Le Front commun revendique de meilleurs salaires pour les femmes dans les services publics

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, une centaine de militantes du Front commun – dont 78 % des membres sont des femmes – se sont réunies devant le Secrétariat du Conseil du trésor afin de lancer un message fort au gouvernement Legault au moment même où les discussions s’amorcent à la table de négociation en ce qui concerne les augmentations de salaire pour les prochaines conventions collectives : « Nous, d’une seule voix, résistons pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail! »

Cette prise de parole publique dénonce l’appauvrissement impliqué par l’offre soumise aux femmes et aux hommes qui donnent des services à la population par la présidente du Conseil du trésor et ancienne ministre de la Condition féminine, Sonia LeBel. En effet, alors que le gouvernement prévoit une inflation de 16,6 % sur 5 ans dans sa dernière mise à jour économique, il n’offre que 9 % d’augmentations salariales pour la même période. Quand les salaires du secteur public ne suivent pas, ce sont en grande majorité des femmes qui s’appauvrissent.

« Quand on regarde les conditions dans lesquelles travaillent les femmes pour éduquer, soigner et offrir des services à la population, on doit faire le constat qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre une pleine reconnaissance en 2023. Quand on voit un gouvernement leur demander – encore une fois – de se serrer la ceinture alors que l’inflation les frappe de plein fouet, comme tout le monde, il y a de quoi s’insurger. Boucler le budget du Québec et réduire les impôts sur le dos des femmes du Front commun, ça ne passera pas! », dénoncent vivement les porte-parole du Front commun, Magali Picard, présidente de la FTQ, François Enault, premier vice-président de la CSN, Éric Gingras, président de la CSQ, et Robert Comeau, président de l’APTS.

Pour revaloriser les emplois du secteur public, le Front commun réclame un mécanisme permanent de protection contre l’inflation d’une part et, d’autre part, un enrichissement visant un rattrapage salarial général. Ainsi, il revendique 100 $ par semaine pour l’année 2023 ou l’indice des prix à la consommation (IPC) +2 % (selon la formule la plus avantageuse), l’IPC +3 % pour 2024 et, finalement, l’IPC +4 % pour 2025.

Le compte à rebours est commencé

Cette action symbolique du Front commun a lieu alors que les conventions collectives des travailleuses et des travailleurs des services publics viendront à échéance le 31 mars prochain. Pour marquer le coup, le Front commun amorce un compte à rebours sur les réseaux sociaux afin de rappeler à la présidente du Conseil du trésor que l’heure est à la négociation. Un rassemblement de militantes et militants de la CSN, de la CSQ, de la FTQ et de l’APTS se tiendra également le 30 mars prochain, à Québec, afin de faire le point sur la négociation en cours et d’échanger sur la mobilisation à venir pour le renouvellement des conventions collectives du secteur public.

« Le temps file, nos réseaux publics ont besoin d’air. Les membres du Front commun se sont prononcés sur des propositions pour mettre fin à la pénurie de main-d’œuvre en éducation, en enseignement supérieur et dans la santé et les services sociaux. Nous demandons au gouvernement d’être actif aux tables de négociation, de travailler sérieusement et d’être à l’écoute des propositions qui viennent de celles et ceux qui sont les mieux placés pour savoir de quoi nos services ont besoin », concluent les porte-parole syndicaux.

Statistiques pour mieux comprendre les enjeux de cette négociation

  • Moyenne salariale des employées et employés du secteur public membres du Front commun : 43 916 $ ;
  • Retard salarial : -11,9 % ;
  • Retard de rémunération globale : -3,9 % ;
  • Proportion de femmes parmi les membres du Front commun : 78 %.

Pour plus d’information sur la négociation en cours : https://www.frontcommun.org/.

À propos du Front commun

Ensemble, la CSN, la CSQ, la FTQ et l’APTS représentent plus de 420 000 travailleuses et travailleurs de l’État québécois dans les secteurs publics, en éducation, en santé et dans les services sociaux ainsi qu’en enseignement supérieur.

Féminisme et syndicalisme, même combat

Il y a 15 jours, à l’Assemblée nationale, le gouvernement de la CAQ refusait de débattre d’une motion portant sur la Journée internationale des droits des femmes et sur les luttes féministes québécoises. À l’initiative du Collectif 8 mars, cette motion demandait au gouvernement de tenir compte des différentes formes de discriminations que peuvent vivre les femmes avant d’élaborer de nouvelles politiques publiques. Avec raison, le Collectif, dont font entre autres partie la CSN et la FTQ, s’est désolé de cette fermeture digne d’une autre époque.

Même si des plafonds de verre sont brisés tous les jours – nous sommes pour la première fois de l’histoire deux femmes à diriger les plus grandes centrales québécoises – cela ne signifie pas que tout est rose pour les femmes dans le monde du travail et dans la société québécoise. Tout comme les luttes syndicales sont encore nécessaires, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas atteinte.

Résistances féministes
Année après année, le 8 mars est l’occasion, pour les femmes et ceux qui soutiennent leur combat, de prendre conscience à la fois des pas de géantes accomplis pour l’égalité, du long chemin qu’il reste à parcourir et des nouvelles menaces qui planent sur leurs droits. Rien ne peut être tenu pour acquis, surtout pas dans le contexte actuel où l’on observe la montée d’une droite qui remet en question les revendications féministes et la raison d’être du mouvement syndical.

Au Québec comme ailleurs, les femmes doivent se battre contre les violences qu’elles subissent, que ce soit la violence conjugale ou à caractère sexuel, les féminicides, la cyberintimidation ou encore le cyberharcèlement. Certains droits qui semblaient acquis se trouvent menacés, dont celui à l’avortement aux États-Unis. Des femmes ne peuvent travailler, faute d’accès à des services de garde éducatifs à l’enfance. Aussi, les femmes demeurent surreprésentées dans les emplois à bas salaire et à temps partiel. Elles se trouvent ainsi plus touchées par la pauvreté.

Toujours d’actualité
Plus de 25 ans après l’adoption de la Loi sur l’équité salariale, la bataille n’est toujours pas gagnée. Selon l’Institut de la statistique du Québec, les femmes ont touché 91 % de la rémunération horaire des hommes en 2021. Au rythme où vont les choses, l’égalité salariale femmes-hommes ne sera pas atteinte avant une bonne cinquantaine d’années, selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques.

Ces inégalités touchent particulièrement les femmes immigrantes et les travailleuses non syndiquées, note pour sa part le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail. Voilà qui illustre le caractère essentiel et toujours pertinent des luttes syndicales féministes, alors que de nombreux combats doivent être menés, tant aux tables de négociation que dans la rue, pour la pleine reconnaissance sociale, professionnelle et politique des femmes.

Et maintenant…
Aujourd’hui, nous demandons à la CAQ de reconnaître que les femmes peuvent être discriminées non seulement en raison de leur genre, mais aussi, par exemple, de leur origine ethnoculturelle, de leur situation de handicap, du fait qu’elles sont autochtones ou racisées, ou encore qu’elles proviennent de la communauté LGBTQ+.

C’est au nom des femmes qui militent au sein de nos organisations respectives, mais également au nom de toutes les Québécoises, que nous réclamons la fin des inégalités. Nous revendiquons du même coup la valorisation et la pleine reconnaissance des métiers occupés majoritairement par des femmes.

Femmes du Québec, soyons vigilantes, solidarisons-nous !

Caroline Senneville, présidente de la CSN
Magali Picard, présidente de la FTQ

Centres d’hébergement privés : une 14e entente à atteindre le 18 $ l’heure

Le 6 mars 2023, les membres de la section Résidence Jo-Li du Syndicat régional des CHP de Lanaudière–CSN ont adopté à 92 % une entente de principe pour le renouvellement de leur convention collective.

Leur nouvelle convention intègre tous les paramètres de la plateforme commune de la négociation coordonnée des centres d’hébergement privés (CHP), dont l’augmentation de salaire de 2,85 $ sur 3 ans, la mise en place d’un comité santé et sécurité de même que l’échéance de la convention au 31 mars 2025. La convention comporte aussi le salaire de 18 $ l’heure dès l’embauche comme le réclament la CSN et la Coalition minimum 18.

L’entente à la Résidence Jo-Li constitue la 14e de la négociation coordonnée des CHP.

Mini-hôpitaux privés – Un choix idéologique qui minera le réseau public

Le gouvernement de la CAQ annonce ce matin l’ouverture d’appels d’intérêt auprès des entreprises privées pour construire et gérer deux nouveaux mini-hôpitaux. Pour la Confédération des syndicats nationaux (CSN), il s’agit d’une décision idéologique qui fera mal au réseau public et qui ne va pas du tout dans le sens de l’intérêt des patientes et des patients.

