inefficacité des services… inefficacité qu’il a lui-même délibérément créée. Prenons les services de garde. Avant leur création en 1996, il pouvait en coûter 30 $ par jour pour envoyer son enfant à la garderie. Ces dernières avaient de hauts taux d’inoccupation. Les cégeps songeaient à réduire leur formation en la matière. Lentement, mais sûrement, les gens se sont mobilisés ; les parents, mais aussi la communauté. Devant l’immense pression populaire, Pauline Marois a créé les centres de la petite enfance (CPE). Sans mobilisation, elle n’aurait rien fait. Rapidement, la demande a explosé. Les services de garde ont reçu un appui populaire impressionnant, les gens étaient emballés. Les CPE ont eu comme impact de pousser les femmes vers le marché du travail. Celles qui y étaient déjà n’avaient plus à travailler la moitié de leur journée pour payer la garderie. C’était accessible et socialement payant. Mais la suite des choses s’est avérée vraiment décevante.

Comment les choses ont-elles évolué ?

Pendant les 20 ans qui ont suivi la création des CPE, l’offre mise de l’avant par les gouvernements successifs n’a jamais réussi à répondre à la demande. Les listes d’attente sont devenues de plus en plus longues. Puis, en 2003, on a mis fin à l’augmentation de l’offre. C’est ce que j’appelle une opération de sabotage. Il faut préciser qu’en même temps qu’on laisse stagner les places intentionnellement, les effets du Régime québécois d’assurance parentale se sont fait sentir : on assiste à une augmentation significative du nombre de naissances au Québec. Le manque de places a eu pour effet de créer de la grogne chez les gens. Le réseau est alors devenu dans la tête de plusieurs mécontents, inefficace. Les perceptions ont changé, et c’était ce que voulaient les libéraux. Il faut dire que depuis le début, le PLQ était contre le programme universel de service de garde.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Aujourd’hui, devant la supposée inefficacité du réseau des services de garde, les libéraux nous disent qu’ils n’ont pas d’argent pour le financer. Pourtant, on sait que pour chaque dollar investi, c’est 1,50 $ qui revient au gouvernement. Il faut dire que les CPE permettent à plus de femmes de travailler, c’est donc plus de gens qui paient de l’impôt. Ça, c’est pour les bénéfices économiques. Mais il y a aussi des bénéfices sociaux non négligeables. Les enfants qui fréquentent les services de garde sont encadrés, stimulés rapidement, ils socialisent, etc.

Nous ne devons pas laisser faire les libéraux. Car sinon, on va payer cher. Très cher. L’augmentation des coûts pour les familles va dépasser cent fois le remboursement d’impôt qu’on nous promet. Il faut appuyer les membres qui sortent dans la rue. Mais il faut aussi que les gens « ordinaires », qui n’utilisent pas nécessairement les services de garde, sortent pour appuyer la cause. Comme en 2012.


L’illogique PL 10

Michel Tremblay, président de la Fédération des professionnèles

Quels sont les effets concrets des projets de loi des libéraux en santé, particulièrement les 10 et 15 ?

Prenons le PL 15 pour commencer. Depuis son adoption, il n’y a plus d’affichage de postes possible, à moins d’avoir la permission directe du Conseil du trésor, dirigé de main de fer par Martin Coiteux. C’est exactement le genre de contrôle que Monique Jérôme-Forget souhaitait du temps qu’elle en était la présidente. Dans ce contexte, disons… contraignant, la loi 10 entre aussi en vigueur. Il faut savoir que le projet de loi a été écrit par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette lui-même, et sa garde rapprochée. Approche plutôt rare, puisque les fonctionnaires sont souvent mis à contribution dans ce genre de mandat.

La loi 10 est en fait une étape importante dans la transformation que souhaite imposer le ministre Barrette au réseau de la santé et des services sociaux. Dans la tête du ministre, d’ici cinq ans, les effectifs du réseau seront largement réduits et, parallèlement, le financement des activités médicales en fonction des actes posés sera augmenté. Pour arriver à cette fin, on réduit de 30 % le budget dédié à la santé, ce qui ouvrira obligatoirement la porte au privé.

Quel sera l’impact de l’abolition des agences de santé et de services sociaux ?

Au 31 mars dernier, 15 % du personnel d’agence ont perdu leur poste à cause du de la loi 10. Cette décision a créé toutes sortes de situations aberrantes. Prenons l’agence de Montréal par exemple. Le 1er avril, quatre postes d’agents de planification, de programmation et de recherche (APPR) ont été transférés au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. Les APPR possèdent une spécialisation en santé publique et détiennent souvent un doctorat en la matière. Rien à voir avec les services offerts au CHU Sainte-Justine, où il n’y avait pas d’APPR parce qu’il n’en avait pas besoin. La direction de Sainte-Justine, qui doit accueillir ces professionnel-les en raison de leur ancienneté, devra probablement les garder à ne rien faire… et, du même coup, comme le transfert n’est pas accompagné de budget, elle devra vraisemblablement mettre quatre personnes à pied, des psychologues qui travaillaient déjà auprès d’enfants, par exemple. Ici, on est perdant sur toute la ligne : quatre psychologues ne donnent plus de services aux patients de Sainte-Justine, et quatre APPR ne peuvent plus mettre leur expérience à contribution et travailler en prévention.

