Le Grand Prix de Montréal est sans doute l’un des événements les plus glamour et les plus jet set qui se déroule dans la métropole et, pourtant, l’exploitation sexuelle de femmes et de jeunes filles continue à s’y pratiquer presque au grand jour.
Après les innombrables débats sur la question, les études diverses et le dépôt de projets de loi pour tenter de contrer le phénomène, après le tapage médiatique et les dénonciations publiques, on banalise toujours autant la prostitution à Montréal. Même des ouvrages ou des sites connus et réputés présentent une définition édulcorée de la prostitution en omettant de parler d’exploitation. Le Larousse en ligne définit la prostitution comme un « acte par lequel une personne consent habituellement à pratiquer des rapports sexuels avec un nombre indéterminé d’autres personnes moyennant rémunération ; Wikipédia parle plutôt « d’une forme d’échange économico-sexuel ponctuelle, explicite et préalablement négociée ».
La définition adoptée par la CSN et présentée dans la publication La prostitution : une exploitation à dénoncer, une pratique à combattre est plus réaliste :
« La prostitution est d’abord l’organisation lucrative, nationale et internationale de l’exploitation sexuelle d’autrui. Les acteurs impliqués dans le système prostitutionnel sont multiples : prostituteurs, proxénètes, États, ensemble des hommes et des femmes. »
Lorsqu’une personne est exploitée sexuellement au bénéfice d’un système à but lucratif d’envergure nationale ou internationale, on peut difficilement parler de « consentement ». Plus de 80 % des personnes adultes prostituées au Canada (majoritairement des femmes) ont commencé à être exploitées alors qu’elles étaient mineures. Ces femmes avaient en moyenne entre 14 et 15 ans lorsqu’elles sont tombées dans ce piège. De plus, la proportion d’Autochtones parmi les jeunes prostituées au Canada varie entre 14 % et 85 %, selon le lieu géographique. Une telle proportion est nettement déséquilibrée par rapport à leur poids démographique. Ces données démontrent bien que la pauvreté, le racisme, l’exclusion sociale et les diverses formes de violences faites aux femmes sont les grandes portes d’entrée de la prostitution.
Combattre la prostitution
Notre société se dit égalitaire et, pourtant, on constate une résistance passive à admettre que la prostitution est un fléau auquel il faut s’attaquer. Le mythe du plus vieux métier du monde reste profondément ancré dans les mentalités, avec tous les préjugés qui l’accompagnent concernant la moralité des femmes qui sont exploitées.
Le lucratif système de l’esclavage a existé durant des milliers d’années et ses effets désastreux sur ses victimes étaient banalisés et tolérés. Nous avons pourtant réussi à le bannir. Le même défi social doit être relevé en ce qui concerne l’exploitation sexuelle, et les orientations de la CSN peuvent aider à le relever : décriminalisation des prostituées, criminalisation des proxénètes, criminalisation des prostituteurs (clients).
Nous avons toutes et tous une responsabilité envers la prostitution qui se pratique au Québec. L’indifférence et la tolérance collectives devant les diverses manifestations de sexisme ainsi que dans la publicité et la vie de tous les jours encouragent l’inertie et le fatalisme. Il faut aborder la situation avec un angle nouveau. Plutôt que de ne chercher qu’à augmenter la sécurité dans les centres jeunesse à l’approche du Grand Prix, ou d’autres périodes de « forte demande », condamnons la demande ! Lorsque des femmes sont utilisées comme des objets pour jouer les hôtesses d’événements, dénonçons ! Lorsque nous entendons des propos dégradants, réagissons !
Ensemble, il est temps de se mettre à l’ouvrage.