« Ce n’est pas une addition du privé au secteur public, c’est une soustraction des ressources du secteur public qui seront dorénavant redirigées vers le secteur privé à but lucratif, dénonce la présidente CSN, Caroline Senneville. La grande majorité du personnel qui œuvrera dans ces nouveaux hôpitaux proviendra forcément du réseau public, déjà aux prises avec de sérieuses pénuries de main-d’œuvre. »

Pour la CSN, rien ne justifie qu’on ouvre davantage les soins de santé et les services sociaux au secteur privé à but lucratif. Le gouvernement se veut rassurant en promettant que les soins et les services continueront d’être pris en charge par l’assurance maladie universelle. « C’est de la poudre aux yeux, ajoute Caroline Senneville. D’une part, il faudra bien payer une marge de profit substantielle à ces entreprises, et ces coûts supplémentaires, ce sont tous les citoyens et les citoyennes qui les assumeront par leurs taxes et leurs impôts. En outre, rien ne garantit qu’un prochain gouvernement s’en tiendra à cet engagement, devant une explosion prévisible des coûts pour le trésor public. De plus, partout où le privé est présent dans le système de santé, on voit apparaître des frais accessoires et des contributions additionnelles. Cela ne doit pas nous étonner : c’est le but premier de toute entreprise privée à but lucratif de réaliser des profits. Mais la santé des Québécoises et des Québécois ne doit pas devenir une marchandise. Nous nous opposons catégoriquement à la création de nouveaux marchés privés. »

La CSN rappelle enfin les difficultés énormes que rencontre le gouvernement pour mettre un terme au coûteux recours aux agences de placement de personnel qui rend les établissements dépendants du secteur privé. Cela illustre parfaitement à quel point il est difficile de rapatrier les services au sein du secteur public après que le secteur privé s’est vu confier un rôle important dans la dispensation des soins et services.

Vraiment public
La CSN met de l’avant une foule de solutions afin d’assurer la pérennité du réseau public de la santé et des services sociaux. Pour la confédération, la clé est de décentraliser, de démocratiser et de déprivatiser les soins et les services. Pour plus d’information, visitez le csn.qc.ca/vraiment-public.

Atteintes inacceptables aux droits linguistiques de fonctionnaires fédéraux à la table de négociation

Actuellement engagé dans la négociation d’une convention collective auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, le syndicat UCCO-SACC–CSN, représentant 7 500 agentes et agents correctionnels fédéraux partout au pays, dénonce une atteinte significative, préoccupante et inédite à l’esprit de la Loi en matière de langues officielles.

En effet, depuis la création du syndicat il y a 20 ans, soit depuis les quatre dernières rondes de négociations, le gouvernement fédéral a toujours offert un service de traduction simultanée dans les deux langues officielles, le français et l’anglais. Or, en rupture totale avec cette pratique, depuis janvier 2023, le gouvernement fédéral oblige les négociateurs syndicaux à renoncer à la traduction simultanée ou à assumer 50 % des frais pour ce service, sous peine de refus de négocier.

Le gouvernement fédéral se justifie en invoquant la nécessité d’avoir recours à des traducteurs externes et mentionne au passage que de toute façon, le Commissariat aux langues officielles n’a pas le pouvoir de le forcer à fournir et à financer la traduction simultanée à la table de négociation.

Un mépris inquiétant

Le président national d’UCCO-SACC–CSN, Jeff Wilkins, dénonce un mépris aussi dangereux qu’inquiétant pour les agentes et les agents correctionnels :

« Lors des négociations, les mots comptent. Si toutes les parties à la table ne peuvent pas comprendre le contenu ou le contexte des débats, nous ne pouvons pas représenter nos membres comme il se doit. Nos membres s’attendent à ce que nous parlions en leur nom à la table de négociation, et nous ne pouvons pas le faire dans ces circonstances. Dans un monde parfait, toutes les parties seraient parfaitement bilingues, mais ce n’est pas le cas de part et d’autre à la table de négociation. Tout le monde doit comprendre ce qui se dit et cette responsabilité appartient à l’employeur, qui a le devoir de promouvoir les deux langues officielles au Canada. »

Au-delà de la seule situation des agentes et agents correctionnels, le vice-président national, Frédérick Lebeau, déplore que le gouvernement ne laisse pas le syndicat négocier de bonne foi dans la langue de son choix :

« Comme syndicat, nous représentons des membres partout au Canada, et à leur image, notre comité de négociation inclut des anglophones et des francophones. Peu importe la langue officielle qu’ils choisissent d’utiliser, ils doivent pouvoir être compris dans la langue de leur choix et comprendre ce qui est dit à la table de négociation. C’est leur droit et c’est aussi le droit des membres qu’ils représentent. Le droit de discuter, d’échanger avec notre employeur fédéral en français comme en anglais est au cœur de la démocratie canadienne. Ce n’est ni un accommodement ni une faveur qu’on nous concède, mais une obligation régulièrement réaffirmée par les plus hautes instances au pays. »

UCCO-SACC–CSN invite donc le gouvernement fédéral à prendre ses responsabilités et à fournir un service linguistique de qualité aux syndicats avec qui il négocie, comme il le fait depuis plus de 20 ans. Nous réaffirmons ainsi avec la plus grande fermeté que cette demande est nécessaire à des négociations sereines et fructueuses dans le respect de la loi, de l’histoire du Canada et des parties.

À propos

Le Syndicat des agents correctionnels du Canada (UCCO-SACC–CSN) représente plus de 7500 membres, répartis dans les cinq grandes régions du Canada: Pacifique, Prairies, Ontario, Québec et Atlantique. UCCO-SACC–CSN représente les agentes et agents correctionnels dans les 49 établissements fédéraux.

Baisses d’impôt: le gouvernement du Québec fait fausse route

Les présidentes et présidents des quatre centrales syndicales, Magali Picard (FTQ), Caroline Senneville(CSN), Éric Gingras (CSQ) et Luc Vachon (CSD), rencontrent ce matin, à 10 h 30, le ministre des Finances, Éric Girard, dans le cadre des consultations prébudgétaires.

Si 2022 devait être l’année au cours de laquelle les Québécoises et les Québécois pouvaient s’attendre à renouer avec une certaine normalité, c’est surtout le retour de l’inflation qui aura marqué leur esprit. Cette conjoncture économique teinte inévitablement les orientations budgétaires et fiscales du gouvernement, qui voit clairement un gain politique à faire en mettant de l’avant des baisses d’impôt. « Il est clair pour nous que le gouvernement fait fausse route en privant le trésor public de ressources essentielles pour soulager la pression dans les services publics, diminuer les tensions qui résultent de la pénurie de main-d’œuvre et relever les nombreux défis du Québec, notamment en matière de lutte aux changements climatiques et de développement économique. Se priver de 2 milliards de dollars dans le contexte où les services publics craquent de partout et où ils atteignent plusieurs points de rupture, c’est incompréhensible et irresponsable! », soutiennent d’emblée les leaders syndicaux.

Dans un mémoire conjoint, les centrales présentent, au total, 21 recommandations déployées autour de quatre grands axes, soit les finances publiques du Québec et la fiscalité, l’état des services publics et les difficultés qui sont vécues par les femmes et les hommes qui y œuvrent, les nombreux enjeux de développement économique et les défis actuels du marché du travail et les attentes des travailleuses et des travailleurs pour une formation qualifiante et accessible.

Le gouvernement justifie sa proposition de baisses d’impôt des particuliers par le fait qu’elles n’impliqueraient pas de compressions budgétaires, étant financées par le Fonds des générations. Or, pour les centrales syndicales, un des moyens les plus sûrs de garantir l’équité intergénérationnelle est d’investir dans le Québec de demain par un financement adéquat en santé et en services sociaux, en éducation et en enseignement supérieur, dans les services de garde éducatifs à la petite enfance et dans les infrastructures publiques, par exemple.

« L’an passé, nous avions demandé la tenue de consultations larges sur la gestion de la dette publique et sur le retour à l’équilibre. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus. Nous réitérons notre demande. Les finances publiques sont saines. Le gouvernement en a assez fait pour accélérer le remboursement de la dette, qui est sous contrôle. Il est grand temps qu’il s’attaque au réinvestissement dans les services publics, plutôt que de promettre des baisses d’impôt », soutiennent les présidences.

Les centrales syndicales soutiennent la décarbonation du Québec d’ici 2050, mais précisent que l’atteinte de cet objectif n’autorise pas le gouvernement à agir dans le désordre. Le Québec a besoin d’une stratégie de transition énergétique cohérente, claire et réfléchie. « Nous demandons au gouvernement de tenir une vaste consultation publique sur l’avenir énergétique du Québec et portant notamment sur les orientations que le gouvernement entend mettre de l’avant. Il devra mobiliser tous les groupes de la société civile pour assurer le succès de cette transition énergétique. Ici comme ailleurs, le dialogue social sera donc essentiel », insistent Magali Picard, Caroline Senneville, Éric Gingras et Luc Vachon.

Les quatre centrales syndicales rappellent aussi au gouvernement l’importance d’accroître ses efforts pour réduire la dépendance du secteur manufacturier aux importations pour ainsi maintenir et accroître la diversité du tissu économique québécois.

Finalement, elles s’accordent aussi à l’effet que les pénuries de main-d’œuvre maintiendront les pressions sur le marché du travail et que, dans ce contexte, le gouvernement doit poursuivre ses efforts pour protéger l’employabilité et la mobilité de la main-d’œuvre en lui offrant les formations adéquates.

