Le chantier maritime Davie a été fondé en 1887 pour la construction de navires, bien avant l’arrivée de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), ancêtre de la CSN ; et il existe encore aujourd’hui en bonne partie grâce à ses syndicats CSN.
Avant la construction de navires, en 1829, la famille Davie réparait des navires dans la paroisse de Pointe-Lévy. Quelques années après la 2e Guerre mondiale – période pendant laquelle le chantier a tourné à plein régime –, les travailleurs décident de délaisser les accréditations syndicales internationales par métiers. La raison est simple et légitime : ils veulent être réunis sous un même syndicat. Il faut dire que les salaires ne suffisent plus à payer les loyers qui avaient monté en flèche – jusqu’à 45 $ par mois – à la fin de la guerre à Montréal. Ce sera l’entrée en scène du Syndicat des travailleurs du chantier naval de Lauzon (STCNL–CSN) en 1949, qui réalisera un gain important grâce à une grève conjointe avec le chantier naval Vickers de Montréal dès 1951. La lutte se poursuivra en 1958 avec une grève de deux mois.
« Depuis les années 80, c’est le STCNL–CSN qui fait en sorte que le chantier reste ouvert », raconte le président du syndicat, Jean Blanchette, en entrevue avec Le Point syndical. Les propriétaires et les gros contrats se succèdent, mais il y a en effet des périodes creuses où le syndicat est pratiquement le seul à bord du chantier Davie. De 2010 à 2013, il n’y a que deux travailleurs sur le chantier, simplement pour maintenir les installations.
« J’ai connu l’achat par Marine Industries à la fin de 1988. Ils ont fermé les chantiers de Montréal et de Sorel-Tracy », se souvient le président du syndicat. Il faut dire que Jean Blanchette est entré à la Davie en 1981 !
En 1996, le travail sur les frégates est terminé et un creux se fait sentir jusqu’en 2000. « On tombait dans des faillites », explique-t-il.
En 2007, le chantier est vendu à des Norvégiens qui font faillite. Les membres du STCNL–CSN restent trois ans à la maison.
En 2011, une convention collective est signée pour faciliter l’arrivée d’un acheteur italien, Ficantieri, le même constructeur à l’origine du traversier F.-A.-Gauthier. Malgré une baisse de 4 $ l’heure et la perte de certains métiers, les membres acceptent, il faut sauver le chantier. « Les Italiens décident de ne pas acheter en fin de compte, par manque de contrats fédéraux », précise Jean Blanchette. C’est finalement Upper Lake, en Ontario et SNC-Lavalin qui acquièrent Davie. « Les gars voulaient travailler, ils ont accepté ces mêmes conditions », précise le président.
Le chantier est finalement vendu à Inocea en 2012. Les propriétaires actuels entrent en scène : Alex Vicefield et James Davies. Un rappel au travail intervient en 2013, un navire hauturier est fabriqué pour Cecon et deux traversiers pour le Québec.
Stratégie nationale de construction navale
Le STCNL–CSN s’attend à l’inclusion prochaine de Davie dans la Stratégie nationale de construction navale. Une fois confirmée, cette inclusion, au même titre que les chantiers de Halifax et de Vancouver, permettra d’importantes mises à niveau du chantier, à hauteur de 750 M $, dont un important prêt du gouvernement du Québec. Davie serait alors en mesure d’entreprendre de très importants chantiers, notamment sur les brise-glaces de la garde côtière. « En faisant partie de la Stratégie nationale, on peut avoir des contrats directement du fédéral », explique Jean Blanchette en ajoutant que plusieurs anciens du chantier ne croient toujours pas à cette bonne nouvelle, tant ils ont été échaudés par le passé. « À partir du moment où on va être nommé, il y aura un bel avenir pour les plus jeunes », croit néanmoins Jean Blanchette.
« On a négocié notre convention comme si on était le troisième chantier de la Stratégie nationale », poursuit-il en parlant des gains de novembre 2021, qui incluent notamment un rattrapage salarial de 25,5 % à la signature, le 18 avril 2022.
Dans toute cette saga, il faut souligner l’apport des deux autres syndicats de la CSN présents à la Davie, le Syndicat des employé-es du corps de sécurité de Davie–CSN et le Syndicat des employé-es de bureau du chantier naval de Lévis–CSN. Leur rôle essentiel auprès de leurs membres a certainement contribué à faire du chantier ce qu’il est aujourd’hui.
Connaître le passé
« Il faut connaître le passé pour savoir pourquoi les choses se font d’une certaine façon », estime le président du STCNL–CSN. Ce dernier conseille d’ailleurs de choisir des dirigeants syndicaux qui « montent tranquillement » dans l’organisation, afin d’assurer une connaissance et une continuité. Ça n’a pas toujours été le cas à Davie, ce qui a mené à des chicanes, car beaucoup de choses avaient été oubliées. « Le matin, on va souvent sur le chantier et les membres l’apprécient », conclut Jean Blanchette qui a fait son bout de chemin pour assurer quelques décennies de plus à ce chantier plus que centenaire.