La CSN voit d’un assez bon œil certaines mesures annoncées aujourd’hui dans le budget fédéral attendu depuis deux ans. Elle estime toutefois que plusieurs de ces mesures ne vont pas assez loin et qu’elles empiètent sur les champs de compétence du Québec.
« Nous sommes soulagés de constater que le gouvernement entend continuer de soutenir les ménages et les entreprises en prolongeant les programmes d’aide. Le contraire aurait contribué de façon inacceptable à l’accroissement des inégalités au pays. De plus, le contexte de la COVID nous a mis en pleine figure les lacunes du régime d’assurance-emploi, le gouvernement doit réformer ce programme en profondeur », a souligné le président de la CSN, Jacques Létourneau.
Transferts en santé et dans les services de garde
La CSN salue par ailleurs les sommes annoncées pour les services de garde à l’enfance qui viendront en aide aux familles du Québec et du Canada. « Cet investissement aidera les femmes à investir le marché du travail et donnera la chance aux ménages en attente d’une place en CPE, notamment aux ménages à faible revenu, de se prévaloir de services de garde de qualité. Cependant, le gouvernement du Québec devra recevoir sa part de ce nouveau transfert fédéral et l’utiliser pour parachever son réseau de services de garde subventionnés. Il faut arrêter d’ajouter des places au compte-gouttes », précise Jacques Létourneau.
Le président de la CSN souligne en outre que les transferts en santé sont encore bien en deçà du 35 % demandé récemment par le Conseil de la confédération pour permettre aux provinces d’améliorer la performance de leur réseau public. « Les besoins créés par la pandémie et par le vieillissement de la population sont énormes. Le gouvernement fédéral a une grande responsabilité à cet égard, mais avec son annonce d’aujourd’hui, les provinces peineront encore à répondre à la demande au cours des prochaines années. Bien entendu, c’est la population tout entière qui va en écoper. »
Relance économique
Le gouvernement aurait dû profiter du budget pour s’attaquer résolument à une autre crise tout aussi inquiétante que la COVID : celle des changements climatiques. « L’annonce d’aujourd’hui concernant les investissements dans les transports collectifs et les nouvelles technologies est une bonne nouvelle en soi, mais l’urgence climatique nécessite des interventions beaucoup plus musclées de la part du gouvernement. En ce sens, l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta qui continue d’être au cœur de la stratégie de développement économique du gouvernement fédéral est un réel problème. »
Le président de la CSN reproche également au gouvernement de ne pas avoir annoncé officiellement l’intégration du chantier Davie à la Stratégie nationale de construction navale (SNCN). « Avec ses huit sites de production, le chantier Davie est le plus grand au Canada. Or, depuis 2011, il n’a eu droit qu’à des contrats de conversion et d’entretien ponctuels de la part du fédéral. Il est grand temps qu’il reçoive sa part des contrats fédéraux dans le cadre de la SNCN, d’autant plus que les chantiers Irving à Halifax et Seaspan à Vancouver n’arrivent pas à respecter l’échéancier de livraison des navires. »
Finalement, la CSN regrette que la stratégie de relance économique du gouvernement fasse l’impasse sur des mesures importantes qui auraient eu le mérite de rapporter de nouveaux revenus dans les coffres de l’État. « On ne peut pas s’en remettre uniquement à la croissance économique pour générer de nouveaux revenus. Les multinationales du numérique exercent une concurrence déloyale depuis trop longtemps aux entreprises canadiennes et québécoises. Avec la COVID, leur chiffre d’affaires a explosé. Le gouvernement aurait dû profiter de la situation pour les contraindre enfin à assumer leurs charges fiscales. »
Jacques Létourneau salue néanmoins la limitation de la possibilité de déduire les options d’achat d’action, mais estime que Justin Trudeau aurait également pu choisir d’aller chercher une source de revenus intéressante en augmentant les impôts des contribuables à haut revenu et en empêchant les entreprises d’échapper à leurs obligations fiscales. « Le FMI lui-même recommande aux pays d’augmenter l’impôt des plus riches. Pourquoi les libéraux refusent-ils d’y voir ? Le gouvernement pourrait aussi trouver une source de revenus non négligeable en mettant fin à la possibilité, pour les entreprises, de rapatrier des dividendes en franchise d’impôt à partir de paradis fiscaux. Il n’a malheureusement pas démontré le courage politique nécessaire pour aller en ce sens. »