« La Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre – appelée loi du 1 % – est plus importante que jamais. Nous exigeons qu’elle soit maintenue, malgré les pressions patronales qui s’exercent aujourd’hui. »

Consulter le mémoire de la FTQ, la CSN, la CSQ et la CSD déposé auprès du ministre des Finances en cliquant ici.

Les leaders syndicaux sont également disponibles pour commenter le mémoire et la rencontre avec le ministre.

Résistances féministes et urgences climatiques

Lettre ouverte

De génération en génération, dans la rue ou dans l’espace privé, des féministes luttent tous les jours pour faire respecter leurs droits. D’une riche diversité, alimentées par leur colère et nourries par leur sororité, elles s’unissent – ne veulent plus négocier – et ne resteront certainement pas silencieuses. L’urgence climatique fait partie des enjeux actuels qui interpellent les féministes dans la pluralité des résistances qui les animent.

De par leurs impacts environnementaux néfastes, certains projets accentuent la crise climatique et creusent les fossés entre les femmes et les hommes, ainsi qu’entre les femmes elles-mêmes. Des liens existent entre la pauvreté chez les femmes – plus grande que chez les hommes – et l’augmentation de leur vulnérabilité face aux changements climatiques, notamment les canicules.

Les catastrophes naturelles diminuent leur espérance de vie et augmentent leur stress en raison de leur statut socioéconomique, de la division genrée du travail et de leur rôle traditionnel de dispensatrices de soins. Plusieurs études de cas à l’occasion d’épisodes climatiques extrêmes ont aussi démontré une augmentation de la violence envers les femmes, notamment en milieu familial.

L’écoféminisme
Les impacts des changements climatiques sont encore plus grands sur les groupes de femmes exposées à un croisement de discriminations. Elles sont en effet plus susceptibles d’avoir une situation d’emploi précaire, de rencontrer des embûches dans l’accès aux soins de santé et aux services sociaux ainsi qu’à une alimentation saine, basée sur des produits de qualité et accessibles à proximité. Fondamentalement, il faut reconnaître l’existence de liens entre la domination sur les femmes, les peuples colonisés ou racisés et celle sur la nature. La résistance apparaît comme une évidence face au duo capitalisme-patriarcat qui prend toute la place: politique, économique, médiatique, etc. L’écoféminisme nous invite à repenser nos relations avec la Terre et sa population. Mais encore faut-il prendre conscience des changements systémiques nécessaires à implanter.

Cette analyse de l’impact des enjeux climatiques sur l’ensemble des femmes n’est malheureusement pas faite systématiquement par le gouvernement du Québec. Elle est pourtant nécessaire à la mise en place de mesures d’atténuation des inégalités à toutes les étapes d’un projet, de sa préparation à son évaluation. Nos gouvernements ont tous les outils pour mener une analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle (ADS+), mais leur volonté politique reste à prouver.

Engagement
Le gouvernement du Québec doit également respecter l’engagement pris lors de la signature de la Déclaration et du Programme d’action de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing en 1995. En refusant d’adopter une motion dans le cadre du 8 mars, l’Assemblée nationale a rejeté une occasion de reconnaître la multiplicité et la diversité des luttes féministes au Québec. Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement choisit sciemment de continuer d’ignorer les luttes féministes.

M. Legault, Mme Biron, nous vous interpellons pour que l’ADS+ soit appliquée en amont dans tous les ministères et organismes gouvernementaux.

Nous défendons les droits de toutes les femmes, ici et ailleurs. Puisque le Québec fait partie des responsables de la crise climatique, il doit assumer ses responsabilités envers les populations les plus durement touchées, dont les femmes à la croisée d’oppressions. Il est temps d’agir.

Le Collectif 8 mars est composé d’organisations syndicales et d’organisations féministes d’action communautaire autonome représentant près de 800 000 femmes, 17 tables régionales de concertation en condition féminine et plus de 450 groupes de femmes et mixtes.

Signataires

  • Marie-Andrée Gauthier, coordonnatrice générale, RTRGFQ
  • Nathalie Arguin, secrétaire générale, CSN
  • Jessica Bourque, 2e vice-présidente, SPGQ
  • Maryève Boyer, vice-présidente représentant les femmes, FTQ
  • Line Camerlain, 1re vice-présidente, CSQ
  • Karine Drolet, présidente, RTRGFQ
  • Johanie Dupras-Renaud, responsable provinciale à la condition féminine, CSD
  • Sandra Etienne, 4e vice-présidente, APTS
  • Femmes de diverses origines (FDO)
  • Fédération des femmes du Québec (FFQ)
  • Nathalie Garvin, vice-présidente condition féminine, SFPQ
  • Mélanie Hubert, présidente, FAE
  • Françoise Ramel, vice-présidente, FIQ

COVID-19 : la transmission en milieu de travail existe encore

La pandémie mondiale de la COVID-19 a bouleversé l’ensemble de la société et ses pratiques. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) s’est heureusement ajustée à cette nouvelle réalité afin de faciliter la reconnaissance de la COVID-19 comme lésion professionnelle. Par la même occasion, elle a contribué à limiter la pression sur notre système de santé.

Or, nous apprenons que la CNESST s’apprête dès le 1er mars prochain à revenir à un cadre plus conventionnel qui rendra beaucoup plus difficile la reconnaissance d’une lésion professionnelle en ce qui concerne la COVID-19. Nos organisations s’inquiètent des répercussions directes et immédiates de cette décision sur l’engorgement de notre réseau de la santé et des services sociaux.

La pandémie avait poussé la CNESST à modifier ses critères afin d’évaluer la reconnaissance des lésions professionnelles résultant de la COVID-19. En effet, l’utilisation d’un résultat positif à un test COVID faisait office d’attestation médicale et n’obligeait pas les travailleuses et les travailleurs à consulter un professionnel de la santé.

Or, la CNESST annonce désormais qu’elle changera cette pratique à compter du 1er mars 2023. Pour toutes réclamations liées à la COVID-19, elle exigera que les travailleuses et les travailleurs consultent un professionnel de la santé afin de fournir une attestation médicale.

Nous croyons fermement que prendre cette avenue est néfaste et prématuré. Le taux d’occupation de nos services d’urgence et de nos cliniques médicales n’a certainement pas besoin d’accueillir des patients supplémentaires dont la visite aura pour seul et unique but d’interpréter le résultat d’un test COVID. Tout cela au moment où les médecins lancent un appel demandant la réduction de la paperasse.[1]

On exigera des travailleuses et des travailleurs malades d’exposer le personnel de la santé afin d’obtenir une attestation médicale leur permettant de déposer un formulaire de réclamation à la CNESST. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un mélange explosif qui mettra une pression supplémentaire sur le réseau de la santé et qui poussera indéniablement les absences pour maladie à la hausse.

Par ailleurs, la décision de la CNESST se fait dans un contexte où l’on commence seulement à comprendre l’importance des conséquences du syndrome post-COVID (ou COVID longue) sur le plan des problèmes de santé et des importantes absences qu’ils peuvent entraîner.

La CNESST soutient que cette décision est basée sur la science et que la contamination à la COVID-19 se fait sur base communautaire et non dans les milieux de travail. Or, depuis plusieurs mois, nous avons demandé à plusieurs reprises à voir les études qui documentent cette décision, sans jamais les obtenir. Il est facile de douter de leur existence, puisqu’il ne se tient plus d’enquête épidémiologique systématique et qu’il y a, de toute évidence, des enfants dans les écoles, des patients dans les hôpitaux et des clients dans les commerces. Et tout ce beau monde ne crie pas à qui veut l’entendre avoir la COVID-19 lorsque c’est le cas. Dans ces circonstances, quelle est vraiment la différence entre transmission communautaire et transmission dans un contexte de travail ?

À notre avis, la CNESST a simplement décidé de revenir à une gestion en mode conventionnel sans s’assurer que les milieux de travail ne sont plus des vecteurs de transmission de la maladie.

Caroline Senneville, présidente de la CSN

Magali Picard, présidente de la FTQ

Éric Gingras, président de la CSQ

Kaven Bissonnette, vice-président de la CSD

[1] https://www.ledevoir.com/societe/779761/sante-appel-a-reduire-la-paperasse-pour-les-medecins-au-pays

 

Journée internationale des droits des femmes: la CAQ doit cesser d’avoir peur de son ombre

Le Collectif 8 mars dénonce fermement le refus de la Coalition avenir Québec (CAQ) de débattre d’une motion portant sur la Journée internationale des droits des femmes et sur les luttes féministes québécoises. La motion, qui était appuyée par tous les partis d’opposition, proposait d’encourager l’usage de l’analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle (ADS+). Cette analyse est nécessaire à la mise en place de mesures d’atténuation des inégalités à toutes les étapes d’un projet, de sa préparation à son évaluation

« Ce refus du gouvernement est incompréhensible et décevant. Le premier ministre répète sans cesse qu’il veut être jugé sur les résultats. Et pourtant, la CAQ refuse d’envisager le meilleur outil possible pour évaluer les impacts de ses politiques. Personne du gouvernement n’a même daigné venir nous expliquer leur refus de discuter de cette motion. La CAQ doit cesser d’avoir peur de son ombre et doit agir pour qu’on accepte enfin d’appliquer l’ADS+ dans tous les ministères et organismes gouvernementaux », tonne Marie-Andrée Gauthier, porte-parole du Collectif 8 mars.

