Le 16 septembre dernier, lors d’une rencontre à laquelle tous les membres du personnel de La Presse étaient conviés, le président et éditeur du quotidien, Guy Crevier, annonçait la fin de l’édition papier en semaine à compter du 1er janvier 2016, l’édition imprimée ne demeurant que le samedi.
La semaine suivante, la direction concrétise ce fait en abolissant 158 postes touchant autant d’employé-es. L’Intersyndicale de La Presse dénonce alors ces coupes qui sont supérieures aux affectations à l’édition papier du journal, avant même que n’arrive sa nouvelle plateforme numérique. Le regroupement des cinq unités syndicales présentes à La Presse s’inquiète notamment de la capacité de leurs membres à produire toujours plus avec moins.
Pour la haute direction de Gesca, il s’agissait d’une autre étape de l’importante réorganisation entreprise en 2009 au cours de laquelle des actifs majeurs ont été transférés à des filiales de Power Corporation du Canada alors que d’autres ont été cédés à des intérêts extérieurs. Gesca se félicitera plus d’une fois du succès de sa nouvelle plateforme qualifiée désormais de « viable » en dévoilant plusieurs données confirmant sa popularité sans toutefois préciser qui en ont été les maîtres d’œuvre : les travailleuses et les travailleurs syndiqués de La Presse.
Une contribution majeure
Dès 2010, les membres des syndicats de La Presse agiront en partenaires importants dans le virage numérique entrepris. En cinq ans, de nombreuses concessions seront consenties par tous les employé-es afin de permettre à La Presse d’investir 40 millions de dollars dans le projet de plateforme numérique de La Presse+. L’expertise des syndiqué-es jouera un rôle primordial dans le développement intégral de celle-ci.
Pour que la direction puisse réaliser son projet, plusieurs concessions majeures seront également accordées à l’employeur dès 2009. En tout, quelque 10 millions de dollars seront directement prélevés à même les conditions de travail : gel salarial, augmentation des heures travaillées, réduction des heures supplémentaires, augmentation de la semaine de travail de quatre à cinq jours, concessions sur le régime de retraite ainsi que sur les assurances. Bref, les salarié-es auront été largement mis à contribution pour la réalisation du projet.
Même si ce fait ne sera pas largement diffusé sur la place publique, aux dires d’André Desmarais, président délégué du conseil d’administration, si La Presse a survécu, c’est grâce au rôle qu’ont joué les syndicats. Pour leur part, les élu-es syndicaux préféreront en attribuer le mérite à celles et ceux qui paient encore le prix de cette importante restructuration, les membres.
La Presse+ ou La Presse– ?
Depuis le lancement de La Presse+ le 18 avril 2013, la majorité des travailleuses et des travailleurs de La Presse naviguaient déjà entre les deux versions du quotidien. En plus de produire 40 % de nouveaux contenus exclusifs à sa plateforme numérique, ce qui leur imposait une charge de travail supplémentaire, les salarié-es répondaient aux besoins de l’édition papier. En outre, La Presse+ est publiée une journée de plus chaque semaine, soit le dimanche, donc 364 jours par année (le 1er janvier étant un jour férié chômé) et la production des contenus informationnels et publicitaires demande plus de travail que l’édition papier.
Or, l’abolition des 158 postes ne tient pas compte de cette surcharge imposée ni du fait que la direction ait choisi de conserver son édition papier du samedi en 2016. Concrètement, la direction se sert du prétexte du virage technologique pour réduire considérablement le nombre de ses salarié-es et leur demander encore une fois de faire plus avec moins.
Qualifiant ces coupes d’irréalistes pour continuer de répondre à une information de qualité et diversifiée, l’Intersyndicale de La Presse doit désormais composer avec un changement d’attitude de la part de la direction. En effet, avant l’annonce des coupes, celle-ci prenait le temps de consulter les élu-es syndicaux avant d’appliquer de nouvelles décisions dans leur milieu de travail, ce qui n’est plus le cas.
La Presse doit ouvrir ses livres
Alors que les conventions collectives de La Presse sont échues depuis le 31 décembre 2015, les syndicats croient fermement qu’un dialogue menant à un nouveau contrat de travail doit d’abord reposer sur la transparence financière de l’entreprise. Les travailleuses et les travailleurs sont pleinement responsables du succès de La Presse+ et il serait temps que la haute direction le reconnaisse dans des gestes concrets.
Voilà pourquoi, au fil des ans, les syndicats ont demandé à plusieurs reprises à La Presse d’ouvrir ses livres comptables en toute transparence. Malheureusement, malgré tous les efforts déployés, les finances de La Presse sont toujours aussi opaques. La direction a systématiquement refusé toute collaboration à ses principaux partenaires dans cette aventure : les employé-es de La Presse.
L’Intersyndicale de La Presse représente quelque 600 employé-es syndiqués. Ce regroupement est formé de quatre syndicats affiliés à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et d’un syndicat affilié à la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) :
- Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse (CSN)
- Syndicats des employés de bureau de journaux (CSN)
- Syndicat de l’industrie du journal du Québec (distribution – CSN)
- Syndicat des travailleurs et travailleuses du centre de l’informatique de La Presse (CSN)
- Syndicat des employés professionnels et de bureau (publicité–FTQ)