Quel sera l’impact sur la vie syndicale de toutes ces fusions d’établissements ?

C’est certain qu’avec sa loi 10, le gouvernement souhaite aussi complexifier le fonctionnement de la vie syndicale. Ce n’est pas l’objectif premier, mais disons que ça ne déplaît pas au gouvernement.

Un mot sur le PL 28 ?

C’est un projet de loi aberrant. Le cas des conférences régionales des élus, les fameux CRÉ, en est un bel exemple. Au moment de son dépôt, le PL 28 venait abolir les CRÉ, tout en empêchant les travailleurs d’avoir recours à l’article 45 du Code du travail, qui prévoit que le changement d’employeur par vente ou concession totale ou partielle d’une entreprise n’invalide pas l’accréditation syndicale et, s’il en existe une, la convention collective. Donc, pas de transfert possible pour ces travailleurs, puisque leur accréditation ne tient plus. Il y a finalement eu un amendement à la dernière minute. Alors qu’on espérait un assouplissement du ministre, il a plutôt opté pour la ligne dure et décidé d’étendre la mesure aux employé-es des centres locaux de développement, les CLD, et aux corporations de développement économique communautaire, les CDEC.

La détresse psychologique laissée en plan

 « Plus on crée une distance entre les mailles du filet, plus de gens vont y tomber », craint Louis Picard, psychologue au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

Les psychologues et les neuropsychologues du réseau public jouent un rôle unique et crucial puisqu’ils ont la possibilité de travailler en équipe avec plusieurs autres professionnel-les de la santé et de devenir des spécialistes de certains troubles ou détresses psychologiques qui peuvent être parfois très graves. On trouve rarement ces deux caractéristiques chez les psychologues de pratique privée qui visent une clientèle plus large.

Les psychologues de Sainte-Justine, par exemple, aident les enfants grands brûlés à passer au travers de traitements extrêmement douloureux comme l’hydrothérapie. On pense aussi à l’accompagnement des familles lors de deuils ou de maladies graves d’enfants. « La principale richesse du réseau, c’est l’expertise. Une surspécialisation qu’on ne trouve pas toujours au privé », explique Pierre Goulet, neuropsychologue au Centre de réadaptation Lucie-Bruneau. Ce centre est spécialisé auprès d’adultes qui ont subi une atteinte orthopédique ou cérébrale, ou qui sont aux prises avec des maladies évolutives. Il s’agit de les accompagner pour qu’ils arrivent à se réinsérer socialement.

« Les enfants qui arrivent ici vont être pris en charge, mais on doit ensuite les référer en première ligne », explique Dominique Pallanca, psychologue à Sainte-Justine. Or, cette première ligne (CLSC ou ressources communautaires) croule sous le nombre de cas et doit souvent se contenter de donner un service restreint d’une dizaine de séances, ce qui n’est pas toujours adapté aux cas plus lourds. « Un enfant avec une maladie chronique et un trouble de la personnalité limite, par exemple, risque fort de nous revenir. On assiste à un phénomène de portes tournantes », fait valoir Louis Picard, qui précise que le privé aura souvent moins l’intérêt à s’occuper de ces cas plus difficiles.

Le manque de ressources ne touche pas que le secteur de la santé. « La longueur des listes d’attente pour avoir accès à un psychologue dans les écoles fait peur », affirme Dominique Pallanca, qui précise que les soins psychologiques, par exemple pour les troubles du langage chez les enfants, ne peuvent souvent pas attendre. Les parents doivent alors se tourner vers le privé.

Le réseau public moins attractif

Les psychologues qui consacraient la majeure partie de leur temps au réseau public, et qui suffisaient déjà à peine à la tâche, risquent d’être encore moins nombreux à cause de l’abandon d’une prime qui visait à combler l’écart entre les revenus dans le réseau public (45 $ l’heure au maximum) et dans le privé (entre 80 $ et 120 $ l’heure, moins les frais). Rappelons que le doctorat est maintenant obligatoire pour exercer cette profession. Cette prime de 6,7 % à 9,6 % pour ceux qui consacrent quatre ou cinq jours par semaine au réseau public a été abandonnée le 1er avril par le gouvernement Couillard. Elle avait pourtant été convenue après une réflexion sérieuse sur les raisons du manque d’attractivité de la profession dans le réseau public. On souhaitait y attirer des professionnel-les pour réduire les listes d’attentes, qui ont déjà atteint 18 mois pour certains enfants à Sainte-Justine.

La prime en question représentait environ 35 millions de dollars pour tout le Québec. « C’est une décision qui manque complètement de vision », déplore Dominique Pallanca. Le coût social de l’abandon des personnes avec un problème de santé mentale est beaucoup plus élevé.


La CSN représente plus de 700 psychologues et neuropsychologues qui sont membres de la Fédérations des professionnèles (FP-CSN) ou de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN).