« Nous sommes confrontées à l’urgence climatique, aux polarisations et aux privatisations. Nous faisons face à l’effritement des droits des femmes, à l’augmentation des violences à nos égards et à l’exacerbation des inégalités. Nous luttons contre la montée du racisme, le sexisme décomplexé et la haine assumée. C’est pourquoi le slogan Résistances féministes est apparu comme une évidence. Cette année particulièrement, il vise à donner la voix aux groupes qui ne sont pas entendus », explique Mme Gauthier.

Les représentantes du Collectif 8 mars rencontreront la ministre responsable de la Condition féminine le 16 mars prochain.

À propos
Le Collectif 8 mars est composé d’organisations syndicales et d’organisations féministes d’action communautaire autonome représentant près de 800 000 femmes, 17 tables régionales de concertation en condition féminine et plus de 450 groupes de femmes et mixtes.

Des emplois durables, oui, mais pas sans une transition juste

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) se réjouit du lancement aujourd’hui par le gouvernement fédéral du Programme pour des emplois durables, qui conjugue finalement environnement et emploi, mais se questionne sur l’absence de mesures touchant à la transition juste. En rappel, la transition juste, économique et écologique, consiste à assurer que les travailleuses et les travailleurs œuvrant dans les secteurs touchés par les changements climatiques aient une place à la table pour élaborer des solutions durables quand il est question de leur travail.

Pour la CSN, bien que les objectifs du programme soient tout à fait louables et qu’elle accueille favorablement l’approche tripartite des ministères concernés, la décision d’écarter la transition juste met en péril son succès.

« Ça fait maintenant plus de vingt ans que les syndicats parlent de la transition juste, économique et écologique. Le gouvernement Trudeau ne peut pas faire l’autruche sur ces enjeux, déplore Caroline Senneville, présidente de la CSN. Il sait très bien qu’il est primordial que les travailleuses et les travailleurs aient une place à la table pour décider de l’avenir des secteurs d’activités touchés par les bouleversements climatiques, en plus de leur offrir des formations et des garanties de revenus adéquats pour les aider à faire la transition vers de nouveaux secteurs plus écologiques. »

La confédération applaudit le programme qui vise la création de milliers d’emplois durables dans les prochaines années et qui ouvre la porte à un dialogue constructif entre les gouvernements, les employeurs, et le mouvement syndical. La CSN insiste pour que le gouvernement, dès le lancement du programme, mette en place des mesures qui impliqueront directement le personnel des secteurs visés.

« Le gouvernement Trudeau est doué pour fixer des objectifs ambitieux qui semblent bien beaux sur papier, mais il oublie souvent de nous donner les moyens de les atteindre. Il nous paraît irréaliste de promettre la création d’autant d’emplois durables sans passer par une transition juste des travailleuses et des travailleurs des secteurs qui sont affectés par les changements climatiques, » conclut la présidente.

Une rencontre constructive avec la ministre de la Famille

La vice-présidente de la CSN, Katia Lelièvre et celle de la FSSS–CSN, Lucie Longchamps, rencontraient hier la nouvelle ministre de la Famille, Suzanne Roy.

Lucie Longchamps souligne que ce type de rencontres peut avoir des effets positifs et constructifs tant pour les travailleuses des CPE que pour les responsables en services de garde éducatifs en milieu familial (RSGE). « Ce qui est important, c’est qu’on puisse faire avancer le réseau même si on n’est pas tout le temps d’accord sur tout ! ».

La rencontre était cordiale. Nous avons le sentiment que la ministre était, tout comme nous, en mode solutions. « Pour nous le modèle des services de garde au Québec est une richesse qui a permis de sortir des milliers de femmes de la pauvreté et de la dépendance économique, rappelle Katia Lelièvre. Nous avons dit à la ministre que nous souhaitions être des partenaires pour travailler à leur maintien et à leur élargissement ».

Pour la FSSS et la CSN, ce fut l’occasion de faire le point sur quelques chantiers des plus urgents. Notamment, il faut trouver des solutions pour stabiliser les services de garde régis. L’inflation a des impacts sur les coûts des opérations en CPE. Dans les RSGE, cela se fait sentir très lourdement, puisque cela a un impact direct et immédiat sur leurs revenus. C’est un appauvrissement total pour ces travailleuses qui assure la continuité alors que le réseau a déjà perdu plus de 24 000 places au cours des dernières années.

De plus, il a été question de l’éviction de 14 CPE annoncée par le Centre de services scolaires de Montréal et des mesures à mettre en place pour pallier les nombreux problèmes que cela engendre pour le personnel des CPE comme pour les tout petits et leur famille.

Lucie Longchamps a profité de l’occasion pour remettre à la ministre une copie du rapport final du Comité consultatif paritaire national portant sur les enfants en services de garde éducatifs à l’enfance et présentant des besoins de soutien particulier. Il en ressort un consensus sur l’urgence d’agir, notamment sur la charge de travail du personnel. Il faut proposer rapidement des solutions, car de nombreuses travailleuses en petite enfance vivent des surcharges de travail et de l’épuisement. Pour qu’elles continuent à offrir ces services si importants pour la population, il faut qu’elles sentent l’appui de tous, y compris de leur direction.

Par ailleurs, durant cette rencontre, nos représentantes CSN et FSSS ont eu l’occasion de revenir sur des propos récents de la ministre qui rappelaient que les dernières négociations avaient entraîné des hausses de salaire importantes. Nous tenions à rappeler à la ministre que ces sommes constituaient un rattrapage et que selon nous, il reste encore du chemin à faire pour la pleine reconnaissance de la valeur du travail dans les services de garde à l’enfance.

Enfin, elles ont abordé le problème des fiches d’assiduité qui doivent être remplies toutes les deux semaines dans les RSGE. La ministre a indiqué qu’elle était prête à se pencher sur cet aspect.

FIERS BÂTISSEURS DEPUIS 100 ANS

Réunis en congrès ces trois derniers jours à Montréal, les délégué-es membres de la CSN–Construction, affiliée à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), se sont donné l’occasion d’échanger sur l’avenir de la fédération ainsi que sur les moyens à mettre en œuvre afin de mieux rejoindre les travailleuses et les travailleurs de l’industrie de la construction.

Les congressistes ont notamment procédé à l’élection de leur comité exécutif, de leurs directeurs d’associations de métiers et d’occupations, et du comité de surveillance. Cependant, d’autres sujets ont pu être abordés, dont la modification de la loi R-20 qui régit les relations de travail entre les associations syndicales et patronales dans l’industrie de la construction. Rappelons que le gouvernement du Québec a annoncé récemment son intention de la moderniser. Le congrès a permis de mentionner haut et fort que la CSN–Construction sera extrêmement vigilante sur cette réforme. Pierre Brassard, président de la fédération, a tenu à rassurer les délégués du congrès. « Le ministre Boulet est à l’étape des consultations, mais nous ne lui laisserons pas carte blanche pour la suite. S’il y a modernisation de la loi R-20, elle ne se fera pas sur le dos de nos membres et la CSN–Construction devra obtenir des gains significatifs sur des éléments aussi essentiels que la modernisation du mode de scrutin lors des périodes légales de changement d’allégeance syndicale, une loi anti-briseur de grève et la rétroactivité des salaires. »

Par ailleurs, les membres réunis en congrès ont aussi été informés qu’un anniversaire important sera à souligner au cours du prochain mandat. Ainsi, après le 100e anniversaire de la CSN en 2021, ce sera à la CSN–Construction à célébrer ses 100 ans. La Fédération catholique des métiers du bâtiment (FCMB), ancêtre de la CSN–Construction a été fondée le 4 octobre 1924. « L’histoire de la CSN ne serait pas celle que nous connaissons s’il n’y avait pas eu l’apport indéniable de cette fédération à la fondation de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada, ancêtre de la CSN. Vous nous avez démontré hors de tout doute que vous êtes de fiers bâtisseurs », a souligné Caroline Senneville, présidente de la CSN.

Enfin, notons que le comité exécutif est composé de Pierre Brassard, réélu à la présidence, de Richard Galarneau, élu à la vice-présidence du secteur Génie civil et voirie, de Jean-Louis Simard, réélu à la vice-présidence du secteur Institutionnel et commercial et Industriel, de Félix Ferland, élu à la vice-présidence du secteur Résidentiel et de Jennie-Claude Lafontaine-Morin, élue au poste de secrétaire-trésorière de la fédération.

Fondée en 1924, par et pour les travailleuses et les travailleurs, la CSN–Construction offre à ses membres tous les outils nécessaires pour défendre et améliorer leurs conditions de travail. Présente et engagée partout au Québec, la CSN–Construction représente plus de 18 000 travailleuses et travailleurs de l’industrie.

