Plusieurs régions du Québec font face à une crise du logement qui semble s’installer pour de bon. La nouvelle donne climatique, la pénurie de main-d’œuvre et l’« uberisation » du tourisme compliquent toutefois la vie de celles et ceux qui sont frappés par celle-ci. François Roy de Logemen’Occupe nous explique la situation en Outaouais.
PS : Quel est l’état de la crise du logement en Outaouais ?
« En ce moment, la région de l’Outaouais affiche un taux d’inoccupation historique de 1,2 % et, à Gatineau, celui-ci tombe à 0,8 %. Pour les logements familiaux de trois et quatre chambres à coucher, il n’y a tout simplement aucun logement disponible, et ce, dans plusieurs quartiers. Et les seules unités disponibles sont inabordables pour les familles modestes ou à faible revenu. Rappelons que, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), l’équilibre du marché locatif est atteint lorsque les taux d’inoccupation sont à 3 %, et qu’il y a crise en deçà de 1,5 %.
PS : Est-ce que les pouvoirs publics soutiennent la population ?
« Malgré la gravité de la situation et au contraire de ce qu’ils avaient mis en place au début des années 2000, les pouvoirs publics n’offrent aucun soutien aux ménages pris dans l’actuelle crise. De 2001 à 2005, plusieurs mesures d’aide aux municipalités avaient été mises en place, dont du soutien au déménagement et à l’entreposage, de l’hébergement d’urgence ainsi que le programme de supplément au loyer. Cette subvention aux familles à faible revenu finançait la différence entre le coût d’un logement à prix modique et celui d’un logement dans le marché privé. Or, rien n’a été prévu cette fois-ci, alors que la crise est bien pire.
PS : Est-ce que les phénomènes météorologiques extrêmes et les inondations ont eu un impact sur la situation ?
« Effectivement, plusieurs centaines d’unités ont été détruites lors de ces événements, ce qui aggrave la situation. Les propriétaires qui en sont victimes occupent des logements meublés de transition que les propriétaires privés louent plus cher et qui sortent du marché locatif permanent. Ils sont plus chers, mais moins qu’une chambre d’hôtel et plus conviviaux pour les familles délocalisées des zones inondées. Ces logements de transition sont également convoités par la main-d’œuvre qui transite entre deux habitations dans deux villes éloignées.
PS : Il y a donc une influence de la pénurie de main-d’œuvre sur cette crise ?
« En fait, la pénurie de main-d’œuvre qui sévit en ce moment vient saturer le marché locatif, particulièrement à cause des nouvelles travailleuses et nouveaux travailleurs qui viennent combler les emplois offerts dans la région. Alors que certains d’entre eux occupent deux logements, un dans leur ville d’origine et un ici, près d’où ils travaillent, d’autres font carrément l’aller-retour de Montréal à Gatineau, à tous les jours, du fait qu’ils ne trouvent pas un logement adapté à leurs besoins.
PS : Est-ce qu’il y a d’autres éléments qui entrent en jeu ?
« Dans la région de Gatineau, nous trouvons à peu près 200 unités de logement qui sont monopolisées pour les locations touristiques de type Airbnb, ce qui soustrait d’autant le nombre d’unités disponibles pour du logement permanent. Tout ceci au même moment où le gouvernement a également resserré les critères d’accession à la propriété, ce qui pousse plusieurs ménages vers des logements locatifs.
« Au final, le plus grand problème auquel nous faisons face, c’est l’incapacité du secteur privé à répondre rapidement et adéquatement à la demande de logements locatifs, particulièrement pour les familles à faible revenu. Les mises en chantier de condos atteignent des sommets alors que, partout au Québec, nous avons un cruel besoin de logements abordables pour les familles modestes ou à faible revenu. »
Le passé démontre que les gouvernements peuvent intervenir par l’imposition de politiques d’inclusion qui obligent les promoteurs à inclure des logements abordables dans leurs projets ou en finançant publiquement des projets de logements sociaux.