Faire de l’éducation une véritable priorité nationale

Humour, poésie, chanson et beaucoup de réflexion ! Quelques centaines de personnes, préoccupées par l’avenir de nos cégeps et de nos universités, se sont réunies au Bain Mathieu dans l’est de Montréal, le 19 mars dernier, pour lancer le processus qui mènera à la tenue d’états généraux sur l’enseignement supérieur.

Il s’agit d’un appel aux acteurs progressistes en éducation pour créer un espace de discussion au sujet de ce qui ne tourne pas rond dans notre système d’éducation. Au fil des années, quelques chantiers de réflexion ont été lancés. Mais les conclusions, incluant celles tirées du Sommet sur l’enseignement supérieur tenu en 2013, ont souvent laissé la plupart d’entre nous sur notre appétit.

Cette fois, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) veut ouvrir le dialogue pour réfléchir à des mesures concrètes et stopper la marchandisation de l’éducation. « Il faut qu’on forme des employé-es, oui, mais il faut qu’on forme avant tout des citoyennes et des citoyens », prévient Caroline Senneville, présidente de la FNEEQ.

Le constat semble généralisé. « C’est une éducation qui a été complètement soumise au marché, à une logique d’austérité et de réduction de l’État », déplore Alexis Tremblay de la Fédération étudiante collégiale du Québec. Stefana Lamasanu, chargée de cours à l’Université McGill dénonce « les concepts managériaux d’efficacité, de clientélisme et de performance qui s’immiscent partout dans le discours. L’éducation n’est pas là pour nous transformer en produits du marché ». Marie Blais, présidente du Syndicat des chargé-es de cours de l’Université du Québec à Montréal (FNEEQ-CSN) ajoute « que ce soit au primaire, au secondaire ou en enseignement supérieur, une seule chose compte : l’argent, les sources de revenus et les clients ».

Trop de béton au détriment de l’éducation

Si le réseau, sous-financé, requiert des investissements additionnels, encore faut-il dépenser correctement les budgets actuels. Michel Seymour, professeur de philosophie à l’Université de Montréal, constate depuis quelques années que les administrations universitaires accordent la priorité aux immobilisations. « Il y a une dérive immobilière et ce n’est pas dû qu’à l’Îlot voyageur de l’UQAM. On assiste à une dérive tentaculaire qui fait que les universités ont construit des pavillons tout neufs à proximité des universités concurrentes. Cela n’a aucun bon sens d’engloutir autant de fric dans le béton. » Pendant ce temps, le gouvernement prétend que l’argent manque, des cours sont supprimés et le ratio maître-élèves augmente.

Tout le Québec en souffre, hommes et femmes, et il risque d’en souffrir pour longtemps. La présidente de la Fédération des femmes du Québec, Alexa Conradi, craint même un retour en arrière. « La question de l’éducation, dans son accès et son contenu, est un élément central dans la démarche de quête d’égalité pour les femmes. On souhaite que les femmes aient accès à l’éducation pour améliorer leurs conditions. Mais aussi pour pouvoir contester les relents du sexisme dans les savoirs. »

Selon la FNEEQ-CSN, l’enseignement supérieur est un droit et l’éducation doit réellement être une priorité nationale. « Une société qui n’a pas d’éducation de qualité, c’est une société qui s’appauvrit à tous points de vue : culturel, social et économique », alerte sa présidente, Caroline Senneville.

Les appuis à la démarche se multiplient afin de renverser la vapeur. C’est donc en coalition, au-delà des allégeances, que la FNEEQ-CSN joindra ses efforts à ceux d’autres organisations syndicales, étudiantes et de la société civile pour réaliser les états généraux que nous voulons !

La négociation coordonnée, un franc succès

Avec seulement un marché d’alimentation toujours en pourparlers, il est indéniable que la négociation coordonnée dans le secteur de l’alimentation s’avère un succès. Pour certains, les gains enregistrés sont considérables : augmentations salariales importantes, amélioration ou mise en place de régimes de retraite, plus de reconnaissance envers les employé-es comptant beaucoup d’ancienneté, congés de maladie pour les camarades travaillant à temps partiel, voilà le terrain gagné grâce à une négociation serrée, et surtout à la solidarité dont les syndicats ont fait preuve dans les bons moments comme dans les moins bons.

« Assurément, ce sont des ententes historiques ! Dans certains syndicats, les employé-es ont obtenu des augmentations salariales allant de 14,5 % à 21 % échelonnées sur quatre, cinq, six ou sept ans. Dans le contexte économique actuel, et dans une industrie qui n’a pas la réputation d’accorder de grosses augmentations salariales, c’est extraordinaire. Nous devons être très fiers de ce que les syndicats ont accompli », affirme Dany Roy, conseiller syndical à la Fédération du commerce (FC-CSN).

Le début des négociations laissait pourtant présager un bras de fer entre les syndicats et Loblaws. En septembre 2014, la compagnie laissait entendre qu’elle comptait franchiser sous la bannière Héritage tous les Maxi syndiqués avec la FC-CSN qui participaient à la négociation. Les conditions de travail des employé-es auraient décliné de façon dramatique. Heureusement, la négociation a incité la partie patronale à changer son fusil d’épaule et permis de renouveler les conventions collectives, tout en maintenant les acquis pour les travailleuses et travailleurs concernés et en garantissant que l’ensemble de ces magasins gardent leur affiliation corporative.

