La transition quand la crise éclate

Les membres du Syndicat des travailleurs de la Mine Noranda (STMN–CSN) ne l’ont pas eu facile ces dernières années, la question environnementale s’étant invitée à leur fonderie à vitesse grand V avec la crise de l’arsenic.

« Ça nous est tombé dessus dans les médias, comme tout le monde », explique Jérémie Dickey, vice-président du syndicat. L’histoire a commencé avec le groupe Mères au front, vers 2019. « Le fameux test de détection de l’arsenic par les ongles a fait capoter tout le monde », se souvient le vice-président. Un taux d’arsenic anormal est trouvé chez les personnes, dont des enfants, qui habitent près de la fonderie de Rouyn-Noranda.

Une mobilisation citoyenne s’organise. « C’est parti en vrille », raconte Jérémie en se souvenant que certains employé-es se faisaient même traiter de tueurs d’enfants à l’épicerie ! Des gens ont d’ailleurs quitté leur emploi en pensant que l’entreprise allait fermer. D’autres restaient, non sans stress.

« Au début, la distinction ne se faisait pas entre les travailleurs et les investisseurs sur la responsabilité de chacun », soutient-il. On a fait connaître le combat du syndicat, notamment devant le Tribunal administratif du travail, pour faire diminuer les poussières et le risque », rappelle-t-il en précisant que la présence d’arsenic dans l’air est passée de 1000 nanogrammes vers l’an 2000 à 48 nanogrammes en 2023.

Notons qu’au moment de publier, Radio-Canada rapportait que le projet Aeris de Glencore pour réduire l’arsenic risquait d’être abandonné. Des mesures de réduction des émissions seraient proposées pour économiser, en raison de la concurrence des fonderies chinoises à bas prix.

Malgré tout, la crise a permis de faire avancer le dossier environnemental. « L’amélioration des mesures de santé et de sécurité à la fonderie, ça règle des problèmes en ville », résume Jérémie. Des progrès ont aussi été réalisés en « se servant des médias pour se faire entendre auprès de la population et pour inciter l’employeur à passer plus vite à l’action ».

« On voit qu’on peut faire du judo avec une crise en se servant de la force du débat public en environnement pour faire progresser nos usines et assurer leur avenir », conclut Kevin Gagnon, président de la Fédération de l’industrie manufacturière–CSN.

Produits Deschamps en mode congédiement

En banlieue de Montréal, l’entrepôt Produits Deschamps a l’air assez banal. Ici, pas d’enseigne clinquante ou d’activité animée, tout crie : « Rien à signaler, continuez votre chemin. »

L’entrepôt se spécialise dans l’importation et la distribution de produits alimentaires latino-américains, loin des regards du grand public. Ses clients sont des restaurants ou des boutiques spécialisées comme Sabor latino, à Montréal.

Si l’entrepôt est d’apparence banale, l’histoire de ses travailleuses et de ses travailleurs l’est moins. La majorité d’entre eux appartient à la même communauté colombienne et fréquente la même église, à Greenfield Park. C’est sur le pavé de cette église que la famille, propriétaire de l’entrepôt, recrute son personnel.

« On nous présentait cet emploi comme une première opportunité de travail au Québec ; pas l’emploi du siècle, mais un travail honnête qui allait nous permettre d’acquérir un peu d’expérience », explique un travailleur qui a préféré conserver l’anonymat.

Sur le plancher de l’entrepôt, le travail s’avère difficile. Le salaire est maigre et l’employeur semble profiter de la méconnaissance que les employé-es ont des normes du travail en vigueur au Québec pour les ignorer systématiquement.

« Ça donnait l’impression qu’on était censés tolérer ces conditions de travail parce que nous sommes des immigrants. C’est pour ça qu’on a décidé de se syndiquer », ajoute le travailleur.

Après une campagne éclair de syndicalisation, le syndicat est rapidement accrédité à la mi-mai 2024. La victoire est cependant de courte durée, puisqu’un délégué syndical est renvoyé, le 7 mai, avant même que le nouveau syndicat amorce la négociation de sa première convention collective. Quelques jours plus tard, un autre travailleur est remercié. Avec la régularité d’un métronome, en quelques mois, ils seront presque tous mis à la porte et remplacés par des travailleurs d’agence non syndiqués.

Des mesures judiciaires ont été entamées par la CSN pour défendre les travailleurs injustement renvoyés ; l’audience au Tribunal administratif du travail est fixée au 13 décembre 2024. La demande du syndicat est claire : les travailleurs concernés doivent être réembauchés et veulent des conditions de travail dignes. D’ici là, la syndicalisation chez Produits Deschamps nous rappelle que les travailleuses et les travailleurs issus de l’immigration ont toujours fait partie de la classe ouvrière québécoise et que leur lutte est aussi celle des 330 000 membres de la CSN.

20$ l’heure, ça change pas le monde, sauf que…

De 2021 jusqu’à tout récemment, la CSN invitait ses syndicats à revendiquer un salaire plancher d’au moins 18 $ l’heure lorsqu’ils négocient le renouvellement de leur convention collective. L’objectif de 18 $ l’heure vient d’être actualisé à 20 $ par la confédération.

La campagne du 20 $ l’heure rallie un nom­bre important de syndicats autour d’une cible salariale commune et s’avère un puissant outil de mobilisation. La CSN a recensé toutes ses conventions qui prenaient fin en 2022, 2023 et 2024 et a développé des plans d’action avec les syndicats et les équipes de négociation pour atteindre cette cible salariale. Et le taux de réussite est de 78 % !

« Se battre pour qu’il n’y ait plus de salaire en bas de 20 $ l’heure dans nos conventions collectives, ça permet d’améliorer concrètement les conditions de vie des travailleuses et des travailleurs. Plus globalement, ça permet aussi d’influencer le calcul du salaire minimum au Québec », explique François Enault, 1er vice-président de la CSN et responsable politique des négociations.

Car la politique gouvernementale sur la question veut que le salaire minimum corresponde à environ 50 % du salaire moyen au Québec. « Avec nos syndicats et notre tir groupé autour d’une cible claire, on pourra hausser le salaire moyen et par la bande, le salaire minimum au Québec », continue le vice-président.

À l’abattoir de volailles Charron en Outaouais, très récemment, le syndicat a négocié une hausse de 11 % avec un salaire d’entrée de 20 $ l’heure dès la première année, alors qu’il s’établissait auparavant à 18 $ l’heure. « Le travail à l’abattoir n’est pas facile. Il n’y a rien d’automatisé, c’est très dur sur le corps. Avec 18 $, on était en dessous du salaire d’entrée des autres abattoirs, comme Olymel. On avait donc des problèmes de rétention et d’attraction », raconte Cédric Richer, trésorier du syndicat et membre du comité de négociation.

Au début de la négociation, l’employeur ne comprenait pas que l’ensemble des salarié-es soient autant derrière leur comité de négociation. « Lorsque nous sommes sortis d’une rencontre de négociation et que nous avons lancé le mot d’ordre de porter une casquette le lendemain, tout le monde l’a fait. L’employeur a vite compris qu’il ne négociait pas seulement avec quatre personnes, mais bien avec tous ses employé-es. Après, les choses ont déboulé rapidement. Mais ce qu’on retient, c’est que c’est en restant unis et soudés que nous avons réussi à l’obtenir, le 20 $ l’heure », conclut M. Richer.

Quand Amazon veut faire peur au monde

Voilà bientôt trois ans que des employé-es d’Amazon ont approché la CSN afin de se syndiquer. Or, seul l’entrepôt DXT4 à Laval est aujourd’hui syndiqué. Les pratiques antisyndicales d’Amazon semblent bien y être pour quelque chose.

À YUL2, premier entrepôt d’Amazon où les employé-es ont tenté de se syndiquer, la multinationale a multiplié les pratiques déloyales pour bloquer la campagne de syndicalisation. Du jour au lendemain, des Amazonians – des cadres de Toronto, de Vancouver et de Chicago – sont venus questionner les employé-es, autant sur la façon dont ils voyaient leur avenir au sein de la compagnie que sur la présence d’organisateurs syndicaux. En offrant les croissants, bien sûr.