Un pas dans le bon sens… sans grande audace

L’idéal d’un système VRAIMENT public commande l’affranchissement du réseau public de toute dépendance à l’égard de l’entreprise privée à but lucratif. La première mesure pour redevenir un employeur de choix est d’abolir les agences de personnel et de mettre fin à la concurrence qui prévaut actuellement entre les conditions du secteur public et celles des agences. En outre, il est crucial d’assurer au personnel du réseau public de bonnes conditions de travail et de rémunération pour y ramener les travailleuses et les travailleurs et retenir celles et ceux qui y sont demeurés.

La CSN aurait voulu que le gouvernement fasse preuve de plus d’audace en s’engageant dès maintenant dans un plan visant le rapatriement de l’ensemble des ressources dans le secteur public. Elle invite donc le gouvernement de la CAQ à aller plus loin pour éradiquer complètement les recours aux entreprises de placement de main-d’œuvre en santé et services sociaux.

« Pour mettre fin définitivement aux recours aux agences privées, il lui faudra travailler avec nous, les organisations syndicales, souligne la présidente de la CSN, Caroline Senneville. Redevenir un employeur de choix, comme réseau public, constitue la pierre angulaire de toute solution à long terme. Pour cela, ce que nous demandons, c’est que le gouvernement soit en mode écoute. Parce que des solutions, le personnel du réseau en a tout plein. Elles sont concrètes et réalistes, mais trop souvent ignorées. »

La CSN réitère la nécessité d’avoir un échéancier indiquant clairement les étapes pour s’affranchir complètement et définitivement de cette dépendance envers l’entreprise privée à but lucratif, parce que l’heure est grave. En définitive, il faudra voir le règlement qui sera adopté par le gouvernement pour savoir si on assiste à un véritable changement de cap.

Un problème généralisé
Le recours à des agences de placement de personnel crée aussi de l’instabilité pour les équipes de travail et nuit à la sécurité et à la qualité des soins et des services. Les agences sont dorénavant partout dans le réseau ! Dans les soins infirmiers, chez les préposé-es aux bénéficiaires, dans les services alimentaires, dans les services sociaux…  Bref, le problème touche plusieurs titres d’emplois et il a également pris beaucoup d’ampleur dans le secteur des centres d’hébergement privés ces dernières années. Là aussi, il faut agir, sinon on ne fait que déplacer le problème.

Pour la CSN, cette situation de dépendance doit alerter toute la population quant aux conséquences réelles de la privatisation en santé et services sociaux, et ce, même quand les frais sont couverts par l’assurance maladie publique. Elle entraîne inévitablement la fuite des ressources et de l’expertise du secteur public vers des entreprises à but lucratif dont l’objectif premier est de réaliser des profits. Des groupes de médecine familiale et centres médicaux spécialisés aux centres d’hébergement privés, aucun exemple de privatisation en santé et services sociaux n’a permis à l’État de payer moins cher que dans le secteur public tout en atteignant les objectifs, notamment en matière d’accessibilité.

Pour connaître les solutions mises en avant par la CSN, visitez le https://www.csn.qc.ca/vraiment-public/

Là pour rester

Le mot de la présidente

Si c’est au cours des années 1800 que le syndicalisme québécois apparaît dans l’illégalité, c’est au commencement du siècle suivant qu’il se consolide. Naît alors la première grande centrale syndicale au Québec (et au Canada), la vôtre, qui adoptera son nom définitif en 1960 : la CSN.

Pourquoi le syndicalisme ? Il y a 100 ans, les conditions de travail étaient rudes. Les ouvrières et les ouvriers, bousculés par l’industrialisation et la croissance rapide de l’économie, œuvraient souvent dans des conditions insoutenables, 14 h par jour, 6 jours semaine, afin de respecter le rythme de production des entreprises. Des enfants travaillaient en usine pour aider leur famille à survivre, des femmes aussi. Et plusieurs en mouraient. Mais les choses ont changé. La CSN s’est battue pour la journée de 8 h, pour des mesures de santé et de sécurité au travail, pour de meilleurs salaires. Et la société a évolué.

Au fil du temps, votre centrale syndicale a lutté pour des enjeux cruciaux : assurance-maladie, lois sur l’assurance automobile, sur la santé et la sécurité du travail et sur l’équité salariale, mise en place des CPE, régime québécois d’assurance parentale et plus encore. Toutes des mesures qui ont façonné le Québec d’aujourd’hui.

En toute pertinence
Il est bien connu que les syndiqué-es gagnent de meilleurs salaires que les non-syndiqué-es occupant des fonctions identiques dans une entreprise. On sait aussi que leurs avantages sociaux sont plus nombreux et les protègent mieux. Comme le disait l’ancien président de la CSN Gérard Picard, « les travailleurs, dans l’histoire, n’ont jamais reçu de cadeaux. Ce qu’ils ont, ils l’ont arraché par la force des poignets. » C’est encore la triste réalité dans la plupart des domaines.

Alors que l’inflation bat des records, que trop de gens peinent à combler leurs besoins de base, bien des patrons offrent des salaires ridicules, en pleine période de rareté de main-d’œuvre. En fait, les emplois ne sont pas rares : ce sont les bons postes qui manquent. Le secteur public a le plus grand patron du Québec, le gouvernement. Celui-ci propose des miettes pour ses centaines de milliers d’employé-es en santé et services sociaux, en éducation et en enseignement supérieur. Alors que les réseaux publics sont en pièce. Où est le respect ?

La CSN est la centrale syndicale la plus combative. Avec le grand nombre de titres d’emploi qu’elle représente, elle forme un véritable microcosme de la société. Cette pluralité syndicale est porteuse de transformations sociales, à condition de s’unir et de parler d’une seule voix. Plusieurs secteurs d’activités (culture, technologies, restauration, commerce de détail et j’en passe) ont besoin de ce moteur pour forcer le respect de l’employeur. La solidarité ne veut pas seulement dire se serrer les coudes au sein d’une même organisation : c’est le faire entre syndiqué-es de domaines différents et pour les non-syndiqué-es, qui goûtent aussi aux retombées des luttes menées par la CSN et par ses membres.

Se poser des questions et avancer
Le slogan Solidaire depuis 1921, que vous voyez en une, accompagnera maintenant le logo de la CSN et viendra ainsi positionner qui l’on est et d’où l’on vient. Avec ce numéro spécial à saveur de 100e anniversaire qui marque le retour du Point syndical, nous posons notre regard sur le passé, sur le présent et sur l’avenir. Les combats pour lesquels nous nous levons chaque matin sont multiples : système de santé vraiment public, loi anti-briseurs de grève au fédéral, préservation des services et des programmes sociaux, protection du français, santé-sécurité au travail, augmentation significative du salaire minimum, politique de développement durable et transition juste pour les personnes en emploi, politique industrielle, mesures d’inclusion en milieu de travail et lutte contre le harcèlement et programmes de formation en continu. La route syndicale ne sera jamais un long fleuve tranquille. Nous devons continuer à nous poser des questions, à faire évoluer nos pratiques et nos réflexions. Bien que le Québec ait le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord – 4 travailleurs sur 10 y sont syndiqués – il reste encore beaucoup de salarié-es à soutenir afin qu’un maximum de personnes façonnent à leur manière un monde du travail meilleur.

D’où vient le deuxième front de la CSN ?

L’économie doit être au service de la société et non l’inverse. Il s’agit là du parti pris fonda­mental contenu dans les rapports moraux de la CSN, rédigés par Marcel Pepin dans les années 1960-1970. Retour sur une pensée toujours très actuelle.

Les rapports moraux de Marcel Pepin servaient d’ouverture au congrès de la CSN ; on parle aujourd’hui de rapports du comité exécutif. Ils étaient cependant rédigés dans un autre esprit et cherchaient à prendre un pas de recul face aux luttes quotidiennes des syndicats dans leurs milieux de travail (premier front). Le 20 octobre 1968, Pepin livre aux membres de la CSN l’un des discours les plus importants de l’histoire de la confédération et du syndicalisme au Québec. Pour accompagner ce discours, il présente un document révolutionnaire pour le monde syndical, son deuxième rapport moral intitulé Le Deuxième front dans lequel il appelle les membres à mener des luttes sociales qui vont servir l’ensemble de la société. Pour celui qui fut président de la CSN de 1965 à 1976, les travailleuses et les travailleurs doivent avoir leur mot à dire dans l’économie : c’est la démocratisation du système qui lui est si chère. Comme cela ne peut se réduire à la négociation de la convention collective, il faut ouvrir le deuxième front. « La pauvreté d’une partie de notre population s’explique dans une certaine mesure par les disparités extrêmes de revenus dans une économie abandonnée au libéralisme économique », écrit-il.

Des problèmes qui persistent aujourd’hui
Déjà, en 1966, les syndicats sont pointés du doigt lorsque l’économie s’emballe. « On nous reproche d’accentuer la hausse du coût de la vie. Ce reproche peut vraisemblablement être adressé à d’autres qu’à nous, et nous allons certainement chercher à savoir dans quelle mesure ceux qui spéculent sur les prix sont responsables de la hausse exorbitante de ces derniers », constate Pepin. Pendant cette période inflationniste, il parle de « danse des profits » et, se basant sur l’analyse de l’économiste Jean-Guy Loranger, il écrit : « Il y a eu des contrecoups terribles pour ceux qui prennent l’argent à la cuillère, mais il n’y en a pas eu pour ceux qui le ramassent à la pelle. Bien au contraire. » Pepin dénonçe ainsi l’augmentation des taux d’intérêt utilisée pour freiner l’inflation, politique de subterfuge qui n’a pas eu d’effet réel sur la hausse des prix.