« C’est certain que la stratégie patronale dans ce dossier précis était de faire reculer de façon significative les conditions de travail des employé-es. Heureusement, on a pu éviter le pire. Il est aussi important de mentionner que les travailleurs de ces sept magasins Maxi demeurent les mieux payés au Québec, » explique le conseiller syndical, Gilles Truchon.

C’est toute l’industrie qui sort gagnante de cette négociation, constate Serge Fournier, président de la FC-CSN : « Le travail effectué en commun par nos syndicats en alimentation a donné des résultats probants. Les gains réalisés font en sorte que les employeurs auront un personnel stable et professionnel, et que les communautés seront économiquement plus fortes. Tout le monde gagne en négociant des conventions collectives décentes. Ces ententes sont la preuve de l’efficacité des négociations coordonnées. »

Par celles-ci, les syndicats de l’alimentation ont démontré une belle solidarité et une détermination à toute épreuve. Ils ont gagné le respect des employeurs et celui du monde du travail.

20 ans à faire les choses autrement

À l’automne 1995, par un beau dimanche matin, l’équipe du Service de l’information de la CSN se livrait à un remue-méninges plutôt inusité. Il fallait en effet trouver un nom pour ce fonds de travailleurs que l’Assemblée nationale, quelques mois plus tôt, avait chargé la CSN de mettre sur pied. Après plusieurs heures de discussions animées, un nom avait finalement fait l’unanimité : Fondaction, le fonds de la CSN pour la coopération et l’emploi.

L’adoption de la loi constitutive de Fondaction, en juin 1995, avait été l’aboutissement de plusieurs années d’efforts conduits principalement par le trésorier de la centrale, Léopold Beaulieu. Ce dernier, un partisan de l’économie sociale, avait derrière lui une longue histoire marquée au coin de la coopération et de la finance socialement responsable. Léopold Beaulieu avait été l’un des fondateurs, en 1971, de la Caisse des travailleurs réunis de Québec, devenue avec le temps la Caisse d’économie solidaire Desjardins, qui affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de 1,4 milliard de dollars.

En janvier 1996, Fondaction lançait sa première campagne de souscription. Il avait fallu faire vite. Une petite équipe avait été formée, au sein de laquelle se retrouvaient des salarié-es prêtés par la CSN, qui y était aussi allée d’une mise de fonds de 663 000 $ pour permettre à Fondaction de prendre son envol. Une somme de 8 millions de dollars avait été recueillie la première année. Vingt ans plus tard, en 2013-2014, 198,1 millions de dollars ont été souscrits, dont 122,9 millions de dollars par la retenue sur le salaire, la très grande majorité de ces retenues étant faites au profit de travailleuses et de travailleurs membres de syndicats affiliés à la CSN. Les femmes représentent 51,5 % des 127 755 souscripteurs, dont les revenus annuels se situent en deçà de 50 000 $. L’actif total de Fondaction s’établissait cette même année à 1,26 milliard de dollars. C’est sur une structure de bénévoles actifs dans les milieux de travail — les Représentants Fondaction, les RF — que s’appuie le fonds pour son développement.

L’originalité de Fondaction

Le fonds de la CSN détonne dans le monde de la finance et de l’investissement, comme en témoigne le slogan qui l’identifie : Donner du sens à l’argent. Transposées dans le monde de la finance, ce sont les valeurs défendues par la CSN que Fondaction met en avant. En faisant du développement durable son cheval de bataille, le fonds de la CSN a fait figure de pionnier. Fondaction, qui a jusqu’à maintenant publié cinq rapports de développement durable, soumet volontairement son fonctionnement et ses pratiques à une analyse indépendante.

La préoccupation du développement durable prend de plus en plus d’importance, les entreprises devant prendre en compte la sensibilité grandissante du public à cet égard. En 2014, 5774 entreprises à travers le monde avaient décidé d’appliquer les lignes directrices de la Global Reporting Institute (GRI) pour produire leur rapport. Parmi ces entreprises, 703 sont des institutions financières et 139 d’entre elles ont atteint le niveau A+. Au Canada, seulement deux institutions financières ont atteint ce niveau, dont Fondaction. Depuis, elle est devenue la première institution financière en Amérique du Nord à s’imposer les exigences les plus élevées de la GRI. Seulement neuf institutions dans le monde agissent de la sorte.

Au détour de ce vingtième anniversaire, Léopold Beaulieu entend poursuivre encore plus résolument la recherche de cohérence entre les investissements en entreprises, l’épargne en vue de la retraite et les placements effectués par le fonds. « Il y a de grands enjeux de société, des enjeux sociétaux qui sont tout à la fois économiques, sociaux et environnementaux. Fondaction doit se retrouver au cœur de ces enjeux et apporter sa contribution », soutient-il. C’est là qu’il compte amener Fondaction.