Les affiches se sont multipliées à la cafétéria, aux toilettes et dans les aires de repos. Des messages de l’employeur clairement anti­syndicaux y étaient inscrits : « Protégez votre signature, une carte syndicale est un docu­ment juridique », ou encore : « Vous n’avez pas à fournir vos renseignements personnels », avec images d’empreintes digitales à l’appui. « Vous avez le droit de ne pas signer une carte », pouvait-on aussi lire. On voulait faire peur aux employé-es, dont plusieurs sont issus de l’immigration.

Après une poursuite de la CSN en juillet dernier, Amazon a été sommée de cesser d’entraver les activités syndicales et condamnée à verser 30 000 $ au syndicat à titre de dommages moraux et punitifs.

 

À DXT4 aussi

À DXT4, le lundi suivant le dépôt de la requête en accréditation de l’entrepôt, Amazon ressort ses Amazonians et des messages identiques à ceux de YUL2.

Si le syndicat est bien accrédité en mai, Amazon multiplie les tactiques déloyales. En anglais, en français, en arabe et en punjabi, des messages antisyndicaux sont envoyés et lus à voix haute à tous les employé-es. « Nous prévoyons faire appel de cette décision. Il est important que les associés fassent entendre leur voix. Nous tenons à un processus électoral équitable, à ce que les lois respectent le droit de chaque individu d’être entendu, et au droit de décider de ce qui convient à nos employé-es de DXT4 », publie la direction dans l’application AtoZ destinée aux employé-es.

La CSN et le syndicat en place ont déposé une plainte en vertu des articles 12 et 15 du Code du travail. Ces articles concernent les entraves aux activités syndicales et les représailles envers des membres qui en auraient exercé. La première journée d’audience a eu lieu le 25 octobre.

Quant au processus électoral équitable que poursuivait la multinationale dans son recours constitutionnel, cette digression a été rejetée du revers de la main par la juge Zaïkoff du Tribunal administratif du travail, dans un jugement rendu en octobre dernier. Comme quoi, même devant des géants antisyndicaux, la CSN réussit à faire respecter les droits des travailleuses et des travailleurs.

Lock-out : la tendance patronale de 2024

Quand un employeur décrète un lock-out, il le fait avec la volonté d’imposer des conditions d’emploi spécifiques à ses salarié-es. Le lock-out est souvent, voire exclusivement utilisé pour forcer les syndiqué-es à consentir à des conditions qu’ils n’accepteraient pas en temps normal, et ses effets sont tangibles pour les lock-outé-es. Ces derniers se voient immédiatement privés d’accès à leur lieu de travail. Leurs salaires et autres avantages sont aussi instantanément coupés.

Et c’est révoltant. Certains de ces employeurs encaissent des profits records et leurs gestionnaires en bénéficient largement. Pourtant, quand leurs employé-es réclament leur juste part, les dirigeants ferment la porte à leurs demandes. Ils s’estiment être les seuls, avec les actionnaires, à pouvoir bénéficier des profits souvent faramineux réalisés par l’entreprise concernée.

 

Une question de pouvoir

Durant un lock-out, il n’est pas rare que l’employeur recoure à une firme de sécurité pour restreindre l’accès au lieu de travail. Qui dit lock-out dit de plus, bien souvent, judiciarisation des conflits. Des cabinets d’avocats sont mis à l’œuvre pour négocier et plaider les moindres détails à l’avantage des boss. Si l’on ajoute à cela la baisse, voire l’arrêt de la production, on réalise que les lock-out coûtent également très cher aux employeurs. Alors, pourquoi prendre cette voie ?

Il n’existe pas de réponse unique à cette question, mais il est évident qu’il s’agit, pour eux, d’une tentative d’asseoir leur pouvoir. Alors que la partie patronale va souvent pointer du doigt les demandes « excessives » de la partie syndicale, les faits démontrent que l’employeur cherche plutôt à casser le syndicat. Les cas concrets que nous offre 2024 illustrent bien cette dynamique.

 

Le zoo adoré en lock-out

Le Syndicat des salarié-es de la société zoologique de Granby–CSN, section maintenance et gardiens, représente environ 130 membres. Le Zoo de Granby est une quasi-institution qui fait connaître sa ville partout au Québec, et même au-delà. Les membres du syndicat regroupent des techniciennes et des techniciens vétérinaires et en soins animaliers, des naturalistes-interprètes, des mécaniciens, des menuisiers ainsi que des membres du personnel administratif. Il ne serait pas exagéré d’affirmer que le zoo est un véritable bijou qui fait rayonner, à travers le Québec, la ville où il a élu domicile.

L’employeur ne démontre toutefois pas le même degré de respect que la majorité des Québécoises et des Québécois ont envers le zoo et ses employé-es. Après de multiples séances de négociation, la partie syndicale a rapidement compris que son vis-à-vis n’avait aucune intention de traiter les demandes syndicales avec sérieux.

Les travailleuses et travailleurs du zoo ont donc décidé d’adopter et d’exercer des moyens de pression pour pousser leur employeur à négocier de bonne foi et à aboutir à un règlement. En réponse à cela, l’employeur a mis ses salarié-es en lock-out.

L’approche de la direction fait malheureusement partie d’une culture de manque de respect systémique au zoo. Les syndiqué-es ont été mis à la rue par l’employeur le 29 juillet dernier et étaient toujours en lock-out au moment d’écrire ces lignes. Certains ont rapporté qu’un cadre traite souvent des employé-es de « pelleteux de marde » ; d’autres patrons menacent les employé-es trop critiques de se faire changer de secteur, alors qu’ils ont développé un grand attachement envers les animaux de ce secteur en question. Le directeur du zoo, Paul Gosselin, ne semble d’ailleurs pas craindre de perdre l’expertise de ses employé-es. Ainsi a-t-il affirmé à des travailleuses et à des travailleurs en lock-out qu’il allait « en retrouver des bons » lorsqu’on lui mentionnait que plusieurs lock-outé-es risquaient de se chercher du travail ailleurs si une entente satisfaisante n’intervenait pas rapidement à la table de négociation.

Ces faits témoignent du mépris de la direction pour ses employé-es. Pour elle, le simple fait qu’ils demandent à être traités avec respect est une demande de trop. Le lock-out se veut, en quelque sorte, un rappel que la direction veut envoyer à ses employé-es. Un rappel selon lequel les syndiqué-es du zoo sont ses subordonnés et qu’ils seront punis s’ils continuent d’exiger d’être traités avec respect.

 

Prelco inc. change d’attitude

Prelco inc. est une compagnie située à l’est de Montréal qui se spécialise dans la fabrication de verre et de produits de vitrage pour bâtiments commerciaux et industriels. La négociation de renouvellement de conventions collectives se déroule habituellement de manière assez cordiale chez Prelco. Cette cordialité a toutefois pris le bord lors de cette ronde-ci. Après quelques séances de négo, la partie syndicale s’est rendue à l’évidence : l’employeur n’avait aucune intention d’acquiescer aux demandes de ses employé-es. C’est dans cet esprit que les membres ont décidé d’adopter des moyens de pression pouvant aller jusqu’à la grève. La réponse de l’employeur ? Lock-out immédiat.

Comme beaucoup de travailleuses et de travailleurs au Québec, les employé-es de Prelco ont subi une importante perte de pou­voir d’achat. Cette réalité n’a pourtant pas ébranlé d’un iota la partie patronale. Pour cette dernière, les demandes de la partie syndicale étaient excessives et risquaient de mettre la compagnie en péril. Pourtant, les dirigeants de Prelco n’ont montré aucune hésitation quant à l’embauche de cabinets d’avocats et de firmes de sécurité pour gérer le lock-out. Ces frais, pour l’employeur, en valaient la peine. Car c’est en payant à grands frais des avocats pour judiciariser tous les aspects du conflit qu’il espérait casser la solidarité entre les employé-es.

