Il est navrant de constater, à moins d’une semaine de l’échéance électorale, à quel point la plupart des partis politiques engagés dans cette campagne semblent être incapables d’aller plus loin que lors de la période de questions à l’Assemblée nationale. Les invectives pleuvent de toutes parts, à savoir qui est plus intègre que l’autre ; des campagnes de peur sont menées, qui sur la souveraineté, qui sur l’intégrisme religieux. Mais avancer des solutions qui sortiraient de leur condition, par exemple, les plus démunis de notre société ? Rien, ou si peu. On se croirait dans une cour d’école.
Peut-on s’attendre à une fin de campagne où les enjeux politiques pour le Québec seront réellement débattus ? Malgré l’allure qu’elle a prise jusqu’à maintenant, nous l’espérons toujours.
Le 20 mars dernier, la CSN a écrit aux chefs des quatre partis politiques présents à l’Assemblée nationale pour leur faire part de ses préoccupations à l’égard des lois du travail, des services publics, des programmes sociaux, de l’écologie, du développement économique et de la souveraineté du Québec. Jusqu’à maintenant, seul Québec solidaire a pris la peine de nous répondre. Saluons ses efforts pour mettre en avant la question sociale. Nous attendons toujours la réponse des autres.
Au fait, dans cette campagne qui n’aborde pas les questions plus près des préoccupations du monde ordinaire, les gens voteront sur quoi au juste ?
Un débat sur la fiscalité
Nous aurions souhaité que les politiques d’austérité soient mises sur la table. N’est-il pas curieux que le très conservateur Fonds monétaire international sonne le glas des restrictions budgétaires et plaide pour le retour à des investissements publics pour relancer l’économie et endiguer l’endettement, alors que la plupart des partis en lice au Québec pour former le nouveau gouvernement en sont encore à proposer des compressions dans les services publics et à diminuer un peu plus le rôle de l’État ?
Pourtant, le Québec s’est tiré mieux que tous les autres États de la dernière crise économique, en raison justement de la qualité de ses services publics et de son système de protection sociale. À force de vouloir rembourser la dette, au détriment des politiques sociales, c’est la spécificité même du Québec qui est dénaturée. Il en restera quoi pour les prochaines générations ?
C’est pour cela que nous demandons au prochain gouvernement de convoquer un débat public large sur l’ensemble des questions touchant à la fiscalité, aux services publics, aux programmes sociaux, à la situation financière du gouvernement et à l’état du fédéralisme fiscal canadien. Ces consultations seraient l’occasion de rappeler que l’objectif principal de la fiscalité est d’assurer le financement des services publics et des programmes sociaux que la société québécoise a choisi de se donner et auxquels nous tenons.
Les lois du travail
Sur la question des lois du travail, la campagne a permis quelques engagements. La première ministre Marois a annoncé qu’elle légiférerait sur les aspects touchant la santé et la sécurité du travail, et sur la précarité en ciblant les agences de placement et les travailleuses domestiques, ce qui est très bien. Philippe Couillard a pour sa part indiqué qu’il envisagerait de moderniser les dispositions anti-briseurs de grève dans un premier mandat. De son côté, Québec solidaire propose de réformer le Code du travail pour, dit-il, mieux protéger les travailleuses et les travailleurs.
Nous désirons rappeler que lors du très long conflit au Journal de Montréal, les partis présents à l’Assemblée nationale avaient unanimement convenu de revoir les dispositions anti-briseurs de grève pour rééquilibrer le rapport de force entre patrons et syndiqués lors d’un conflit de travail. Ils doivent aller de l’avant à cet égard.
Le Code du travail, qui fête ses 50 ans cette année, doit être dépoussiéré pour offrir un encadrement qui favorise pleinement le droit d’association et ne vienne pas brimer les travailleurs lors d’une grève ou d’un lock-out. C’est ce que nous avons indiqué aux partis politiques. Nous leur avons aussi dit que des gestes concrets doivent être posés pour tendre vers plus d’équité et de justice sociale. Une semaine normale de travail ne doit plus rimer avec pauvreté. Le salaire minimum doit donc être rehaussé de façon significative. Il en va de même des normes du travail, un rempart qui doit mieux protéger les travailleuses et les travailleurs non syndiqués.
Plus de démocratie
Le prochain gouvernement doit aussi jouer un rôle essentiel pour stimuler l’économie à court terme, pour réguler le secteur financier, pour renforcer les politiques de développement régional, pour assurer une exploitation de nos ressources naturelles respectueuses de l’environnement et des générations futures. Tout comme il devrait élaborer et mettre en œuvre une politique industrielle qui relance le secteur manufacturier québécois en s’appuyant sur les principes du développement durable.
Nous avons aussi fait part aux chefs des partis de notre préoccupation sur la démocratie et qu’ils doivent être à l’écoute du peuple québécois. Des consultations sur les enjeux liés au libre-échange, toujours négocié en catimini, et une révision du mode de scrutin sont deux exemples concrets d’actions qui confirmeraient, pour nous, le désir du prochain gouvernement de placer le citoyen à l’avant-scène.
Mais plus encore, nous attendons du prochain gouvernement qu’il s’engage résolument à respecter le droit des citoyennes et des citoyens à décider eux-mêmes de leur avenir, celui de se prononcer pour l’indépendance politique du Québec.