Déjouer le haut-parleur néo-libéral

Il est notamment véhiculé par des voix qui condamnent tous ceux qui osent le dénoncer. Lors des états généraux Ensemble, organisons la riposte que le Conseil central de Québec Chaudière-Appalaches (CSN) a tenus à la fin d’avril 2015, Jean-Noël Grenier, professeur au Département des relations industrielles de l’Université Laval, a présenté une analyse éclairante des stratégies mises de l’avant par les partisans du régime actuel d’austérité. Avec humour, il a incité son auditoire à réagir aux attaques vicieuses contre les syndicats et l’ensemble des travailleurs.

Une double stratégie

Politiser les relations de travail.

Afin de répondre aux raisonnements douteux de nos détracteurs qui répètent ad nauseam leurs messages simplistes dans certains médias, il faut bien comprendre leurs tactiques, lance d’emblée le professeur Grenier. D’abord, ils politisent à outrance les relations de travail et organisent des campagnes de dénigrement bien ciblées pour diviser afin de mieux régner. « L’idée est de démontrer que les syndicats sont déraisonnables, indifférents au sort de la classe moyenne qui paye la majorité des impôts et des taxes », explique-t-il. Bien sûr, ces médias ne crient pas à la une que la classe moyenne, dont ils se disent les ardents défenseurs, est constituée des 520 000 employé-es syndiqués de la fonction publique.

L’une des stratégies des politiciens au pouvoir consiste aussi à s’ériger en protecteurs des jeunes. « Pour leur assurer un avenir meilleur, il faut leur offrir les pires services ! », s’exclame ironiquement Jean-Noël Grenier. Ils parlent de rigueur plutôt que d’austérité ; ils jouent au bon père de famille pour gérer une situation supposément catastrophique ; ils évoquent la modernisation des services publics alors qu’ils travaillent plutôt à la reconfiguration du rôle de l’État pour laisser toujours plus de place au privé et à la tarification. « Quiconque critique leur rhétorique contradictoire se fait accuser d’être corporatiste, égoïste, contre le progrès et de vouloir protéger ses acquis à tout prix. Leur discours, à la fois apocalyptique et faussement basé sur de bonnes intentions, ne tolère pas l’opposition », soutient le professeur.

Dépolitiser la gestion des finances publiques.

Alors qu’un discours médiatique très populiste politise les relations de travail, une dépolitisation de la question des finances publiques est opérée par des politiciens intransigeants. Dans cette optique, le débat est évacué, le renflouement des déficits n’est possible qu’avec des compressions monstres, seuls remèdes à la survie de nos services. Ce discours est tellement mis de l’avant que tous ceux qui osent le remettre en question se voient au mieux qualifiés d’écervelés ou d’inconscients. Pour concrétiser cette idéologie et neutraliser les avis contraires, on abolit des lieux d’échanges comme la Conférence régionale des élus (CRÉ). On montre ainsi la porte aux représentantes et représentants des groupes de la société civile, on remplace des personnes élues par des personnes nommées qui vont inlassablement répéter le mantra du gouvernement.

Un camouflage éhonté

La logique du discours néolibéral consiste à détourner et à taire certaines vérités pour que le message passe plus aisément. Elle est axée sur certaines dépenses sans allusion aux emplois qu’elles créent et aux revenus qu’elles rapportent en taxes et impôts. Elle s’abstient notamment de parler des 800 millions de dollars perdus par l’abandon de la taxe sur le capital. Elle applaudit aux baisses d’impôt consenties aux entreprises qui auraient pu aider à résorber le déficit. Elle ignore la question des paliers d’imposition fiscale. En outre, le système comptable gouvernemental est organisé pour créer des déficits qui devront être renfloués par la transformation du rôle de l’État. La « restructurite » est à ce titre fort utile pour tromper le public. Il faut abolir les commissions scolaires, martèle-t-on à titre d’exemple, tout en évitant de préciser ce qu’il en sera de la coordination et des coûts des services à remplacer et des conséquences sur la représentation citoyenne.

En santé, les restructurations se produisent souvent lors de l’amorce d’une négociation collective et relèvent de la pure stratégie, souligne d’ailleurs le conférencier. « Comme le gouvernement ne peut justifier les faméliques conditions qu’il propose à ses employé-es, il se lance dans des refontes du système en invoquant l’urgence et la nécessité d’épargner. Les syndicats et autres groupes peinent alors à convaincre leurs membres et la population que l’état actuel des organisations et des services n’est pas critique au point de jeter le bébé avec l’eau du bain », fait valoir Jean-Noël Grenier.

Des techniques de gestion axées sur des résultats précis et empruntées à l’entreprise privée (Lean, Toyota) sont introduites sans débat pour soi-disant améliorer le système. « Les travailleuses de la santé doivent limiter à quelques minutes leurs entretiens avec les patients. C’est surréaliste », déplore en marge de la conférence du professeur Grenier la présidente du Conseil central de Québec Chaudière-Appalaches (CSN), Ann Gingras. L’ensemble de ces pratiques issues de l’approche managériale impose aux salarié-es de la fonction publique l’obligation de consacrer une bonne partie de leur temps à la bureaucratie. « On alourdit le travail en instaurant des mesures de gestion gourmandes en temps qui empêchent de livrer des services adéquats. À plus ou moins longue échéance, ceux-ci risquent de devenir moins efficaces, justifiant par le fait même les coupes imposées. Un véritable cercle vicieux », ajoute-t-elle.