La direction de Prelco a préféré dépenser de façon outrancière pour mener des batailles juridiques avec le syndicat, payer des agents de sécurité 24 heures sur 24 afin de « protéger » les locaux et embaucher des sous-traitants qui livraient des produits de qualité moindre plutôt que d’accéder aux demandes légitimes du syndicat. En agissant ainsi, l’employeur a mis à risque ses relations avec ses employé-es et avec sa clientèle ainsi que sa propre réputation. Mais le coût est toujours justifié quand il est question de préserver son pouvoir et d’empêcher ses employé-es de bénéficier des retombées de l’entreprise. Malgré ces tactiques, les employé-es ont tenu bon et leur solidarité a fini par payer, avec l’obtention de 21,5 % d’augmentation salariale pour un peu plus de quatre ans.

 

Pousser l’odieux chez McKesson

En matière de lock-out, les dirigeants de McKesson Canada, filiale d’une compagnie pharmaceutique internationale à la situation financière fort enviable, ne donnent pas leur place non plus : ainsi ont-ils jeté à la rue la centaine d’employé-es de l’entrepôt de Drum­mondville, alors que ces personnes étaient déjà au pied du mur avec la fermeture annoncée de l’entrepôt en 2026. Pour les deux années restantes, ils tentaient d’obtenir des salaires décents à la hauteur de ceux de leurs collègues de l’entrepôt de Montréal, qui font le même travail. Après un mois de mobilisation, dont une visite au siège social situé dans la métropole, les travailleuses et les travailleurs ont enfin obtenu gain de cause.

 

Deux autres lock-out vicieux

Après quelques jours de grève exercés au printemps, le Syndicat des travailleuses et travailleurs du transport scolaire des Autobus des Cantons–CSN, dont l’employeur est Transport scolaire Sogesco, s’est pour sa part fait imposer un lock-out vicieux, le 21 juin 2024, dernier jour du calendrier scolaire. Ce déclenchement volontaire et conscient de l’employeur s’est concrétisé à la suite du rejet à 98 % d’offres jugées insuffisantes le 20 juin, la veille du lock-out. Sogesco avait lancé cette menace en pleine rencontre de négociation, le 18 juin, alors que les dirigeants étaient très conscients que cette manœuvre allait priver l’ensemble des salarié-es d’assurance-emploi pour la période estivale. Honte à eux !

Et puis, le 20 novembre dernier, un lock-out était décrété à l’hôtel Le Reine Elizabeth après le rejet de l’offre patronale par les employé-es. Les enjeux en litige ? La charge de travail et le recours aux agences privées. Triste comme novembre.

 

Le lock-out, une opération massue

Un lock-out frappe souvent un syndicat comme une bombe, suspendant les salaires et exerçant une pression extrême pour affaiblir les travailleuses et les travailleurs. Devant une telle opération, les syndicats peuvent riposter en intensifiant la solidarité entre membres, en organisant des actions de soutien et des levées de fonds, en menant des campagnes médiatiques pour dénoncer la manœuvre et en mobilisant le soutien des autres syndicats et de la communauté pour maintenir la pression sur l’employeur. Ils peuvent aussi explorer des recours juridiques si des abus sont identifiés dans la mise en œuvre du lock-out.

C’est durant ce type de conflit que se révèle on ne peut plus clairement tout le mépris de certains employeurs à l’égard de leurs travailleuses et travailleurs. « Heureusement, dans de telles circonstances, il restera toujours la solidarité syndicale comme rempart pour se prémunir contre de tels abus », de conclure Caroline Senneville, présidente de la CSN.

Lentement mais sûrement

Depuis septembre, des milliers d’éducatrices en milieu scolaire font du soutien en classe dans les écoles primaires publiques du Québec. Regard sur cette nouvelle tâche qui se précise avec le temps.

Rebecca Smith effectue du soutien en classe à l’école Sacré-Cœur – Secteur Iberville de Saint-Jean-sur-Richelieu, dans une classe de maternelle de 17 élèves âgés de cinq ans. « Ça se passe très bien pour moi. J’ai une bonne relation avec les élèves et ma collègue enseignante. » En s’attelant à des tâches comme les photocopies, la gestion des pochettes messagers, l’accompagnement des élèves aux toilettes ou encore l’accrochage des manteaux, Rebecca permet à l’enseignante de se concentrer sur la pédagogie. « Si l’élève n’ouvre pas son cahier alors que ma collègue l’a demandé, je m’approche et je l’aide. Il m’est arrivé de sortir jouer avec la moitié des élèves pour que la prof puisse procéder à une évaluation en petit groupe ».

Le soutien en classe n’est pas un nouveau titre d’emploi. Les éducatrices en milieu scolaire et en service de garde qui ont signifié leur intérêt se sont vu offrir des heures en fonction de leur ancienneté. Rebecca a déjà été éducatrice en service de garde ; grâce au cumul des deux tâches et à la surveillance lors des récréations, son horaire est passé de 26 à 35 heures par semaine. Que ce soit en classe ou au service de garde, les éducatrices touchent le même salaire.

« L’implantation du programme d’aide à la classe est inégale », souligne Annie Charland, présidente du secteur du soutien scolaire de la Fédération des employées et employés de services publics–CSN. Dans une école, la direction a accroché une feuille dans la salle des profs pour qu’ils y écrivent les tâches à confier aux éducatrices. A contrario, certaines directions ont conçu une formation sur la question. « Le programme fonctionne bien quand les directions prennent le temps de réfléchir et de consulter. »

 

Des heures de plus – enfin !

Annie Charland se réjouit que l’aide à la classe donne plus d’heures aux éducatrices en milieu scolaire. « Mes membres gagnent mieux leur vie », affirme-t-elle. Elles atteignent aussi leur permanence plus vite, car on a réduit le nombre d’heures nécessaires pour l’obtenir. Les éducatrices ont également un horaire moins morcelé.

Seul bémol : certains services de garde souffrent du passage des éducatrices en classe. « On a déshabillé Pierre pour habiller Paul à quelques endroits où les groupes débordent. On verra si la situation perdure », note Annie Charland.

Le défi sera de bien structurer l’aide à la classe partout pour qu’ultimement, les petits du primaire puissent s’éduquer et s’épanouir pleinement.

Quand la grève s’impose

Faire la grève permet aux syndicats de décrocher des gains pour leurs membres. Or, l’exercice n’est pas sans difficulté, non seulement par rapport à l’employeur, mais aussi face aux bénéficiaires qui peuvent se voir privés de certains services. C’est notamment vrai en santé et en services sociaux ainsi qu’en éducation.

Dominique Pallanca agit comme psychologue auprès d’une clientèle mineure au CHU Sainte-Justine. Elle comprend bien le phénomène.

 

P.S. Ce fameux conflit de loyauté existe-t-il vraiment ?

D.P. Oui, et il me suit en dehors des périodes de moyens de pression. Quand je vois la liste d’attente s’allonger dans ma clinique, ça me pèse. Il faut éviter que les patients soient privés de soins. Si je m’absente, je ne suis pas remplacée. Et si je ne me bats pas pour améliorer mes conditions, les listes vont demeurer pleines longtemps. Plus largement, je pense que c’est différent pour les secteurs où il y a une forte majorité de femmes. Parfois, on cherche à nous faire sentir coupables, comme si on devait exercer notre travail seulement par vocation !

 

P.S. Comment s’est passée la grève du sec­teur public en 2023 ?

D.P. On a revu les horaires pour assurer les suivis, mais il y a tout de même eu des annulations, des reports de rendez-vous… Lors des autres négos, on faisait la grève pendant 42 minutes. En 2023, avec la revue à la baisse des services essentiels, la plupart des professionnel-les ont fait trois heures de grève avec de réels effets sur l’organisation du travail et sur la population. Mais cette lutte a été payante.

 

P.S. Le personnel qui n’est pas directement en contact avec les gens vit-il aussi ce conflit ?

