Intervenant devant la Commission des finances publiques, la CSN a expliqué en quoi le projet de loi 108 favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’Autorité des marchés publics manque pour le moins de mordant pour atteindre les objectifs qu’il poursuit.
La CSN est la seule organisation syndicale qui intervient dans le cadre de cette commission parlementaire. Au cours des dernières années, elle a exigé la tenue d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction tout en soutenant l’adoption de la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics. En outre, la CSN a réclamé la tenue d’une enquête publique sur le processus d’octroi des contrats publics afin de mettre en lumière la corruption, la collusion et le financement occulte des partis politiques, et les activités criminelles dans l’industrie de la construction.
« Le projet de loi 108 est inachevé, déplore le trésorier de la CSN, Pierre Patry. Le gouvernement a l’obligation de faire mieux, entre autres pour regagner la confiance du public et pour s’assurer de l’intégrité du processus d’octroi des contrats publics. Après les scandales de collusion et de corruption, et dans la suite des travaux de la commission Charbonneau, tout le monde espérait que le gouvernement Couillard accorde tous les moyens nécessaires à cette nouvelle Autorité des marchés publics (AMP) pour qu’elle réalise adéquatement le mandat qui était attendu d’elle. Le projet de loi n’a rien de rassurant à cet égard. »
Pas d’approche globale de la corruption
Si la CSN souscrit aux efforts poursuivis pour assurer la surveillance des marchés publics et pour rehausser la confiance du public à leur endroit en attestant de l’intégrité des concurrents, elle estime que le projet de loi 108 ne va pas assez loin.
« Nous déplorons qu’il ne restreigne sa portée qu’à la phase des appels d’offres sans jamais considérer la collecte d’informations précontractuelles, d’indiquer le porte-parole de la CSN. On se prive ainsi de considérer l’étape en amont de ce processus, qui pourrait démontrer la collusion entre des entreprises qui ont constitué un cartel », de préciser le porte-parole syndical.
En outre, le mandat de l’AMP devrait aussi viser les problèmes des « extras », des appels d’offres truqués et des comportements anticoncurrentiels. En effet, la commission Charbonneau a exposé la pseudo concurrence et les ententes secrètes entre des entreprises faisant partie d’un cartel pour majorer les prix ou diminuer la qualité des biens ou des services au détriment d’un organisme public ou du gouvernement.
Des moyens suffisants ?
En cette période d’austérité imposée par le gouvernement Couillard depuis son élection, la CSN craint que l’AMP ne dispose tout simplement pas des ressources financières et du personnel suffisants pour qu’elle devienne « la référence en matière de surveillance des marchés publics », comme l’a affirmé le ministre Leitão lors de la présentation du projet de loi. « Compte tenu des attentes de la population depuis que les médias et la commission Charbonneau ont mis en lumière la corruption, la collusion et les malversations dans l’octroi des contrats publics, le gouvernement se doit de fournir à l’AMP toutes les ressources nécessaires à la réalisation du rôle qu’elle devrait jouer au Québec, de poursuivre Pierre Patry. À cet égard, nous sommes inquiets. »
Par ailleurs, la CSN estime que les délais accorder à l’AMP pour traiter les plaintes et ceux pour rendre une décision sont trop courts, rendant la procédure sommaire et expéditive.
Il est aussi inconcevable qu’une entreprise inscrite sur le registre des entreprises inadmissibles aux contrats publics puisse en tout temps présenter à l’AMP une demande d’autorisation de participer aux appels d’offres, sans jamais préciser les conditions d’une réadmission. « En agissant ainsi, on court-circuite les objectifs qui étaient poursuivis lors de la mise sur pied de ce registre, d’expliquer le trésorier de la CSN. C’est un non-sens ! »
Le secteur public : un rempart aux abus
Pour la CSN, la meilleure protection contre la collusion et la corruption, et la meilleure garantie pour offrir des services de qualité au meilleur prix, demeure le recours au secteur public. « Des exceptions peuvent survenir pour faire appel au secteur privé, mais ça devrait rester une exception, de poursuivre Pierre Patry. La commission Charbonneau a démontré tous les abus qui peuvent survenir en recourant au privé, mais il y a d’autres exemples qui sont très éloquents : les PPP du CHUM et du CUSM, notamment, qui sont de véritables fiascos, en raison de la perte de contrôle, de l’explosion des coûts, des délais interminables, etc. »
En commission parlementaire, la CSN réclamera donc du gouvernement qu’il renonce à la privatisation des services publics et qu’il limite le recours à l’entreprise privée. En outre, elle recommandera qu’il adopte une approche globale de la corruption et de la collusion et qu’il augmente la portée de la loi qui institue l’AMP en lui octroyant les ressources nécessaires, en améliorant le processus de traitement des plaintes et en augmentant ses pouvoirs.