Les porteurs de ce discours ne laissent rien au hasard. Ils créent des organismes, comme la Fondation 1625 pour la hausse des frais de scolarité. Ils investissent le Web et les médias sociaux. « Voyez un peu les commentaires sur les sites de nouvelles, sur Facebook et Twitter… Ce sont toujours les mêmes personnes qui interviennent, qui cognent sur le clou de la démagogie et du mépris », fait remarquer Ann Gingras. Ces attaques sont encore plus frontales dans les médias d’opinion de certaines régions comme à Québec. Toutes ces stratégies atteignent en partie leur but : les populations matraquées finissent par s’habituer à la dégradation des services qu’elles reçoivent et par se débrouiller de plus en plus par elles-mêmes. Un défaitisme s’installe y compris chez nos syndiqué-es : un État présent qui cherche à améliorer les services publics devient suspect.

À nous de jouer

Il faut donc agir à tous les niveaux pour faire de l’éducation politique et ne pas compter uniquement sur les mobilisations ponctuelles, qui sont insuffisantes pour résister à ces assauts. « Les jeunes et tous nos membres sont tous les jours exposés aux offensives de nos détracteurs. Dans les taxis, les autobus, les usines, dans les médias de masse, partout, ils les entendent, ils les lisent, ils les voient. Nous devons être présents sur toutes les plateformes dans tous les milieux et occuper le terrain, de toutes les façons », renchérit Ann Gingras.

La négociation est certes importante, mais s’y limiter ne fera que minimiser les impacts des compressions sur les membres. Il faut donc investir les milieux de travail et bien nous outiller pour aller à leur rencontre. La meilleure façon de les conscientiser est d’ailleurs d’écouter ce qu’ils ont à dire. Il faut nous armer d’arguments contre le néolibéralisme qui sévit dans plusieurs médias et s’infiltre partout. Nous devons aussi tisser des liens solides avec les autres groupes qui partagent nos valeurs, interroger la société et intervenir dans tous les lieux de décision, allant des conseils de ville aux réunions diverses de politiciens provinciaux et fédéraux. « Il n’y a rien d’anormal à ce que le mouvement syndical se remette en question. Si ce n’était pas le cas, je serais inquiet. Nous devons nous attendre à remporter toutes sortes de victoires, des petites comme des grandes. Après toutes les attaques que nous subissons, il faut avouer que nous sommes résilients. Les associations syndicales seront encore là demain, tout comme les associations d’employeurs et les partis politiques. S’ils nous attaquent de la sorte, c’est parce que nous sommes des adversaires coriaces, des résistants », conclut finalement Jean-Noël Grenier.

Le syndicalisme, une histoire de valeurs

Les attaques des conservateurs contre les syndicats, l’austérité et la négociation dans le secteur public québécois sont autant d’éléments qui mobiliseront les forces vives de la CSN. Ce genre de lutte syndicale ne date toutefois pas d’hier.

Il y a deux phases dans la négociation des salaires et des conditions de travail des employé-es directs et indirects de l’État québécois. La première correspond à la syndicalisation et à la négociation dans les années 1960 et 1970. Elle est marquée par un fort militantisme, la constitution d’un front commun, des grèves nombreuses et une amélioration substantielle de leurs conditions de travail. L’autre période débute avec les décrets imposés par le gouvernement en 1982-1983 et elle se poursuit jusqu’à nos jours. Devant l’imposition de nombreuses lois spéciales, les syndicats s’efforcent d’enrayer une érosion de la rémunération et des conditions de travail.

Pour simplifier, la syndicalisation des secteurs public et parapublic représente une troisième étape dans la syndicalisation des salarié-es au Québec. La première est liée à la syndicalisation des ouvriers de métier à partir du milieu du 19e siècle. Leur qualification leur confère un rapport de force pour essayer d’imposer la négociation collective aux employeurs. Les effectifs syndicaux atteignent 97 000 membres en 1921 et ces travailleurs n’hésitent pas à faire grève : il y a près d’un million de jours de travail perdus à cause de conflits en 1919 et 1920.

Au tour du secteur public

Le syndicalisme franchit une deuxième étape d’expansion avec l’organisation des ouvrières et ouvriers semi-qualifiés et non qualifiés de l’industrie manufacturière. Cet élargissement est le résultat du militantisme syndical pendant la Deuxième Guerre et de l’adoption en 1944 de la Loi des relations ouvrières inspirée du Wagner Act voté aux États-Unis en 1935. Le gouvernement encadre le processus de négociation collective en posant comme principe que les employeurs doivent négocier « de bonne foi » avec les représentants de leurs employé-es. Les effectifs syndicaux atteignent près de 300 000 membres en 1951 (30 % des salarié-es).