D.P. Oui. Porter un macaron ou insérer un message de solidarité dans nos courriels peut créer des malaises chez les gens. Pendant la grève, une collègue de l’entretien ménager était déçue de ne pas pouvoir travailler. Ç’a dû être déchirant pour les techniciennes et les techniciens de labo : leur travail a un effet direct sur celui des médecins qui procèdent aux diagnostics et qui décident des traitements. Sans analyses de labo, rien n’avance.

 

P.S. Les gens ont tout de même suivi ?

D.P. Personne ne s’est défilé. Le dilemme ressenti a été nommé, on a toutes et tous été solidaires. La grève entraîne son lot de conséquences, mais elle améliore, à terme, l’accessibilité aux soins et aux services. La population appuyait le mouvement. Oui, on pénalise un peu la clientèle, mais on sait que ça va l’aider en bout de piste.

Les membres ont vu que la mobilisation entraîne des résultats éclatants. Même si le conflit de loyauté existe, ces personnes savent que la solidarité et la lutte paient.

Un problème commun

Dès son arrivée en poste, Frédéric St-Hilaire, agent syndical du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CHU de Québec–CSN, a compris que la cohabitation des deux urgences causait des problèmes importants. « J’ai visité les lieux dès mon second jour d’implication au syndicat et je suis arrivé au moment où un patient en psychose, complètement nu, courait dans les locaux en lançant des plateaux aux personnes qui tentaient de le calmer. J’ai tout de suite saisi le problème de cohabitation des deux urgences et les importants risques liés à la situation. »

Frédéric entreprend alors le travail afin de mieux faire face à ce genre de situation. « Dès 2019, nous avons interpellé l’employeur afin de trouver des pistes de solutions, souligne la présidente du syndicat, Caroline Verret. On constatait que la violence augmentait de jour en jour, qu’elle touchait désormais tout le monde et que, malgré nos interventions répétées auprès de la direction, aucune mesure importante n’était prise pour s’attaquer aux problèmes. »

Le 9 décembre 2021, un patient en crise s’égorge avec une arme contondante devant 39 personnes, dont 18 enfants. Cet événement extrême pousse le syndicat à exiger un cheminement distinct pour chaque urgence, à interpeller la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et à demander du soutien et des outils à la CSN. Dès ce moment, à leur demande, la Fédération de la santé et des services sociaux–CSN ainsi que le Service de santé-sécurité et d’environnement de la CSN épauleront les deux unités syndicales concernées par ce problème qui mine la santé physique et psychologique de leurs membres et qui devient un enjeu de santé publique.

 

Deux employeurs impliqués

« Il faut comprendre que l’urgence générale relève du CHU alors que l’urgence psychiatrique, qui occupe un espace loué au CHU, relève du CIUSSS. Les problèmes d’aménagement sont donc complexes à gérer à cause de cette dynamique de location des lieux, précise Jean-Renaud Caron, vice-président du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale–CSN. Or, lors de la dernière négociation, nous avons obtenu des budgets en santé globale pour répondre à ce type de problèmes en santé et sécurité du travail (SST). Nous avons donc utilisé ce forum afin de monter un projet de prévention adapté à la situation. »

À la suite d’une consultation de l’ensemble des préposé-es aux bénéficiaires des deux urgences pour bien comprendre les problèmes auxquels ils faisaient face, deux projets en prévention de la SST ont été mis en œuvre en vertu d’une lettre d’entente qui a été négociée à cet effet.

 

Un plan d’action collé sur les risques

« Mon rôle fut de concevoir un plan d’action visant à renforcer la formation et l’utilisation des équipements de protection individuelle afin d’agir en prévention, explique Laurence Baron, agente syndicale du CIUSSS de la Capitale-Nationale. On a donc évalué tous les risques sur lesquels nous avions du contrôle afin de se doter des outils adéquats pour y faire face. Nous sommes très fiers que notre plan d’action englobe l’ensemble des salarié-es, même celles et ceux qui font partie des autres organisations syndicales présentes dans nos milieux de travail. »

« On ne peut pas réduire le risque lié à la situation des patients que nous recevons à l’urgence, mais nous pouvons toutefois cerner tous les autres risques sur lesquels il est possible d’agir, et c’est exactement ce que nous avons fait. Ce fut un travail d’équipe très stimulant qui démontre qu’en prenant en charge les situations problématiques en matière de SST, on peut assainir nos milieux de travail », conclut Laurence Baron.

 

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Syndicaliste dans le sang

Le Syndicat national des produits chimiques de Valleyfield (SNPCV–CSN) fait paraître cet automne un livre unique qui retrace l’histoire de cette communauté de travailleurs et de travailleuses qui, depuis les années 1960, a livré plus d’une lutte ouvrière légendaire.

Cet ouvrage est le fruit d’une collaboration entre deux figures marquantes du SNPCV–CSN. Nul autre que le regretté Marc Laviolette, qui dirigea le syndicat de 1986 à 1994 et de 2003 à 2012, a co-écrit le livre avec le président actuel du syndicat, Jean-Sébastien Neiderer. Ensemble, ils ont réussi à tracer cette remarquable ligne du temps, ponctuée de batailles syndicales hors norme qui ont marqué un grand nombre de membres de la CSN et la population du Suroît à bien des égards. Oser lutter : Organisés pour gagner est plus qu’un titre de bouquin ; c’est le fil directeur qui guide le lecteur à travers près de 60 ans d’une histoire syndicale importante.

En juin dernier, bien au-delà de la CSN, tout le mouvement syndical vivait un grand deuil après l’annonce du décès de Marc Laviolette. Militant politique et syndical d’envergure, l’ancien président de la confédération aura su rester, tout au long de sa carrière, « un homme de terrain ».

Sans relâche, il s’est investi dans l’éducation populaire et dans la défense des plus vulnérables de la société québécoise. Libre-penseur reconnu pour sa franchise et la proximité qu’il entretenait avec les militantes et les militants, M. Laviolette a tracé son chemin en étant guidé par de profondes convictions syndicales. Celui qui mena le SNPCV–CSN à travers maints combats ouvriers marquera surtout les esprits pour son engagement en matière de santé et de sécurité au travail.

« L’émancipation des membres par la lutte lui tenait profondément à cœur. Son courage politique l’incitait à refuser tout compromis quand il était justement important de rester ferme. C’était un grand visionnaire ! », exprime avec fierté son fils Alexandre Laviolette, président de la Fédération du commerce–CSN.

Les gens vivent plus vieux grâce à nous

C’est ce que croit fermement Cécile Simba Vembo, auxiliaire en santé et services sociaux (ASSS) depuis 15 ans au CLSC Saint-Laurent à Montréal.

« Je suis la seule personne significative dans la vie de gens qui n’ont pas de famille. Ceux-ci me connaissent et me font confiance. Ils se sentent accompagnés. Les services qu’offrent les ASSS leur permettent de rester dans leur milieu de vie. Dans un environnement connu, leur santé se maintient, mais si on les déplace dans un nouveau milieu, souvent, leur condition se dégrade, beaucoup dépérissent et meurent plus tôt.

Nous sommes bien plus que des « donneuses de bain ». On peut, par exemple, déceler des signes de changement dans l’état de santé de la personne. Mais surtout, au-delà des services qu’on donne, on offre du soutien à des gens qui ont du vécu, qui ont contribué à la société et qui maintenant ont besoin d’aide. Le métier d’ASSS, c’est quelque part leur montrer la reconnaissance qu’on a pour eux. C’est un devoir envers nos aîné-es, envers la société. C’est un métier noble. On change la vie des gens.

On donne aussi du temps et du soutien aux proches aidants qui sont souvent isolés et en détresse. Des membres de la famille nous remercient, parfois je sors de là avec les larmes aux yeux. On est en contact avec le cœur des gens. C’est un métier profondément humain. Malheureusement, de plus en plus, on veut nous ôter ça en calculant le temps alloué pour chaque service. Mais les gens ne sont pas des numéros !

J’apprends chaque jour que nous devons profiter du temps que l’on a ensemble, car on ne sait pas ce qu’il peut arriver demain. Quand on est jeune et en santé, on oublie que la maladie peut frapper tout le monde. Il ne faut rien tenir pour acquis, et surtout, il faut apprécier l’énergie que nous avons et l’utiliser pour aider les autres.

