Le 31 janvier 2025 marquait le troisième anniversaire de la lutte menée par les résidents de Mont-Carmel contre l’entreprise dirigée par Henry Zavriyev. Le bilan déposé à cette occasion par le Comité Sauvons le Mont-Carmel rappelle la résistance soutenue des résidents qui a dû être menée au quotidien, à l’interne de la résidence, pour préserver leurs droits. Autour de cette résistance, un vaste mouvement de solidarité et d’alliances s’est exprimé à l’échelle du Québec.
Des victoires significatives ont été remportées sur le plan judiciaire. Parmi celles-ci, soulignons le tout récent jugement condamnant la compagnie du propriétaire à verser des amendes totalisant 216 000 $ pour outrage au tribunal, en violation de l’ordonnance de la Cour supérieure l’obligeant à maintenir l’exploitation et la certification de Mont-Carmel à titre de résidence privée pour aînés (RPA). La ténacité des résidents à faire valoir leurs droits a alors eu raison de la mauvaise foi du propriétaire des lieux.
Ces victoires confirment le bien-fondé des démarches des résidents visant à préserver un milieu de vie qui favorise le maintien de la santé et assure la sécurité des résidents, car le droit au logement ne se limite pas au seul droit d’avoir un toit au-dessus de la tête !
Le bilan rappelle toutefois qu’en dépit des gains obtenus, qu’en dépit également des multiples interventions faites auprès du propriétaire et des gestionnaires de l’immeuble, la vie au quotidien des résidents demeure difficile à plusieurs égards, notamment en ce qui a trait à la sécurité.
La situation à Mont-Carmel ainsi que les nombreuses fermetures de résidences privées pour aînés (RPA) survenues depuis les dernières années ont aussi permis de mettre en lumière les lacunes dont fait preuve l’actuel régime des RPA. Ces lacunes d’ordre législatif et réglementaire n’offrent en fait aucune protection efficace aux personnes vivant dans une RPA en cas de réaffectation de l’immeuble par le propriétaire. Tout au plus, les CISSS ou CIUSSS « accompagneront » les personnes dans leur déménagement.
Durant ces trois dernières années, certes, votre gouvernement a adopté quelques mesures qui assurent une protection, quoique limitée, aux locataires aînés contre les évictions. On pense ici au renforcement de la « loi Françoise David » ainsi que l’imposition d’un moratoire de trois ans, lequel prendra fin en juin 2027, sur les évictions pour subdivision, agrandissement substantiel ou changement d’affectation. Cependant, aucune modification n’a été apportée au régime des RPA.
Aussi, en dépit des représentations qui vous ont été faites par les résidents de Mont-Carmel en vue d’une sortie de crise, votre gouvernement n’y a démontré aucun intérêt palpable.
Or, vous avez en main le pouvoir d’agir pour changer la donne.
En ce qui concerne plus spécifiquement le cas de Mont-Carmel, vous n’êtes pas sans savoir que la Ville de Montréal a récemment assujetti l’immeuble de la Résidence Mont-Carmel à un droit de préemption qui donne à Montréal la priorité sur tout autre acheteur, et ce pour une période de 10 ans. Dès lors, voici le bon moment pour le gouvernement du Québec de soutenir concrètement les démarches en cours visant à soustraire cette résidence du marché privé, faciliter sa prise en charge par le milieu communautaire et assurer ainsi une sortie de crise où les résidents seraient associés aux décisions concernant leur milieu de vie.
Par ailleurs, il est grand temps que votre gouvernement use de son pouvoir d’intervention pour mettre un terme au déni de droit des personnes aînées demeurant en RPA. En ce sens, nous vous pressons d’instaurer des obligations liées à la certification des RPA, notamment pour maintenir le statut, les services offerts et réguler les coûts des loyers ainsi que faciliter l’appropriation et la gestion communautaire ou publique de toute RPA à risque de fermeture ou en défaut face à ses obligations.
Monsieur le Premier Ministre Legault, et Mesdames les Ministres Bélanger et Duranceau, faut-il rappeler que Mont-Carmel n’est malheureusement pas un cas isolé ? Nous pensons ici tout particulièrement à chacun des résidents du Manoir Louisiane, à ceux et celles de la résidence du Jardin botanique, à ceux et celles de la Seigneurie de Salaberry, qui se sont retrouvés du jour au lendemain évincés de leur lieu de résidence afin de satisfaire la recherche de profits de propriétaires sans états d’âme. Chaque fois, ce sont des personnes dont la moyenne d’âge est très élevée (à Mont-Carmel, actuellement l’âge de la majorité des résidents oscille entre 75 et au-delà de 85 ans), souvent très isolées et en situation de vulnérabilité, à revenu modeste.
Le contexte politique et économique actuel, exacerbé par le retour en piste de Donald Trump, ne doit pas occulter les problématiques sociales qui nécessitent une intervention gouvernementale, et celle du droit au logement des personnes aînées en fait éminemment partie.
Trois ans plus tard, les résidents de Mont-Carmel ne cessent de démontrer leur détermination à faire valoir leurs droits et le mouvement de solidarité qui s’est formé autour de ce noyau de résistance, dont nous sommes partie prenante, n’est pas près non plus de lâcher prise !