Quand les quatre fédérations du secteur public de la CSN (FSSS–CSN, FEESP–CSN, FNEEQ–CSN et FP–CSN) entament la ronde de négociation au début 2022, elles viennent à peine de reprendre leur souffle de la négociation précédente. La convention collective en vigueur à ce moment-là, d’une durée de trois ans, arrivera à échéance en mars 2023. Il faut donc déjà entreprendre les travaux et l’idée de se regrouper est vite évoquée. Devant la popularité de la CAQ qui vogue vers une réélection facile, les avantages d’une alliance sont nombreux. À ce constat s’ajoute l’inflation importante qui sévit.
C’est dans cette conjoncture que le Front commun prend forme. Au printemps 2022, la CSN, la CSQ et la FTQ annoncent leur intention de négocier ensemble les matières de la table centrale. Quelques mois plus tard, l’APTS adhère au Front commun. Les organisations sont alors loin de se douter de l’ampleur que prendra la mobilisation des travailleuses et des travailleurs aux quatre coins du Québec et de l’impressionnante adhésion de la population au mouvement de grève.
C’est finalement le 28 décembre 2023 qu’une hypothèse d’entente à la table centrale se concrétise. Après des mois de négociation et de mobilisation historique, le Front commun juge l’entente assez intéressante pour la présenter aux membres, qui auront le dernier mot.
La tournée de consultation se tient du 15 janvier au 20 février 2024. Au terme de l’opération, l’entente est adoptée à hauteur de 74,8 % par les 170 000 membres du secteur public de la CSN. « Ce résultat démontre que cette entente est porteuse, bien que le gouvernement ne soit pas au bout de ses peines : nos services publics doivent encore être grandement améliorés », note le premier vice-président de la CSN et responsable de la négociation du secteur public, François Enault.
Que prévoit l’entente de la table centrale ?
Sur le plan salarial, les augmentations sont de 17,4 % sur cinq ans, dont une augmentation de 6 % dès la première année. Des augmentations de 2,8 %, 2,6 %, 2,5 % et 3,5 % sont prévues pour les années suivantes. Si on calcule l’effet composé, l’entente totalise 18,6 % d’augmentation salariale.
Pour une première fois depuis des décennies, les trois dernières années de la convention seront couvertes par une protection du pouvoir d’achat. Si l’inflation est plus élevée que les augmentations prévues, un ajout pouvant aller jusqu’à 1 % par année s’applique.
Autres gains
En plus des augmentations salariales, cette entente prévoit l’acquisition du droit à une cinquième semaine de vacances après 15 ans d’ancienneté plutôt que 17 ans, comme c’est le cas actuellement. Cette semaine se complètera à l’atteinte de 19 ans d’ancienneté au lieu de 25.
Des améliorations au régime de retraite sont aussi obtenues, dont la possibilité de prolonger l’entente de retraite progressive jusqu’à sept ans (le maximum permis est actuellement de cinq ans) et de participer au Régime de retraite du personnel employé du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) jusqu’à 71 ans. Le régime de droits parentaux est lui aussi bonifié, notamment par l’ajout d’une journée à la banque de congés spéciaux à l’occasion de la grossesse et de l’allaitement.
Concernant les assurances, une bonification des contributions conventionnées de l’employeur pour l’assurance maladie s’ajoute, soit 150 $ pour une protection individuelle et 300 $ pour une protection familiale ou monoparentale.
La prime d’attraction et de rétention pour contrer la pénurie d’ouvriers spécialisés est aussi bonifiée, passant de 10 % à 15 %, en plus de s’appliquer à deux titres d’emploi supplémentaires. Finalement, une majoration salariale de 10 % pour les psychologues de tous les réseaux est négociée.
Des attentes immenses
À la question : « Est-ce une bonne entente ? », le premier vice-président de la CSN répond sans la moindre hésitation : « Oui ».
« Nous avons défoncé des portes : l’intégration dans l’échelle salariale du montant forfaitaire qu’on nous offrait au départ, la protection du pouvoir d’achat que nous allons souhaiter pérenniser lors de la prochaine négociation et la cinquième semaine de vacances. Ces gains constituent des avancées majeures. Il va sans dire que nous continuerons à améliorer ces acquis lors des prochaines rondes », explique François Enault. « Cette entente nous positionne bien pour la négociation 2028. »
Le Front commun l’a répété souvent, les attentes des membres étaient immenses : les traumatismes de la pandémie, l’inflation, l’augmentation de 30 % du salaire des député-es, la grève historique et bien d’autres facteurs ont créé un contexte particulier, voire survolté. « On savait que des membres seraient peut-être déçus. Mais en regardant le résultat des votes d’assemblées générales, on voit que les travailleuses et les travailleurs ont saisi l’importance des gains que nous sommes allés chercher », note François Enault.
« Nous sommes aussi très fiers d’avoir terminé cette négociation en Front commun. On n’avait pas vu ça depuis longtemps. Alors que trop souvent, ce genre d’alliance s’étiole vers la fin, cette fois-ci, elle a tenu le coup. On ne sait pas comment se déroulera la ronde 2028, mais une chose est sûre : on va repartir la prochaine négociation sur des bases solides. »