Mon souhait le plus ardent, c’est que ce métier soit mieux connu et reconnu. »

La CSN contre la privatisation

Sur le point de commencer, le rassemblement est l’aboutissement de plusieurs mois de travail dans un seul objectif : faire une démonstration de force contre la privatisation en santé.

Jeux de lumière, musique, c’est parti ! La comédienne engagée Eve Landry assure l’animation de l’événement et cède rapidement la parole à Caroline Senneville, présidente de la confédération. Cette dernière met la table, avec la foule rassemblée aujourd’hui, il sera difficile pour le gouvernement d’ignorer le message que porte la CSN : Pas de profit sur la maladie !

De la programmation de l’événement au réel défi logistique que représente la distribution de plusieurs milliers de repas, tout est rodé au quart de tour. Plus d’une centaine de salarié-es de la CSN contribuent au service d’ordre. La salle, habillée aux couleurs de la campagne, est en montage depuis trois jours.

« Je trouve ça sensationnel de pouvoir remplir un aréna de cette façon, ça me fait penser aux images du Front commun dans les années 1970 », explique avec enthousiasme un travailleur rencontré pendant l’événement.

« Enfin, les gens commencent à se réveiller. Quand on a créé le régime d’assurance maladie, c’était le fruit d’un mouvement populaire. C’est pas le gouvernement qui nous l’a donné, on est allés le chercher. On doit le préserver ! », ajoute une travailleuse.

L’événement mêle les performances musicales de la rappeuse Sarahmée et du groupe Valaire ainsi que l’humour de Christian Vanasse aux conférences de la chercheuse Anne Plourde et de la Dre Elise Girouard-Chantal de Médecins Québécois pour un régime public (MQRP). Dans la deuxième moitié de l’événement, les leaders de Québec solidaire et du Parti québécois s’adressent également à la foule. Gabriel Nadeau-Dubois et Paul St-Pierre-Plamondon s’engagent à protéger le réseau public de la santé et des services sociaux.

 

Un plan d’urgence

David Bergeron-Cyr, vice-président de la CSN et responsable du dossier santé, clôt l’événement en lançant un défi au gouvernement : d’ici le 1er mai, ce dernier doit mettre en œuvre un plan d’urgence pour régler la crise d’accès aux soins de santé.

Tout d’abord, la CSN demande au ministre de la Santé de freiner l’exode des médecins vers le secteur privé, une fois pour toutes. Pour y arriver, le ministre pourrait tout simplement signer un arrêté ministériel lors du prochain conseil des ministres.

La CSN demande aussi au gouvernement de cesser d’octroyer des permis de cliniques privées à but lucratif dès maintenant. Pour la centrale, rien ne justifie la propagation d’entreprises dont le seul objectif est de profiter de la maladie des gens.

Finalement, la CSN invite aussi le gouvernement à instaurer un moratoire sur tous les types de privatisation du travail et des tâches présentement accomplies au public. On parle d’agences de placement, de buanderies, de l’entretien des bâtiments, du transport de patients, etc.

L’objectif de ce plan est de faire reculer le privé en santé à court terme sans mettre de côté les revendications historiques de la CSN, comme des CLSC en tant que véritable structure de première ligne.

Et à quoi le gouvernement peut-il s’attendre s’il refuse de mettre en place le plan proposé ? Les militantes et les militants feront ce qu’ils font de mieux : faire monter la pression. Une chose est certaine, la journée internationale des travailleuses et des travailleurs de 2025 sera chaude !

Ils attendent que le gouvernement se déniaise

Ces salarié-es proviennent d’orga­nis­mes gouvernementaux, de services de garde éducatifs, de la santé et de la sécurité du public. S’ils ont leurs enjeux propres, ils sont pris dans des négociations qui s’étirent en longueur face à un gouvernement qui n’est pas pressé de régler. Dans certains cas, la convention collective est échue depuis plus d’un an et demi.

 

Blocages

Malgré leur bonne volonté, ces personnes font face à des blocages, autant du côté des employeurs que du gouvernement. Souvent, les employeurs disent devoir obtenir les mandats du gouvernement. S’ensuivent des retards et une déconnexion par rapport aux enjeux vécus sur le terrain par les membres. « On a parfois l’impression que l’employeur est réceptif, mais quand ses représentants reviennent vers nous, les positions changent. C’est toujours difficile de comprendre d’où vient le blocage », explique Éliane Bouchard-Genesse, présidente du Syndicat général des employé-es de Télé-Québec–CSN.

Amaili Jetté, présidente du Regroupement Les sages-femmes du Québec, déplore : « Les sages-femmes ne se sentent pas appuyées par le gouvernement quand elles voient à quel point la négociation traîne. » La mise sur pied de Santé Québec chamboule aussi leur négociation, ce qui risque de prolonger les choses et de créer bien de l’incertitude pour elles.

 

Et les services écopent

Pendant que l’on peine à s’entendre, les problèmes sociaux s’accumulent. Des milliers de familles attendent une place dans un CPE ou dans un milieu familial régi et subventionné. Les temps d’attente des ambulances continuent de préoccuper la population. L’accès à la justice reste ardu pour bien des personnes en situation précaire.

Parlez-en à Chantal Racicot, représentante du secteur des Responsables de service de garde éducatif en milieu familial (RSGE) de la Fédération de la santé et des services sociaux–CSN. « Bien des services de garde éducatifs en milieu familial ont fermé ces dernières années. Nous, on propose des solutions afin de maintenir les services aux familles. À la table, le ministère de la Famille nous dit qu’il faut faire plus avec moins. On n’a pas eu le choix d’aller se chercher un mandat de moyens de pression. »

« Dans tous ces secteurs qui négocient, il faut améliorer les conditions de travail et les salaires pour assurer le personnel nécessaire afin de donner les services à la population. Ce n’est pas qu’une question de négociation, c’est aussi une question de société », rappelle François Enault, 1er vice-président de la CSN.

Le nouveau mantra gouvernemental

Le gouvernement brouille les cartes en voulant imposer de la flexibilité aux syndicats. Dans une récente déclaration publique, Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor, laisse entendre que les récentes augmentations salariales obtenues par le Front commun l’ont été en échange de contreparties sur la flexibilité. Ce terme, martelé par le gouvernement depuis des mois, est au cœur de son exercice de relations publiques pour faire mal paraître les syndicats.

Le gouvernement tient tellement à la flexi­bi­lité qu’il choisit de ne pas respecter les clauses de parité (clauses remorque) de plusieurs conventions collectives. « Notre première convention négociée inclut une clause remorque qui ne souffre pas d’interprétation. Le Conseil du trésor a fait partie des échanges lors de la négociation. Cette clause a été acceptée et maintenant, on nous exige des concessions », explique Éric Guay, président du Syndicat des enseignantes et enseignants de l’ITHQ–CSN.

La situation pose aussi problème au Parc olympique, où les sept syndicats de la CSN négocient à une seule table. Ceux-ci ont obtenu, en juillet dernier, une entente sur les clauses normatives, soit les conditions de travail. « Nos négociations devaient être relancées sur l’aspect financier afin d’obtenir les mêmes gains que le secteur public, mais le gouvernement nous demande de rétropédaler pour renégocier sur le normatif », s’étonne Yanick Martineau, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs de métiers et de services de la RIO–CSN.

Comme le dit Éliane Bouchard-Genesse de Télé-Québec, « les travailleuses et les travailleurs doivent toujours faire plus avec moins. De la flexibilité, ils n’en manquent pas, mais on leur demande d’en avoir encore plus en ce qui concerne leurs conditions de travail. »

Le grand retour de l’austérité

«Il faut s’en tenir aux dépenses vraiment nécessaires » en procédant à des « analyses chirurgicales ». « Il n’y a aucune com­mande de réduction budgétaire », juste des « gestionnaires qui se sont aperçus qu’ils étaient en dépassement de budget. » Tel est le discours tenu tout l’été par les ministres de la CAQ, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, en tête.

