Le 21 novembre 2016, la Loi sur l’équité salariale aura 20 ans. Cet anniversaire mérite d’être célébré, puisque ces vingt années ont été marquantes pour les femmes québécoises. Avant l’adoption de la loi en 1996, la discrimination salariale à l’endroit des travailleuses était monnaie courante; celles-ci gagnaient en moyenne 30 % de moins que leurs collègues masculins.
De 2000 à 2010, l’écart entre le salaire horaire des femmes et celui des hommes s’est rétréci, passant de 16,51 % à 11,93 %. Il est incontestable que la Loi sur l’équité salariale a contribué à réduire ces écarts en obligeant les patrons à élaborer et à maintenir une structure salariale exempte de discrimination à l’égard des emplois majoritairement occupés par des femmes. En outre, cette loi transfère à l’employeur le fardeau de démontrer l’équité de rémunération entre les sexes. Ainsi, chaque femme victime d’iniquité salariale n’a plus à déposer une plainte individuelle à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse pour obtenir justice lorsqu’elle travaille dans une entreprise visée par cette loi.
Une démarche durable et inclusive s’impose
Malgré ces avancées, certains employeurs échappent encore à l’obligation d’éliminer la discrimination salariale fondée sur le sexe au sein de leur organisation. En effet, plusieurs d’entre eux n’ont toujours pas réalisé leur programme d’équité salariale même s’ils sont assujettis à la loi. De plus, 20 % de la main-d’œuvre québécoise travaille dans des entreprises qui ne bénéficient pas de la protection de cette loi, puisqu’elles comptent moins de 10 employé-es.
Par ailleurs, celles qui ont complété l’exercice initial d’équité salariale doivent procéder à une vérification aux cinq ans du maintien de l’équité. Cette démarche leur permet de s’assurer que les écarts de rémunération entre les emplois masculins et féminins ne se recréent pas au cours des ans. Rappelons que l’équité salariale ne s’évalue pas seulement à un moment précis : ceux qui croient qu’un seul exercice règle le problème pour toujours vénèrent la pensée magique.
Un processus opaque
Les problèmes s’étendent aussi à l’accès à l’information et à la participation des salariées. Depuis 2009, la loi a été modifiée de telle sorte que les employeurs ont toute la latitude pour procéder unilatéralement à l’évaluation du maintien de l’équité salariale. Les consultations préalables à l’adoption de la loi avaient pourtant souligné la nécessaire contribution des salarié-es à cet exercice. Dans les faits, les employeurs ont un contrôle quasi absolu sur la démarche sans que les travailleuses et les travailleurs puissent y participer vraiment.
Un grand nombre d’entreprises délèguent à des consultants le travail entourant l’équité salariale et son maintien. En conséquence, la connaissance du processus et l’information nécessaire à sa compréhension font défaut dans plusieurs milieux de travail. Les affichages exigés par la loi pour le maintien de l’équité sont si peu détaillés que les salarié-es peinent à obtenir des informations sur les changements survenus dans l’entreprise, sur la démarche retenue par les employeurs et sur la manière de calculer les ajustements salariaux. Ce flou résultant de dispositions imprécises ou absentes du texte de la loi n’a fait qu’avantager les patrons. Lorsque les employé-es tentent d’obtenir les informations qui les concernent, elles se butent souvent à des refus qu’ils justifient par la confidentialité des données ayant servi à évaluer le maintien. Faire valoir ses droits dans un contexte si peu transparent devient une tâche vouée à l’échec dans plusieurs milieux.
La révision de la loi à l’ordre du jour
L’heure d’un remaniement a sonné pour la Loi sur l’équité salariale. Les injustices vécues au fil du temps commandent, entre autres, un encadrement plus strict de la réelle participation des travailleuses au processus, une prise en compte de l’effet rétroactif des ajustements salariaux, la transmission de l’ensemble des informations relatives au maintien de l’équité et une mécanique pour assurer l’équité salariale en milieu exclusivement féminin.
Vivement une réforme efficiente et une application transparente de cette loi qui a vu le jour grâce aux longues luttes du mouvement des femmes et du mouvement syndical.
Francine Lévesque
Vice-présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)