Marcel Pepin est également catastrophé par la pénurie de logements à Montréal et par la gourmandise des promoteurs immobiliers qui, faisant fi des besoins de la population, ne construisent que de petits logements lucratifs. Il est évident pour lui que la spéculation et le peu de terrains dont dispose la ville afin de construire des logements abordables sont responsables du problème.

L’héritage des rapports moraux
« La lutte se poursuit sur le deuxième front encore aujourd’hui, notamment avec nos batailles pour un système de santé vraiment public, pour la protection du français, pour la santé-sécurité au travail et pour l’augmentation notable du salaire minimum », souligne pour sa part la présidente de la CSN, Caroline Senneville.

En effet, plusieurs problèmes actuels font toujours écho aux propos de Marcel Pepin, alors que la société de l’époque se trouvait elle aussi en pleine période d’inflation.

Pour éviter que le contrôle de l’argent des retraites échappe complètement aux travailleuses et aux travailleurs, Pepin suggérait notamment de confier l’argent des retraites à la Caisse de dépôt. Dans cette optique, la CSN avait mis sur pied le Service de budget familial ainsi que des comités d’action politique et une presse populaire militante. Elle a de plus développé une critique articulée des idées de la classe dominante pour s’attaquer aux problèmes qui dépassent la convention collective. Certains de ces moyens sont encore très utilisés aujourd’hui alors que d’autres n’ont pas perduré. Mais une chose est sûre : tous ont eu leur pertinence pour lutter contre la recherche de profits effrénés. « Il faut continuer à s’en inspirer tout en renouvelant nos façons de lutter pour des conditions de vie meilleure », affirme Caroline Senneville.

Car pour reprendre les mots de Pepin, « lorsque le syndicalisme tend à devenir l’équivalent d’une police d’assurance plutôt qu’un instrument de réforme totale de la société, il dépérit et les vrais militants tendent à s’en désintéresser. »

La CSN au cœur de l’édification du Québec moderne

Le Québec moderne s’est construit en grande partie grâce aux luttes courageuses des travailleuses et des travailleurs. La CSN a été au cœur de plusieurs d’entre elles. Même parmi les batailles que nous avons initialement perdues, on trouve les germes d’avancées sociales considérables qui ont bénéficié à l’ensemble de la société.

Lorsque naît la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) en 1921, qui deviendra la CSN, le mouvement syndical canadien a déjà réussi quelques conquêtes par la mobilisation. Même si plusieurs syndicats internationaux sont déjà implantés au Québec, ce n’est qu’en 1872 que le gouvernement canadien décriminalise les organisations syndicales, à la suite de la grève menée par les typographes de Toronto. La CTCC vient combler un énorme vide en offrant aux travailleuses et aux travailleurs un véhicule qu’ils pourront contrôler complètement, selon leurs valeurs, et ce, dans leur langue : le français.

Ce sera d’ailleurs l’un des premiers chevaux de bataille des syndicats catholiques : faire reconnaître leur droit de gérer leurs propres affaires en français. Cette revendication peut sembler aller de soi aujourd’hui, mais il y a 100 ans, les patrons étaient habitués de donner des ordres en anglais, partout dans la province de Québec. S’ils préféraient tous ne pas avoir de syndicat du tout dans leur usine, ils demeuraient plus ouverts à l’égard de syndicats internationaux, qui fonctionnaient également en anglais.

Assemblée d’un club de consommatrices et de consommateurs // Jean-Claude Champagne

Lorsqu’ils exercent une grève de six mois, en 1962, les travailleuses et les travailleurs de la Shawinigan Chemicals ne se doutent pas à quel point leur lutte va marquer l’ensemble du Québec. Ils obtiennent notamment la préséance du texte français de la convention collective, l’introduction de la notion de droit de refus et la prise en main par le syndicat des assurances collectives, en collaboration avec la compagnie d’assurance.

Pour soutenir les grévistes et leur famille, la CSN dépêche une équipe de conseillers qui mettront sur pied un bureau de soutien économique et budgétaire. C’était la première des associations coopérative d’économie familiale (ACEF) qui se multiplieront partout au Québec et qui constitueront le mouvement phare de la défense des droits des consommateurs. Cela faisait déjà plusieurs années que la CTCC, et notamment les conseils centraux, s’appropriaient les questions de finances familiales, des dettes et du crédit.

De nombreuses autres avancées sociales se sont d’abord matérialisées dans les conventions collectives avant de s’imposer à l’ensemble de la société : pensons à la santé et la sécurité au travail, aux congés de maternité et aux congés parentaux, ou encore à la reconnaissance des conjoints de même sexe. La mise en place du premier régime d’assurance-chômage est également issue des luttes syndicales menées au début des années 30. Bien que la CTCC n’ait pas été aux premières loges de cette lutte à l’époque, la CSN a régulièrement mené la charge pour protéger et améliorer le régime. En 2013, pour s’opposer à la réforme des conservateurs de Stephen Harper, la CSN a assumé le leadership dans la formation d’une vaste coalition rassemblant non seulement les organisations syndicales, mais également de nombreux partenaires de divers milieux afin de former un mouvement d’opposition très large.

Dès ses débuts, la CTCC se démarque en offrant un véhicule démocratique à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs, notamment dans les emplois peu qualifiés. C’est ainsi que malgré un discours d’exclusion à l’égard des femmes enraciné dans la doctrine catholique, la CTCC verra naître la première grève menée par des femmes, les allumettières de Hull, dont l’une des revendications consistait à voir les postes de contremaître être occupés par des femmes. La place des femmes dans l’organisation ne cessera de grandir, alors que la CTCC organise de plus en plus de milieux féminins, notamment dans les hôpitaux.

Pivot régional
Dans les régions du Québec, le fer de lance du mouvement sera sans contredit les conseils centraux. Modèle unique en Amérique, ces conseils autonomes regroupent tous les syndicats CSN d’une région donnée, qui sont appelés à s’y affilier.

Professeur agrégé de science politique au département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais, responsable de l’équipe de recherche travail et société, Thomas Collombat s’est intéressé de près au rôle des instances syndicales régionales, en particulier les conseils centraux de la CSN. « Les conseils centraux sont l’espace par excellence pour développer une solidarité entre les syndicats de divers secteurs et pour faire prendre conscience aux travailleuses et aux travailleurs qu’ils ont beaucoup d’intérêts en commun. Les organisations, surtout dans les régions, sont au cœur des solidarités parce que finalement, elles incarnent la CSN dans les régions. C’est par l’action du conseil central que les syndicats arrivent à élargir leurs luttes. Avec le temps, les conseils centraux sont devenus de véritables pivots non seulement pour les syndicats affiliés, mais également auprès de toutes sortes d’interlocuteurs de la région. »

Thomas Collombat, professeur agrégé de science politique au département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais. // Étienne Ranger

Le chercheur précise qu’il n’est pas rare, dans les régions, de voir le conseil central de la CSN prendre les devants dans la formation de coalitions à l’occasion de mobilisations larges réunissant les groupes de femmes, les conseils régionaux de l’environnement, parfois aussi des organismes autochtones, en droit du logement, des organisations étudiantes, ou encore des tables communautaires et du secteur de l’économie sociale. La présence en permanence de conseillères et de conseillers ainsi que de représentantes et de représentants élus qui côtoient au quotidien tous les syndicats de la région y est pour beaucoup.

Thomas Collombat a assisté aux congrès de trois conseils centraux en 2019. Il a constaté qu’ils peuvent effectivement s’avérer d’extraordinaires creusets de solidarité entre les syndicats. « Les moments où les délégué-es sont les plus engagés, c’est lorsqu’on les amène à discuter entre eux. Qu’ils viennent de la SAQ, des services de garde, des mines, de la construction ou du secteur public, ils partagent souvent des préoccupations semblables tout en y apportant leur perspective et leur lecture des événements, ce qui permet à chacun de s’approprier ces enjeux. »

Le chercheur insiste : le rôle des conseils centraux est primordial. « Dans le modèle nord-américain, l’idée d’avoir une structure financée par des cotisations syndicales qui ne vise pas seulement la négociation sera toujours remise en cause, notamment par la droite. C’est pourtant un atout fondamental. Quand on regarde l’héritage de Michel Chartrand au Conseil central du Montréal métropolitain–CSN, par exemple, tout le travail en santé et sécurité, la défense des travailleuses et travailleurs accidentés, l’Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM), ça n’aurait pas pu voir le jour sans une structure comme celle-là qui permet de rassembler les forces. Encore aujourd’hui, devant des enjeux de discrimination et de racisme, le conseil central est un endroit où on peut se pencher rapidement sur de tels enjeux et développer des réponses collectives. Puis évidemment, ça peut remonter ensuite dans l’organisation. »

De la santé à la transition juste

En luttant pour leur santé, les travailleurs de l’amiante ne se doutaient pas que leur préoccupation était annonciatrice des luttes actuelles sur les droits du travail et de la justice climatique. Plus contemporain, le combat des travailleurs sylvicoles pour de meilleures conditions de travail concerne aussi la question de la transition juste. Fenêtre ouverte sur l’évolution des revendications de la CSN en matière d’environnement.