Dans les années 1960, le syndicalisme franchit une troisième étape en regroupant massivement les employé-es des services publics et parapublics. Au début de cette décennie, les fonctionnaires de l’État québécois n’ont pas le droit de négocier leurs conditions de travail alors que les enseignantes et les enseignants et les employé-es des municipalités, de la santé et des services sociaux peuvent le faire depuis 1944. Mais ils ne détiennent pas le droit de grève et les conflits de travail doivent être soumis à l’arbitrage. Emportés par le climat de changement issu de la Révolution tranquille, ces salarié-es commencent à joindre massivement des organisations syndicales. Ainsi, à partir de 1961, la CSN commence à syndiquer des fonctionnaires et des ouvriers qui réclament les mêmes droits que les autres catégories de travailleurs, soit la libre négociation, la possibilité de s’affilier à une centrale syndicale et même le droit de grève. Le premier ministre Jean Lesage y était opposé, ayant notamment déclaré en 1962 que « la reine ne négociait pas avec ses sujets ».

Au même moment, les employé-es d’hôpitaux et les enseignantes et les enseignants remettent en cause le système d’arbitrage qui les régit. Des grèves illégales frappent neuf commissions scolaires en 1963 et les infirmières de l’hôpital Sainte-Justine, dont le syndicat est affilié à la CSN, débraient illégalement pendant un mois en octobre de la même année. Lors d’une rencontre avec le ministre de la Santé qui refuse d’intervenir à cause de l’illégalité du conflit, Madeleine Morgan, présidente du syndicat, réplique : « Tout ce que vous avez à faire, si vous voulez que nous soyons dans la légalité, c’est de changer votre loi ! » Le gouvernement, surpris par une mobilisation exceptionnelle des centrales syndicales, cède en 1964 à l’occasion de l’adoption d’un Code du travail. La CSN organise une assemblée extraordinaire de ses dirigeants et militants alors que la FTQ tient un congrès extraordinaire qui donne au comité exécutif le pouvoir de recourir à la grève générale si le gouvernement n’amende pas profondément le projet de loi. Les enseignantes et les enseignants ne sont pas en reste : la Corporation générale des instituteurs et institutrices menace aussi de convoquer un congrès d’urgence. « La pratique intégrale du droit d’association, peut-on lire dans un rapport de la corporation, n’a pu et ne peut se concevoir sans l’usage du droit de grève. »

La dernière version du projet de loi consacre le droit de grève pour tous les employé-es d’hôpitaux, de commissions scolaires et de municipalités. L’année suivante, ce droit est étendu aux enseignantes et enseignants et aux salarié-es directs de l’État. À peu de choses près, les principes généraux du Code du travail s’appliquent avec la restriction que les services essentiels soient déterminés entre les parties ou par décision du Tribunal du travail. Cette libéralisation des règles touchant la syndicalisation et le droit de grève des secteurs public et parapublic place le Québec à l’avant-garde en Amérique du Nord.

Des gains

De 1964 à 1966, les syndiqué-es relevant directement ou indirectement de l’État québécois font des gains importants, tant en terme salarial que sur le plan des clauses normatives. Il faut dire qu’ils ont un long chemin à rattraper tant leurs salaires et leurs conditions de travail viennent loin derrière ceux du secteur privé. Pour éviter la surenchère de négociations décentralisées, le gouvernement se substitue en 1968 aux commissions scolaires et aux corporations hospitalières en se donnant une politique salariale qu’il applique à tous ses employé-es directs ou indirects.

Les syndicats répondent en 1972 par la négociation en front commun, une méthode unique en Amérique du Nord. La négociation de 1972 donne lieu à l’emprisonnement des présidents des trois principales centrales syndicales pour avoir recommandé de ne pas respecter des injonctions. Répétées en 1975 et 1979, les négociations en front commun sont perturbées par des grèves parfois illégales, des injonctions et des lois spéciales. Néanmoins, elles valent des avantages significatifs aux syndiqué-es en termes d’augmentations salariales, d’avantages normatifs et de sécurité d’emploi. Pour le gouvernement, la rémunération de ses employé-es doit correspondre au salaire moyen des emplois analogues dans le secteur privé. En revanche, les centrales souhaitent que les augmentations obtenues aient un effet d’entraînement pour l’ensemble des travailleuses et des travailleurs du secteur privé. Le patronat s’en inquiète et des économistes confirment à cette influence au début des années 1980.

Fer de lance du syndicalisme, le front commun subit un revers majeur en 1982 et 1983 à l’occasion de la crise économique qui frappe le Québec. Le gouvernement impose une récupération salariale et de très faibles augmentations salariales pendant trois ans. Les grèves déclenchées se terminent par la rigoureuse loi 111, forçant les enseignantes et les enseignants à retourner au travail sous peine de congédiements collectifs et de perte d’ancienneté. Ce lourd échec marque un tournant non seulement pour les employé-es de l’État, mais pour tout le mouvement syndical.

