Les blessures physiques et psychologiques subies par les trois travailleuses de l’urgence du CSSS situé à Magog témoignent des problèmes de violence qui rongent le réseau de la santé et des services sociaux. Le manque de prévention en santé et sécurité du travail ainsi que la surcharge de travail sont quelques-uns des facteurs qui peuvent expliquer cette triste réalité. « Il n’y a qu’un seul agent de sécurité dans tout le CSSS. Une seule personne qui gère toutes les situations qui peuvent se produire dans l’établissement. Ça peut devenir problématique s’il arrive quelque chose à l’urgence et que celle-ci est sur un autre étage de l’établissement », explique Mélissa Gaouette, vice-présidente à la FSSS–CSN. Le syndicat a signifié ce problème à l’employeur il y a un an, en demandant une présence accrue de l’agent à l’urgence, mais sa demande est restée sans réponse. L’incident a aussi un lien avec la surcharge de travail que subissent les travailleuses et les travailleurs du réseau. « On parle d’une agression violente ! Le problème, c’est qu’au quotidien, les infirmières du triage se heurtent à l’impatience — voire parfois à l’agressivité — des patients due aux délais d’attente. De plus, elles doivent faire face à une clientèle aux prises avec des problèmes psychiatriques, parfois intoxiquée, souvent en attente d’un transfert en psychiatrie. Il y a surcharge de travail. Il y a trop de patients admis pour le nombre d’infirmières en place », ajoute Mme Gaouette.
Le cas du CSSS de Memphrémagog n’est pas isolé. Les agressions physiques violentes sont fréquentes dans le réseau de la santé et des services sociaux. Des chiffres dévoilés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) révélaient que de 2010 à 2013, les lésions liées à la violence en milieu de travail ont connu une hausse de 21,3 % chez les travailleuses et les travailleurs de la santé. Ce sont les femmes qui sont davantage victimes de cette violence. En 2013, elles ont subi 68,5 % des lésions physiques attribuables à la violence en milieu de travail.
La pointe de l’iceberg
Les chiffres avancés par la CSST ne sont que la pointe de l’iceberg. Un nombre incalculable d’incidents où les usagers utilisent un ton agressif et intimidant ne sont pas répertoriés, par peur de représailles ou faute de temps pour remplir les rapports de plainte. Les agressions physiques comme les morsures ou les bousculades sont aussi souvent laissées sans suite. Une violence de tous les jours qui passe sous silence, mais qui fait mal. « Les victimes d’agression physique ou verbale hésitent à rapporter les incidents ou encore à porter plainte parce qu’elles ont l’impression que ça fait partie du travail. Leurs patients sont malades et c’est ce qui explique — et excuse — leur comportement. D’autres n’iront pas plus loin dans leurs démarches par peur de répercussions négatives sur leur emploi », relate Guy Laurion, lui aussi vice-président à la FSSS–CSN. Selon un sondage mené en 2013 par l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS), les travailleuses et les travailleurs du réseau, incluant les cadres, sont confrontés à 14 épisodes de violence par an.
Lésions attribuables à la violence
en milieu de travail
Lésions psychiques
• 65,3 % sont attribuables à un choc nerveux
• 18 % sont attribuables à des troubles d’adaptation
• 12,7 % sont attribuables au stress
• 64 % des lésions psychiques touchent les femmes
Lésions physiques
• 76,6 % sont attribuables à des agressions physiques (coups, bousculades, agressions sexuelles, morsures, etc.)
• 19 % sont attribuables à des voies de fait et à des actes violents
• 68,5 % des lésions physiques touchent les femmes
De tous les milieux de travail, c’est celui de la santé qui est le plus touché par la violence en milieu de travail. En 2013, 37,7 % des lésions touchaient le personnel de la santé, suivi par celui du milieu de l’enseignement, avec 16,6 %.
Source : Statistiques sur les lésions attribuables à la violence en milieu de travail 2010-2013, CSST.
Violence austère
Toutes les raisons évoquées pour expliquer les actes de violence perpétrés découlent directement du sous-financement et des coupes incessantes imposés depuis des années au réseau. « Il n’y a pas d’argent pour embaucher un deuxième agent de sécurité, il n’y a pas d’argent pour avoir davantage de personnel sur le plancher. Il n’y a pas d’argent pour réduire le temps d’attente — ce qui engendre frustration et comportements violents chez les patients —, bref, on refuse sciemment d’investir pour mettre en place des solutions concrètes qui enrayeraient le problème », note Guy Laurion. Les politiques d’austérité du gouvernement libéral font en sorte que les travailleuses et les travailleurs sont davantage livrés à eux-mêmes pour faire face à cette violence et doivent composer avec un réseau de plus en plus sous pression. « Les syndicats ont un rôle majeur à jouer pour que cesse le sous-investissement du réseau et pour que les travailleuses et les travailleurs puissent faire leur travail dans des conditions sécuritaires. Il ne faut jamais hésiter à déclarer les cas de violence, à les dénoncer, à les documenter », explique Guy Laurion.
Quelques semaines après les événements malheureux, deux des trois femmes victimes de violence à l’hôpital de Magog sont toujours en arrêt de travail. La lutte du syndicat est loin d’être terminée. « On ne veut pas que les choses en restent là. On a exigé de l’employeur qu’une enquête détaillée soit menée afin de s’assurer que ce type de situation ne se reproduise pas. Notre demande d’avoir une présence accrue de l’agent de sécurité est plus que jamais pertinente.
Collectivement, nous nous élevons de plus en plus contre la violence. Celle perpétrée au travail est tout aussi inacceptable que celle qui se déroule derrière les portes closes des maisons. Prenons la parole et dénonçons la violence. C’est le premier geste à poser pour changer les choses », conclut Mélissa Gaouette.
L’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS) organise, ce printemps, des colloques sur le thème de la violence au travail. Du 21 avril au 5 mai, Trois-Rivières, Rimouski, Lévis, Mirabel et Longueuil seront les hôtes de ces cinq rencontres. asstsas.qc.ca/evenements