Le dernier budget, déposé il y a six mois à peine, prévoyait tout un chapitre sur « l’optimisation de l’action de l’État et l’examen des dépenses gouvernementales » assorti de prévisions couvrant à peine l’augmentation des besoins. Déjà, la CSN notait que ce budget mettrait à mal les services publics, le gouvernement ayant choisi de se priver de plus de 2 milliards $ l’année précédente en offrant des baisses d’impôt qui ont surtout profité aux mieux nantis.

Or, loin des tapis feutrés de l’Assemblée nationale et des salles de presse, les conséquences de l’austérité frappent déjà. Depuis la fin de l’été, on découvre chaque jour une nouvelle coupe ou une nouvelle politique de restrictions dans nos services publics.

Le 24 octobre, Sonia LeBel a annoncé un gel de recrutement dans les ministères et dans plusieurs sociétés d’État, dont les services correctionnels et les organismes gouvernementaux. Dans les réseaux publics de la santé et des services sociaux, de l’éducation et de l’enseignement supérieur, cette politique vise le personnel administratif.

Dans les écoles primaires et secondaires, 400 millions $ ont été retranchés cette année du budget d’entretien, et ce, dans un contexte où de nombreux établissements nécessitent des travaux importants. Les programmes de francisation ont aussi subi le couperet gouvernemental, certains centres n’acceptant plus d’inscriptions cet automne.

Dans les cégeps, nombre de projets de rénovation et d’agrandissement ont été mis en suspens. La situation est si alarmante que les présidentes et les présidents des conseils d’administration des cégeps ont publié une lettre ouverte conjointe le 19 novembre pour exprimer leur inquiétude sur la mission même des cégeps, qui est en péril.

En novembre, la nouvelle PDG de Santé Québec tenait une tournée médiatique pour expliquer la toute première mission que lui a confiée le gouvernement : couper plus de 1,5 milliard $ cette année !

En Abitibi-Témiscamingue, le chat était sorti du sac en septembre lors du conseil d’administration du CISSS. La réunion aurait dû se dérouler à huis clos, mais des jour­nalistes ont pu y assister par erreur. Les coupes à venir ont été évoquées ainsi que la possible révision des services dans la région. Le déficit atteindrait 110 millions $. Officiellement, les gestionnaires se veulent rassurants : les soins et les services à la population seront préservés…

Le président du Conseil central de l’Abitibi-Témiscamingue–Nord-du-Québec–CSN, Félix-Antoine Lafleur, en doute. « La population active de la région, c’est environ 100 000 personnes. Ça fait 1000 $ par personne de déficit. Comment croire qu’il n’y aura pas d’impact ? »

Parmi les pistes de solution proposées par le syndicat, notons la fin du recours aux agences privées de placement de personnel. Le CISSS a payé 145 millions $ à ces agences l’an dernier, soit 27 % de plus que l’année précédente. C’est plus que le déficit au complet !

 

Recruter, dans le public

Les syndiqué-es du réseau public demandent d’ailleurs depuis longtemps que cesse l’utilisation de ces agences privées pour investir plutôt dans le réseau public. Et ce n’est pas qu’une question de bonne gestion financière : ça concerne aussi la qualité des soins et des services à la population. À cet effet, les employé-es des CHSLD, en nombre insuffisant et déjà essoufflés, constatent que la qualité de vie des résidentes et des résidents se dégrade. Les employé-es d’agence peuvent être compétents, néanmoins, ils sont dépêchés pour de très courtes périodes dans les établissements. L’époque où le personnel des CHSLD pouvait créer de vrais liens humains avec les bénéficiaires est décidément révolue.

 

4000 en moins

Pour réduire son déficit, le CISSS a retranché 4000 heures de soins par mois au CHSLD Pie-XII, à Rouyn-Noranda. C’est intenable pour les employé-es, qui peinent à assurer aux aîné-es dans ces milieux de vie les soins dont ils ont besoin. Le 17 octobre, après avoir proposé d’autres solutions aux gestionnaires, le syndicat local affilié à la CSN, la Fédération de la santé et des services sociaux–CSN et le conseil central ont dénoncé cette mauvaise décision et ont alerté la population de la région sur les répercussions de l’austérité caquiste.

 

Des coupes partout

Cette nouvelle période d’austérité se confirme à une vitesse folle en santé et dans les services sociaux. Au CHUM, 26 postes de préposé-es aux bénéficiaires et 7 postes d’agentes administratives ont été supprimés. D’autres coupes et des postes non remplacés ont aussi été dévoilés dans les médias depuis, notamment au CISSS de Laval et au CIUSSS du Centre-Sud de l’Île-de-Montréal. On doit s’attendre à ce que pas mal tous les établissements procèdent éventuellement à de telles annonces, qui découlent directement des choix politiques de la CAQ.

Quand la CSN se mobilise, c’est tout le Québec qui gagne !

Nous étions près de 4000 personnes des quatre coins du Québec à avoir convergé à Trois-Rivières le 23 novembre dernier. Alors que nous tournons à peine la page sur ce rassemblement historique, les émotions que nous y avons vécues collectivement demeurent vives.

Ce n’est pas tous les jours que le mouvement CSN, toutes régions et tous secteurs d’activité confondus, se mobilise pour tirer la sonnette d’alarme afin de protéger et de défendre notre réseau public de santé et de services sociaux. Ce réseau qui, à coup de réformes plus centralisatrices les unes que les autres, continue d’être mis à mal depuis plus de 20 ans, au détriment des soins à la population.

La dernière réforme en lice, opé­rée par le ministre de la Santé, Christian Dubé, est l’abou­­tissement de cette logique selon laquelle la fusion des établissements au sein d’une seule et même agence, comme c’est prévu le 1er décembre, inversera la tendance pour améliorer l’accès aux soins.

Le tout, bien sûr, en misant sur la généreuse participation d’un concurrent direct du réseau public toujours plus féroce et impitoyable : le privé.

 

Le loup dans la bergerie

Soyons clairs – même paré de ses plus beaux atours et camouflé derrière une carte-soleil, le privé en santé demeurera toujours un obstacle direct à la préservation et au renforcement de notre réseau public. C’est vrai sur le plan de l’accessibilité aux soins, c’est vrai sur le plan des coûts des services, mais c’est surtout vrai pour ce qu’on a de plus précieux dans notre réseau public : les personnes qui y travaillent.

Nous devons à tout prix stopper cette hémorragie et freiner cet inquiétant exode vers le privé. Face à notre mobilisation des dernières semaines et à notre coup de force du 23 novembre, le ministre a commencé à bouger. Mais le combat est loin d’être terminé pour sauver notre réseau, surtout à l’aune des récentes annonces à saveur d’austérité qui touchent directement le personnel du réseau.

 

Une austérité qui ne dit pas son nom

D’ailleurs, difficile de ne pas froncer les sourcils lorsqu’on entend un autre ministre, celui des Finances du Québec, Eric Girard, dire que l’austérité n’est pas de retour au Québec alors qu’il présentait, il y a quelques jours à peine, sa mise à jour économique.

Le ministre a beau arguer que les dépenses de l’État sont en croissance et que sa gestion des deniers publics demeure rigoureuse et responsable, les annonces visant à « optimiser les dépenses gouvernementales » confirment que nous sommes au début d’un nouveau cycle d’austérité.

Gel d’embauche de personnel administratif en éducation, dans les organismes gouvernementaux, la santé et les services sociaux, coupes en francisation, frein aux projets d’infrastructures et compressions dans les cégeps : la recette du gouvernement Legault s’apparente dangereusement à celle de l’ancien premier ministre, Philippe Couillard. Et on en connaît les conséquences…

 

La montée inquiétante du conservatisme populiste

Face à cette menace à peine voilée s’ajoute celle de la montée du conservatisme et du populisme consacrée par l’élection de Donald Trump à la tête de la Maison-Blanche. De ce côté-ci de la frontière, nous ne sommes pas en reste, avec un Pierre Poilievre donné favori dans les sondages.