Les négociations subséquentes (1986, 1989, 1992, 1993, 1995, 1997, 1999, 2005) sont marquées par de nombreuses lois spéciales comportant des récupérations salariales, la réouverture de conventions ou leur prolongation, des gels ou de faibles hausses de rémunération. En 1986, le gouvernement s’est donné la loi 160 qui modifie le rôle du Conseil des services essentiels lui octroyant le pouvoir de déterminer l’étendue de ces services, de réagir rapidement et de prévoir de lourdes conséquences pour le non-respect des ordonnances : fortes amendes, baisse de salaire, perte d’ancienneté, suspension de la retenue syndicale, etc. Les employé-es du réseau de la santé en subissent les conséquences lors d’arrêts de travail en 1989, alors que la FIIQ est frappée en 1999. C’est une véritable camisole de force pour limiter le droit de grève.

Le déséquilibre

Depuis les années 1970, le gouvernement s’est appliqué à suivre une politique ayant pour objectif d’aligner la rémunération de l’administration publique et parapublique sur celle du secteur privé. Selon la logique gouvernementale, il appartenait aux entreprises et aux forces du marché de déterminer le niveau de rémunération de ses salarié-es ; l’État devait se contenter d’être un acteur neutre. Mais, depuis les années 1990, il se sert de son pouvoir législatif pour repousser la rémunération des salarié-es de l’État bien en dessous de celle offerte dans le secteur privé. C’est ainsi qu’en 2014, le retard de la rémunération globale (elle comprend les avantages sociaux et les congés) était de 7,6 % par rapport à celui de l’ensemble des autres salarié-es québécois et de 24,1 % par rapport aux autres salarié-es syndiqués.

Compte tenu du nombre imposant de travailleuses et de travailleurs touchés directement ou indirectement par ces négociations (20 % des salarié-es), leurs faibles augmentations influent à la baisse sur la rémunération des autres salarié-es au Québec. Depuis trente ans, elles contribuent à ce que les hausses salariales de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs ne dépassent guère l’augmentation des prix à la consommation. Le pouvoir d’achat des salarié-es n’a augmenté que de 11 % depuis plus de trente ans, du jamais-vu depuis que des statistiques sur les salaires réels moyens sont compilées.

Changer le monde pas à pas

L’année 1995 a vu naître au Québec la Marche du pain et des roses avec ses 200 kilomètres parcourus en dix jours et la mobilisation de centaines de femmes de tous horizons contre la pauvreté. Dans la foulée de cet événement, l’idée d’organiser une marche mondiale pour l’an 2000 commence à germer.

S’engager dans le nouveau siècle avec un projet aussi monumental allait placer à la une des médias la lutte des femmes, notamment contre la pauvreté. La tenue de la 4e Conférence mondiale sur les femmes à Beijing en 1995 permet également de sonder les cœurs sur l’idée d’organiser cette marche à l’échelle internationale. Pour mettre en place cet événement, diverses organisations de défense des droits des femmes s’associent pour fonder un mouvement mondial d’actions féministes.

Les 189 pays participant à la conférence adoptent une déclaration et un programme d’action qui sont des plaidoyers contre les inégalités hommes-femmes et pour l’accès des femmes et des filles aux services de santé, d’éducation et de développement économique. On connaît la suite : la marche rassembla plus de 10 000 femmes de tous les continents dans les rues de New York le 17 octobre 2000.

Cette conférence quinquennale amène les États à rendre compte des actions réalisées pour l’atteinte des objectifs. Un rapport parallèle, produit en novembre 2014 par un réseau d’ONG, de syndicats et d’expertes indépendantes, a livré un examen détaillé de la mise en œuvre, par le Canada, de politiques découlant des recommandations de Beijing. Toutefois, les récentes mesures d’austérité ont fait des ravages : un taux d’emploi réduit de 8 % dans le secteur public, un taux de pauvreté inchangé durant les dernières années, l’absence de services de garde de qualité, un taux très élevé de pauvreté chez les femmes et les familles autochtones, l’absence d’un plan d’action canadien de lutte contre les violences faites aux femmes, etc.

La 59e Commission ONU Femmes de mars 2015 démontre le long chemin à par­courir pour concrétiser les promesses du Programme d’action de Beijing. Aujourd’hui encore, « 70 % des pauvres dans le monde sont des femmes. Elles sont surreprésentées dans des emplois à faible statut professionnel, peu rémunérés, informels, à temps partiel, moins sûrs et précaires ». Un récent rapport ONU Femmes confirme que « les politiques d’austérité nuisent à la promotion et à la place des femmes dans le monde du travail » et déplore que « des millions de femmes soient reléguées à des emplois peu rémunérés et de qualité médiocre ».

Cette commission de New York a donné lieu à la participation d’une centaine de syndicalistes, dont la vice-présidente de la CSN, Véronique De Sève, à la conférence officielle et aux activités des ONG.

Finalement, ces militantes ont collaboré à l’écriture d’une déclaration syndicale sur l’accès des femmes à des emplois décents et mieux rémunérés et à la protection sociale.

La marche continue

Tous les cinq ans, à l’échelle internationale, des femmes d’un peu partout participent à la Marche mondiale des femmes (MMF). Cette année, elle se déroule sur le thème « Libérons nos corps, notre Terre, nos territoires ». Rendez-vous à la 4e action internationale pour participer avec les militantes de la CSN aux différentes actions organisées dans les régions du Québec et au rassemblement du 17 octobre à Trois-Rivières. Marchons pour celles qui ne le peuvent pas.