La grève de l’amiante de 1949 a marqué l’his­toire de la CSN et du syndicalisme au Québec. Les images de la résistance acharnée des mineurs, de l’intransigeance des patrons, de la violence inouïe du gouvernement Duplessis ainsi que des confrontations avec les forces de l’ordre et les scabs se sont imprégnées dans l’imaginaire collectif. Oui, ces travailleurs luttaient surtout pour de meilleurs salaires, mais ils revendiquaient aussi des mesures pour limiter la poussière d’amiante qui les rendaient malades.

« Les décès liés à l’exposition à l’amiante sont très pénibles, » explique Anne Lagacé Dowson, journaliste et militante syndicale détenant une maîtrise en histoire du syndicalisme. « Avant la grève de l’amiante, il était inconcevable de négocier des dispositions pour protéger la santé des travailleurs. Ces luttes ont permis aux syndicats de faire le lien entre l’environnement et la santé de leurs membres. »

Les mineurs ont attendu près de vingt ans avant d’obtenir des gains concernant les dangers environnementaux rattachés à leur travail. En 1975, une étude révèle que 61 % d’entre eux souffrent d’amiantose. L’amiante n’est pas seulement dommageable pour les travailleurs, elle l’est également pour la population de la région. La grève est déclenchée et servira d’élé­­ment catalyseur à la création de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi qu’aux mouvements citoyens pour l’environnement.

L’avenir est en jeu
Les dangers posés par les contaminants toxi­ques dans les milieux de travail continuent d’être un enjeu d’envergure pour le mouvement syndical, tel qu’illustré par les débats autour de la Fonderie Horne. Sans l’ombre d’un doute, la lutte pour une transition juste occupera aussi une place importante dans les priorités du mouvement au cours du prochain siècle. En effet, le chaos climatique imposera des changements importants dans divers secteurs d’emplois. En ce sens, les travailleuses et les travailleurs doivent être à la table pour contribuer à la sortie de crise.

Et la sylviculture ?
Au Québec, peu de secteurs sont aussi touchés par les bouleversements climatiques que celui de la sylviculture. Pourtant, la forêt a un rôle primordial à jouer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est la raison pour laquelle les gouvernements souhaitent planter une énorme quantité d’arbres au cours des prochaines années. En 2019, Justin Trudeau visait 2 milliards d’arbres de plus au Canada d’ici 2030. Or, en 2021, moins de 0,5 % de la cible était atteinte.

Les canicules ne sont pas le seul obstacle auquel les travailleurs sylvicoles sont confrontés. La relève n’est pas au rendez-vous en raison de la dévalorisation de leur métier et des piètres conditions de travail. Cette lutte pour de meilleures conditions ne date d’ailleurs pas d’hier. Dans une lettre datée de 1948, Mgr Labrie, évêque du diocèse du Golfe Saint-Laurent, déplorait déjà la destruction des forêts et le mépris de la profession de bûcheron. En réponse à ces enjeux, il recommandait « des programmes scolaires pour favoriser la conservation des ressources grâce aux méthodes de sylviculture et une reconnaissance professionnelle des bûcherons ». Cette proposition fut reprise par le congrès de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (ancêtre de la CSN).

Serge Desrosiers, président du Syndicat national de la sylviculture–CSN, conclut : « C’est nous, les travailleurs sur le terrain, qui comprenons les problèmes et qui avons des solutions à apporter. Mais ça fait des décennies que les décideurs n’écoutent que les employeurs. Et on s’étonne que personne ne souhaite faire ce métier ? C’est pour ça qu’il nous faut une transition juste : pour qu’on ait une place à la table afin de discuter de l’avenir de nos jobs. On ne le dira jamais assez : rien sur nous, sans nous.

Des avancées spectaculaires malgré les embûches

Les négociations dans le secteur public et parapublic voient le jour au début des années 1960. Alors que la ronde actuelle sur le renouvellement des conventions collectives est bien entamée, Le Point syndical propose un retour sur l’évolution de ces négociations toutes particulières.

Avant la Révolution tranquille, la plupart des syndicats des hôpitaux et des écoles négocient leurs conditions de manière dispersée. Comme la répression est féroce – on se rappellera ici du règne de Maurice Dupessis – des conflits de travail éclosent ici et là. En 1962 est créé le Car­re­four syndical de la fonction publique, appelé à représenter quelque 135 000 salarié-es au fil du temps. Ancêtre du Front commun, ce carrefour facilite l’adoption du Code du travail en 1964.

Avant le front
Les négociations de 1966 et de 1969 ont posé les pierres d’assise des conventions collectives actuelles. C’est à ce moment que le gouvernement prend plus de place dans la négociation et se positionne comme État employeur. En santé, le droit de supplantation et des augmentations de salaire de 15 à 20 % sur deux ans sont notamment obtenus non sans une lutte importante, puisque les pourparlers durent 14 mois, avec grève générale en prime.

Naissance du Front commun et grèves générales 1970
Alors que l’État s’organise, la CSN, la FTQ et la CEQ se rencontrent à l’initiative de la CSN et mettent sur pied le Front commun, qui développe ses revendications sous fond de crise d’octobre. Devant la lenteur des négociations, le Front commun déclenche une grève générale à la fin mars, puis une autre en avril 1972. Un peu partout, des grèves spontanées éclatent pour appuyer les employé-es du secteur public. L’ampleur de la révolte est telle que le gouvernement libéral de Robert Bourassa impose une loi spéciale décrétant un retour au travail immédiat et interdit le recours temporaire à la grève. Les présidents Pepin (CSN), Laberge (FTQ) et Charbonneau (CEQ) invitent les grévistes à respecter le décret, mais le fait d’avoir défié les injonctions précédant la loi leur méritera des accusations pour outrage au tribunal. Les chefs de même que plusieurs dirigeants syndicaux feront deux séjours en prison.

Rassemblement du Front commun au Forum de Montréal, mars 1972.

Ces péripéties n’auront pas été vaines : à l’automne 1972, les syndiqué-es obtiennent notamment le salaire de 100 $ minimum par semaine (une hausse de 30 %), la création du régime de retraite de la fonction publique, des augmentations salariales et une clause d’indexation au coût de la vie. Marc Comby, archiviste de la CSN, précise toutefois : « Le Front commun de 1972 a marqué l’imaginaire, mais les gains les plus importants ne se sont pas faits lors de cette ronde. Marcel Pepin, qui était un étapiste, comprenait que tout ne pouvait pas être obtenu sur-le-champ. Il avait raison, puisque les rondes suivantes ont permis aux membres de faire des gains historiques. »

En effet, même si les syndiqué-es se sont heurtés à un lock-out et à une autre loi spéciale, les gains de la ronde de 1975-1976 ont été immenses : obtention de 165 $ par semaine, 48,84 % d’augmentation sur 4 ans, ajustements automatiques liés à l’inflation, congé de maternité sans solde de 17 semaines, un mois de vacances, assurance-salaire en cas d’invalidité… Quand même !

Des reculs et des gains
Front commun de 1981-82. Le gouvernement de René Lévesque fait subir aux syndiqué-es les contrecoups de trois lois spéciales très dures. Évoquant la crise économique majeure, il impose un recul salarial de 20 % à plusieurs titres d’emploi et décrète les conditions de travail jusqu’en décembre 1985. Une véritable douche froide après l’euphorie entourant la réélection du Parti Québécois. « Des syndiqué-es de la CSN ont déchiré leur carte de membre du parti », évoque Marc Comby.

Malgré toutes ces lois spéciales, bien d’autres gains ont été réalisés de 1980 à aujourd’hui : cinq semaines de vacances, congé de maternité payé et autres droits parentaux, programme d’accès à l’égalité pour les femmes, clause pour contrer la précarité, règlement sur l’équité salariale, reconnaissance de l’enseignement collégial et attention particulière aux bas salarié-es. « On peut dire chapeau au Front commun ! », souligne l’archiviste.

Tout le monde y gagne
Dès les années 1960, la CSN souhaitait que la négociation du secteur public serve de locomotive à l’ensemble de la société en tirant vers le haut les conditions de travail et les salaires du secteur privé. « Des gains du secteur public comme les salaires d’entrée plus élevés pour l’ensemble des gens et la bonification des droits parentaux ont servi de référence pour le marché du travail de façon générale », explique Philippe Morin, conseiller syndical au Comité de coordination des secteurs publics et parapublics de la CSN.

Manifestation du Front commun, Québec, 2022.

Cinquante ans après le premier Front commun, la CSN, la CSQ, la FTQ et l’APTS ont choisi de négocier de manière regroupée pour la ronde 2023. « Notre slogan Nous d’une seule voix se veut un clin d’œil au slogan Nous le monde ordinaire de 1972. Car même si le contexte change, l’union des forces dans le secteur public, elle, est bien enracinée », conclut François Enault, premier vice-président de la CSN et responsable de la négociation du secteur public.