Certes, des nuances s’imposent pour distinguer les deux hommes, mais un retour à une ère politique conservatrice, sous fond de tensions sociales et de polarisation à outrance, n’augure rien de bon pour le mouvement syndical et les centaines de milliers de membres que nous représentons.

Dans les circonstances, il faudra nous retrousser les manches et continuer à lutter, car finalement – on vient d’en faire l’éloquente démonstration – quand la CSN se mobilise, c’est tout le Québec qui gagne !

Le profit à tout prix cause les bris de service

Les bris de service dans le transport scolaire au Québec ont atteint des sommets ces dernières années, révèle une étude de l’IRIS dévoilée en septembre. La pénurie de personnel et les conflits de travail y sont pour quelque chose.

En 2024, 30 syndicats dans le transport scolaire se sont dotés d’un mandat de grève, sur 32 négociations dans le secteur. Parmi les 30 syndicats, 19 ont exercé la grève. Ce sont 200 bris par jour qui ont été enregistrés en moyenne en 2022-2023 et 137 en 2023-2024, touchant respectivement quelque 8000 et 5500 élèves.

 

Le profit avant les enfants

À l’automne 2022, le gouvernement a allongé 130 millions afin, entre autres, de bonifier les salaires du secteur. En ne rattachant aucune somme à cet objectif, il a laissé le champ libre aux transporteurs pour accroître leurs profits. Dès les premières négociations, les membres de la CSN ont fait face à des employeurs qui ne voulaient pas partager cet argent.

 

Les grands transporteurs au cœur du problème

Le fonctionnement même de Transco, de Transdev ou de Sogesco, trois gros joueurs qui contrôlent en partie le secteur au Québec, va à l’encontre de l’intérêt public. Deloitte, qui n’est pas un allié naturel des syndicats, estime qu’un rendement moyen de 8 % avant impôt est tout à fait raisonnable dans ce secteur. Or, Sogesco, qui possède une trentaine de filiales au Québec, affiche un rendement moyen de 15,5 % de 2014 à 2023, soit près du double. Pour arriver à cette forte rentabilité, cet employeur offre les pires conditions salariales. Résultat : Sogesco est la championne des conflits de travail et des bris de service, le tout financé à 100 % par de l’argent public, sans aucun risque pour elle.

 

La gestion publique : un contrepoison ?

En 2011, le Vérificateur général du Québec estimait que 10 entreprises contrôlaient 35 % du transport scolaire. Cette concentration atteint maintenant 40 % du marché et inquiète l’IRIS.

Alors que moins de 1 % du transport sco­laire est sous gestion publique au Québec, dans le reste du Canada, il est bien souvent public, en tout ou en partie. Pour contrer la concentration de l’industrie et lutter contre la pénurie de main-d’œuvre, l’État québécois devrait augmenter la proportion de véhicules scolaires qu’il gère.

À cet égard, un projet pilote de transport scolaire public mené par le Centre de services scolaire des Affluents, dans Lanaudière, a permis de réduire de 95 % les bris de service entre les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024. Selon l’IRIS, cette piste de solution serait prometteuse pour garantir le service aux parents et à leurs enfants.

Le prix Pierre-Vadeboncoeur est remis aux chercheures Julia Posca et Anne Plourde

Le jury du prix Pierre-Vadeboncoeur a décerné le prix de l’édition 2024 à deux chercheures, mesdames Julia Posca et Anne Plourde, qui abordent dans leurs essais des questions qui sont en phase avec les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs de même que les risques courus par le régime public en santé.

Créé en 2011 et décerné par la Confédération des syndicats nationaux (CSN), ce prix est doté d’une bourse de 5000 $, une somme que chacune des autrices recevra. La centrale syndicale québécoise a voulu ainsi rendre hommage à Pierre Vadeboncoeur, qui y a milité durant 25 ans et qui est considéré comme l’un des plus importants essayistes québécois. Les lauréates reçoivent leurs prix à l’occasion du Conseil confédéral qui se réunira à Rivière-du-Loup le 4 décembre. C’est la secrétaire générale Nathalie Arguin qui remettra les prix aux lauréates. Le conseil rassemble environ 200 délégué-es des fédérations et des conseils centraux affiliés à la CSN

Ce prix souligne la qualité d’un essai produit par une autrice ou un auteur québécois et édité par une maison d’édition québécoise. Une quinzaine de maisons ont soumis plus d’une cinquantaine d’essais cette année.

Le jury, composé de l’ex-présidente de la CSN Claudette Carbonneau, de Catherine Ladouceur, professeure de littérature française au Cégep de Sherbrooke et de Dahlia Namian, professeure à l’Université d’Ottawa et lauréate de l’édition 2023, a voulu de la sorte récompenser les autrices dont les œuvres se révèleront très utiles pour l’action syndicale et la défense du modèle québécois en santé.

Dans son essai Travailler moins ne suffit pas, madame Julia Posca soulève avec une grande clarté un ensemble de questions touchant le monde du travail : temps supplémentaire, cumul d’emplois, conciliation travail-famille. Elle pose finalement le constat suivant : il ne suffit pas de travailler moins pour retrouver un équilibre de vie. C’est, en quelque sorte, toute l’organisation du travail qui est remise en cause.

De son côté, madame Anne Plourde, dans son essai Santé inc., déconstruit de façon magistrale tous les mythes sur lesquels on construit l’idée que le privé, même à titre complémentaire, serait une option acceptable pour offrir des soins à la population. Il est urgent, à son avis, de déprivatiser le système de santé. La CSN a justement lancé cet automne une vaste campagne de mobilisation sur le thème Pas de profit sur la maladie. Plusieurs milliers de militantes et de militants se sont d’ailleurs réunis à Trois-Rivières pour appuyer ce mouvement.

Ces deux essais ont été publiés chez Écosociété.

Une mention spéciale a été accordée à Ordures ! Journal d’un vidangeur, de Simon Paré-Poupart paru chez Lux éditeur.

Depuis sa création, le prix Pierre-Vadeboncoeur a été décerné à huit essais écrits par des autrices et à sept essais écrits par des auteurs.

Fusion des accréditations annulée en santé et services sociaux – Une bonne nouvelle pour le réseau et son personnel

La CSN se réjouit de l’annonce de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, indiquant que le gouvernement renonce à la fusion des accréditations dans le réseau de la santé et des services sociaux et qu’il reverra la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans le secteur public et parapublic (loi 37). « Il s’agit d’une excellente nouvelle d’abord pour les travailleuses et les travailleurs du réseau et pour le mouvement syndical en général », note d’entrée de jeu la présidente de la CSN, Caroline Senneville.

Alors que Santé Québec vient centraliser l’ensemble du réseau sur le plan administratif, les structures syndicales existantes, elles, demeureront intactes. « L’arrivée de l’employeur unique, jumelée à d’importantes compressions budgétaires, n’augure rien de bon. La fusion des accréditations qui était prévue dans le projet de loi no 15 aurait créé encore plus d’instabilité dans un réseau déjà fragilisé. Pour une fois, le gouvernement a résisté à la volonté d’aller vers davantage de centralisation et nous nous en réjouissons. »

Depuis l’annonce de la réforme Dubé, la CSN a multiplié les démarches afin de limiter les impacts de cette énième transformation du réseau sur les travailleuses et les travailleurs et sur la centrale. « Nous sommes heureux d’avoir été entendus, le gouvernement a fait le bon choix. »

 

Révision de la loi 37

Réclamée depuis longtemps par la CSN, la décision du gouvernement de revoir la loi 37 constitue aussi une bonne nouvelle, puisque le régime actuel prive les organisations syndicales de leur droit à négocier certaines matières. « La CSN est déjà aux premières loges pour prendre part aux échanges afin d’améliorer la loi. Nous contribuerons avec enthousiasme aux débats, mais resterons vigilants; les travailleuses et les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux et du réseau de l’éducation pourront compter sur nous pour faire les représentations nécessaires afin de veiller à leurs intérêts », précise Mme Senneville.

Quand protégerons-nous vraiment les travailleuses et les travailleurs québécois ?

Le gouvernement de la CAQ a fait adopter une importante réforme en santé et sécurité du travail en 2021. Cette réforme prévoyait un délai ferme se terminant le 6 octobre 2024 afin que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) adopte un règlement sur les mécanismes de prévention et de participation pour mieux protéger les travailleuses et les travailleurs et améliorer le bilan lésionnel. Rappelons que ce bilan est loin de s’améliorer, d’où la nécessité de ces mécanismes.

Également au cœur des travaux, des changements à la gouvernance de la CNESST dans l’objectif de répondre aux critiques soulevées à plusieurs reprises par le Vérificateur général du Québec[1]. Celui-ci révélait que la CNESST ne joue pas son rôle d’agent de changement dans l’actualisation du régime de santé, ce qui impose un retard en matière de prévention des risques et des dangers dans les milieux de travail au Québec.

Les modifications apportées à cette gouvernance ont permis au conseil d’administration paritaire de la CNESST, composé de sept membres patronaux et de sept membres syndicaux, d’infléchir cette tendance en ce qui a trait à son rôle comme agent de changement. Ainsi, le 19 septembre 2024, le conseil d’administration de la CNESST a adopté à l’unanimité la version finale du Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement, et ce, dans le délai qui lui était imparti par la loi.

Or, depuis plus de deux mois, à notre grande surprise vu le consensus obtenu, nous attendons que le Conseil des ministres entérine ce règlement.

Que se passe-t-il ? La CNESST s’est engagée dans de vastes travaux afin d’améliorer la santé et la sécurité du travail de façon concrète. En ce sens, un règlement a été adopté unanimement par les acteurs représentatifs du domaine du travail qui avaient été nommés par le gouvernement. Pour nous, la mission est accomplie. Nous nous expliquons mal cette attente, puisque nous considérons que la protection des travailleuses et des travailleurs a déjà assez attendu.

 

[1]   Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2015-2016, mai 2015, Vérification de l’optimisation des ressources Printemps 2015, chapitre 4 ; Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2019-2020, mai 2019, Rapport du commissaire au développement durable, chapitre 3

Le vrai changement demande du courage politique

Dès la naissance de Santé Québec, sa PDG, Geneviève Biron, prend bien soin de diminuer les attentes. Ce n’est pas demain, dit-elle, que les patientes et les patients verront un changement concret dans leur capacité à obtenir les soins et les services dont ils ont besoin.

Cela ne doit pas nous étonner. Des rebrassages de structures en santé et services sociaux, on en vit chaque fois qu’un nouveau gouvernement est élu depuis 25 ans. Fusionner les services et centraliser les décisions n’a rien d’une idée neuve. On nous dira qu’on ne perd rien à essayer… Pourtant, les travailleuses et les travailleurs du réseau qui subissent sans cesse ces réformes n’ont vu qu’une détérioration de la situation. D’autant plus que ces réformes, tout comme celle menant à la création de Santé Québec, étaient accompagnées d’une commande politique néfaste d’austérité. Ils attendent encore un vrai changement.

Ce vrai changement, c’est de miser à 100 % sur notre réseau public une bonne fois pour toutes et de fermer pour de bon la porte à la privatisation. Depuis 25 ans, nos gouvernements n’ont cessé de privatiser le réseau au point où le Québec est aujourd’hui l’endroit au Canada où le privé joue le plus grand rôle dans le système. Est-ce que cela a amélioré la situation ? Bref, si le privé faisait partie de la solution, on le saurait !

Au contraire, ce qu’on est forcés de constater, c’est que les gens ont de moins en moins accès aux soins et aux services requis par leur état de santé. Loin d’être complémentaire au public, le privé s’érige en concurrent du réseau public et en vampirise les ressources. Au bout du compte, même si de plus en plus de services offerts au privé sont couverts par l’assurance maladie, cela nous coûte collectivement très cher. Pensons aux agences privées de placement de personnel qui exigent un profit chaque fois qu’un établissement fait appel à elles pour pallier les problèmes de main-d’œuvre… des problèmes créés précisément par ces agences qui s’arrachent ce personnel.

Pour nous, la seule manière de changer les choses pour toutes les Québécoises et tous les Québécois est de revaloriser d’urgence le réseau public. À cet effet, nous proposons trois mesures qui permettront de stopper la privatisation en cours :

  • Mettre fin à l’exode des médecins vers le secteur privé ;
  • Cesser d’octroyer des permis de cliniques privées à but lucratif ;
  • Décréter un moratoire sur tous les projets de privatisation du travail et des tâches effectués par le personnel du réseau public.

Ces mesures peuvent être mises en place très rapidement. Tout ce dont le gouvernement a besoin, c’est de courage politique.

Drame inacceptable à l’établissement de détention de Sorel-Tracy: le SAPSCQ-CSN, la FEESP-CSN et la CSN témoignent leur soutien et exigent des actions immédiates

À la lumière de l’agression violente survenue à l’établissement de détention de Sorel-Tracy, Mathieu Lavoie, pour le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN), Stéphanie Gratton, 1ère vice-présidente de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN) et Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) tiennent à exprimer leur solidarité envers l’agent blessé, ses collègues et ses proches, tout en dénonçant vigoureusement l’inaction qui a menée à cette tragédie.

« C’est avec une grande colère que nous avons appris que l’un de nos membres a été sauvagement agressé, a déclaré Mathieu Lavoie, président du SAPSCQ-CSN. Nos pensées vont d’abord à lui, à ses proches, et à ses collègues qui subissent les répercussions de cet événement bouleversant. Personne ne devrait avoir à affronter une telle violence dans le cadre de son travail. »

M. Lavoie a rappelé que ce drame met en lumière une réalité dénoncée par le syndicat depuis des années : « Le manque flagrant de personnel dans nos établissements est une bombe à retardement. À plusieurs reprises, nous avons averti les gens concernés que cette situation critique mènerait à des accidents incidents. Malheureusement, aujourd’hui cela s’est produit. »

Il a également souligné l’urgence d’agir pour assurer la sécurité des agents correctionnels : « Nous exigeons que le gouvernement comble les postes vacants et mette fin à cette surcharge insupportable. Il faut aussi fournir des ressources adaptées pour gérer les crises et soutenir les agents qui subissent des traumatismes au quotidien. La santé psychologique, tout comme la sécurité physique, doit être une priorité. Nous sommes à 100 % aux côtés de notre collègue blessé. Il ne traversera pas cette épreuve seul. »

Stéphanie Gratton, 1ère vice-présidente de la FEESP-CSN, a ajouté : « C’est avec une immense tristesse et beaucoup d’empathie que nous témoignons notre solidarité envers cet agent correctionnel qui a vécu l’horreur au travail. Nous souhaitons de tout cœur qu’il se rétablisse rapidement et qu’il ait accès à toutes les ressources nécessaires pour surmonter ce traumatisme. »

Mme Gratton a dénoncé l’inaction prolongée du ministère de la Sécurité publique : « Cela fait trop longtemps que cette situation perdure dans nos établissements correctionnels provinciaux. L’inaction est honteuse, et ce drame illustre de manière brutale les conséquences de leur immobilisme. Nous exigeons des actions immédiates et concrètes pour garantir la sécurité des membres et éviter d’autres tragédies. »

Caroline Senneville, présidente de la CSN, a également exprimé son soutien et insisté sur les enjeux plus larges de la violence en milieu de travail : « Je suis profondément émue et bouleversée par ce drame. À cet agent blessé, à ses proches et à ses collègues, je veux témoigner de tout mon soutien et leur dire qu’ils ne sont pas seuls dans cette épreuve. »

Mme Senneville a rappelé l’urgence d’une mobilisation collective : « Aucun travailleur ne devrait craindre pour sa vie en se rendant au travail. La violence sous toutes ses formes est inacceptable dans une société qui aspire à la justice et à l’équité. La CSN renouvelle son engagement à se battre pour la sécurité et la dignité de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs. Nous sommes solidaires et déterminés à faire en sorte que personne n’ait à revivre un tel drame. »

N.B. Les organisations syndicales ne commenteront pas sur les détails de la situation ou sur l’état de santé de l’agent correctionnel.