L’histoire de la CSN–Construction est intimement liée à celle de la CSN

La FCMB est donc créée par des unions de métiers de Montréal, de Hull et de Trois-Rivières, qui rassemblent des menuisiers, des plombiers, des ferblantiers, des peintres, des charpentiers, des briqueteurs et des journaliers. Se joindront par la suite des unions de Québec, de Sherbrooke et d’autres régions. « Toutes ces organisations contribueront vivement à l’émergence de la CSN en joignant les rangs de la FCMB », souligne l’archiviste de la CSN, Marc Comby.

Fait intéressant à noter, dès le 3 novembre 1924, moins d’un mois après sa création, les délégués du bureau fédéral de la Fédération catholique des métiers du bâtiment dénoncent la compagnie Eddy Match de Hull et soutiennent la lutte des allumettières, qui deviendra historique.

L’ADN des luttes
« Avant même que la FCMB ne soit fondée, la question de la santé et de la sécurité sur les chantiers est au centre des préoccupations des unions », rappelle Marc Comby. Dès le 18 décembre 1925, le comité exécutif de la fédération propose la création d’une police d’assurance décès de 300 $ et d’une police d’assurance maladie de 5 $ par semaine, durant 10 semaines.

Lors du second congrès, des résolutions sont déposées afin de prévenir la transmission de maladies contagieuses sur les chantiers, de revoir la couverture de la loi des accidents de travail afin de prévoir une compensation financière dès le premier jour d’un événement et de demander au gouvernement provincial une inspection sanitaire obligatoire des installations de plomberie dans les villes de plus de 20 000 habitants. « Ces résolutions témoignaient déjà de l’engagement militant et social, qui était solidairement ancré dans les communautés des membres de la fédération », fait remarquer Pierre Brassard, président de la CSN–Construction.

Le 8 septembre 1929, les membres de la FCMB décident en congrès de mandater la fédération pour qu’elle voit avec le gouvernement à la mise en place d’un bureau préventif des accidents. Le vice-président de la CSN–Construction, Félix Ferland, rappelle que tout au long de son histoire et de concert avec la CSN, la fédération a milité pour que la prévention soit priorisée sur tous les chantiers du Québec. « Avec la récente loi 27, l’enjeu de la santé-sécurité au travail (SST) demeure au cœur des préoccupations sur les chantiers québécois », ajoute-t-il.

Autres luttes
La question des disparités salariales entre les grandes villes et les régions du Québec pousse la FCMB et la CTCC à militer dès 1934 en faveur de la Loi sur les décrets de con­ven­tion collective qui rendra uniformes les conditions de travail dans plusieurs secteurs économiques, dont celui de la construction. Au début des années 1970, les travailleurs de la construction obtiennent la parité salariale. « Un clou de six pouces planté à Gaspé a autant de valeur qu’un clou planté à Montréal », disait un slogan de la CSN.

Au début des années 1960, les luttes pour la réduction du temps de travail font passer la semaine normale de travail de 54 à 44 heures en moyenne dans plusieurs régions et même à 40 heures à Montréal. Dès 1970, la reconnaissance de l’ancienneté par employeur et par région devient un autre cheval de bataille défendu par la fédération. Cette revendication demeure non réglée aujourd’hui – les employeurs ayant toujours combattu toute avancée à ce sujet – et sera au centre de plusieurs négociations en alliance syndicale.

Placement syndical
Puisque le placement faisait partie de la dynamique de la construction dès les années 1920, la défense de la sécurité d’emploi deviendra rapidement un enjeu majeur pour la CSN–Construction. Or, le placement syndical, dont le monopole sur les chantiers avait été donné aux organisations syndicales, est une lame à double tranchant qui menace justement la sécurité d’emploi.

Plusieurs propositions furent mises de l’avant par la CSN–Construction dans le but de régler ce problème en confiant le placement sur les chantiers à un organisme paragouvernemental indépendant, la Commission de la construction du Québec, par exemple. « L’argument central demeurait toujours le même : dans la mesure où le placement ne serait plus un enjeu de division syndicale, les organisations pourraient enfin se consacrer à leur rôle fondamental, soit celui de faire respecter les droits des travailleuses et des travailleurs », explique Pierre Brassard.

Rendez-vous avec son histoire
Au moment d’écrire ces lignes, la CSN–Construction prépare son 69e congrès qui marquera aussi le lancement de son 100e anniver­saire. Longue vie à la CSN–Construction !

Donner une voix à la diversité

De la catholique et « canadienne française » Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) à la plus moderne Confédération des syndicats nationaux (CSN), l’organisation s’est ouverte à la diversité culturelle, nationale, sexuelle et de genre.

Dans les années 20, le clergé est fermé à l’immigration de confession non catholique, qu’elle soit francophone ou anglophone. Les décennies qui suivent sont marquées par une plus grande ouverture de la CTCC. Les dirigeants voient bien qu’il s’agit d’une question de survie et que plane le risque de perdre notamment la grande région de Montréal.

Entre le 1er décembre 1951 et le 1er octobre 1952, le service des immigrants de la CTCC accueille dans ses bureaux de Montréal environ 6 000 immigrantes et immigrants à qui l’on fournit des renseignements, des lettres de recommandation, voire une aide financière et des emplois. « Un tel effort d’assistance a valu à la CTCC de nombreuses adhésions de ces Néo-Canadiens », peut-on lire dans Le travail en 1952.

Toujours de son temps
À la fin des années 80, la majorité des travailleuses et des travailleurs immigrants touchent encore un salaire qui ne correspond pas à leur formation et sont victimes de pratiques discriminatoires au travail. En 2019, la CSN adopte la Déclaration contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie. Cette année coïncide avec l’arrivée de Ramatoulaye Diallo à la trésorerie du Conseil central du Montréal métropolitain–CSN. L’implication syndicale de la femme originaire de la Guinée remonte à 2007, après qu’elle se soit fait « passer un sapin » en devant travailler à Noël et au Jour de l’An. Cet horaire contrevenait à sa convention collective, qui prévoyait une seule journée de travail lors de ces deux jours fériés. « Les immigrants cumulent souvent les emplois et n’ont pas le temps de s’impliquer », souligne-t-elle. « Des outils sont de plus en plus créés pour faciliter leur intégration sociale et leur inclusion syndicale. Il faut éviter qu’il y ait deux catégories de travailleurs ! » Cette préoccupation est croissante dans les syndicats CSN, alors que le marché du travail favorise la précarité et l’inégalité des droits des personnes immigrantes en faisant appel au programme de travailleuses et de travailleurs étrangers temporaires plutôt qu’à l’immigration permanente.

Femme de chambre lors d’une manifestation dans l’hôtellerie, dans les années 1980.

Dès 1993, le président de la CSN de l’époque, Gérald Larose, ainsi que Romeo Saganash, alors grand chef adjoint du Grand Conseil des Cris de la Baie James, dirigent le Forum paritaire québécois-autochtones dans le but d’établir un nouveau contrat social entre les deux peuples. Au début des années 2000, des ententes sont signées entre la CSN et des groupes de défense des droits des autochtones. « Ces initiatives ont permis de développer la solidarité au niveau local », résume la directrice générale de l’Observatoire québécois des inégalités, Nathalie Guay, qui a œuvré à la CSN comme conseillère à la recherche et adjointe au comité exécutif.

La CSN a aussi joué un rôle actif dans l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par le Canada et le Québec.

Fierté syndicale
Tout au long de son existence, la CSN a multiplié les tribunes pour faire valoir les droits des gais et des lesbiennes. Line Chamberland a fait partie des toutes premières luttes en ce domaine. En 1988, la professeure du cégep Maisonneuve prend part à la fondation du premier groupe gais et lesbiennes de la CSN. Le comité se voit ainsi confier un mandat d’enquête pour mettre en lumière la réalité des gais et des lesbiennes. « À cette époque, juste aller aux rencontres du comité, c’était un coming-out. On voulait sortir du silence, briser le tabou », se rappelle Mme Chamberland.

Fierté Montréal, août 2019. // Laurence Philemon

L’enquête du comité révèle des faits troublants. Outre les moqueries et les paroles dénigrantes dont ces personnes sont fréquemment la cible, plusieurs gais et lesbiennes sont victimes de congédiements, de refus d’embauche ou de mesures disciplinaires pour des raisons fallacieuses. L’absence de reconnaissance des conjointes et conjoints de même sexe mène à de tristes injustices. Des gens se voient refuser une journée de congé pour assister aux funérailles de leur conjoint. D’autres perdent même la garde de leurs enfants.

En 1988, le Front commun arrache la reconnaissance des conjoints de même sexe dans la fonction publique. Or, la discrimination, la violence et le harcèlement règnent toujours dans certains milieux.

En outre, toutes les communautés, qu’elles soient gaie, lesbienne, bi, trans ou non-binaire, vivent leur lot de difficultés. Les revendications prennent donc de nouvelles formes et encore bien des batailles restent à mener. « Des aménagements tels que des congés de paternité pour les deux pères d’un couple ou des congés médicaux pour les gens qui font une transition de genre pourraient être mis en place », précise l’ex-titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’Université du Québec à Montréal.