Les militantes du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Groupe Vétéri Médic–CSN ne l’ont jamais eu facile.
Depuis la fondation de leur syndicat en 2017 – une première dans le secteur des soins vétérinaires offerts dans des cliniques privées au Québec – ces syndicalistes ont rencontré obstacles après obstacles pour faire valoir leurs droits.
Voici un survol rapide des premières années de leur accréditation : un employeur qui a recours à un avocat patronal de renom pour exiger que le Tribunal administratif du travail (TAT) rejette leur dépôt, qui profère des menaces et qui distribue les représailles, une première négociation sabotée et un dépôt en révocation.
Malgré ces défis, les pionnières du syndicat n’ont jamais lâché prise, et après la signature de leur première convention en 2019, elles pensaient bien que le temps de chien était finalement derrière elles.
Mais hélas, ce n’était pas le cas.
Une deuxième révocation
Alexandra Fortin-Boulay, technicienne en santé animale (TSA) et présidente du syndicat, est au front de ce long et cet ardu parcours depuis les débuts du processus de syndicalisation.
Celle qui se décrit comme ayant le syndicalisme dans le sang a été de toutes les luttes et porte avec une grande fierté les victoires que le syndicat a obtenues au cours des cinq dernières années.
Le climat de travail s’est beaucoup amélioré au fil du temps et la présidente du syndicat se réjouissait des travaux effectués en comité de relations de travail. « Pour la première fois en quatre ans, je suis capable de dire qu’on a d’excellentes relations de travail avec l’employeur, » nous explique-t-elle.
Grognements internes
Le groupe Vétéri Médic, maintenant Vet et Nous !, offre les mêmes salaires et avantages sociaux à l’ensemble des personnes salariées des vingt quatre cliniques et hôpitaux ainsi que des trois centres de référence sous sa bannière. Une stratégie qui se défend bien, surtout en temps de rareté de main-d’œuvre, mais qui a aussi l’effet de susciter une grogne chez les membres du syndicat. Celles-ci s’expliquent mal de devoir payer des cotisations syndicales alors que les autres travailleuses n’ont pas à le faire.
Les anciens du mouvement CSN se rappelleront que Couche-Tard avait effectué cette même manœuvre à la suite de l’accréditation syndicale de 2011, laquelle avait eu comme effet la dissolution du syndicat. Fait à souligner : Vet et Nous! ont fait appel à l’avocat qui avait sévi dans le dossier de Couche-Tard à l’époque pour faire tomber le STT du Groupe Vétéri-Médic en 2017. C’est sûrement un hasard…
Sans surprise, un groupe de membres qui s’opposent à l’existence du syndicat, dans un contexte où les autres travailleuses de Vet et de Nous!, qui sont non syndiquées, bénéficient des mêmes conditions de travail, ont déposé une demande en révocation au début du mois de mai 2022.
Travail de fourmi
Le comité exécutif syndical s’était posé la question : « Qu’est-ce qu’on fait ? Si la majorité des gens n’en veut plus, est-ce qu’on reste les bras croisés et on regarde le syndicat tomber ? », se rappelle Mme Fortin-Boulay.
« Après tant d’années de luttes, d’acharnement, et de déchirements internes, que reste-t-il à donner ? Ne faut-il pas se plier à la volonté de la majorité ? N’est-ce pas les fondements mêmes de la démocratie syndicale ? »
Or, après réflexion et surtout, après s’être fait interpeller par plusieurs membres inquiètes de l’annonce de la révocation, le comité exécutif s’est rapidement mis en action pour sauver le syndicat.
Beaucoup de désinformation circulait pendant la révocation, notamment en ce qui concernait un « comité de travail » qui pourrait prendre la place du syndicat. Plusieurs personnes prétendaient que celui-ci pouvait remplacer le syndicat et que les membres bénéficieraient des mêmes droits et protections sans avoir à payer des cotisations syndicales.
« Donner libre arbitre 100 % à l’employeur, c’est une décision dont les répercussions n’avaient pas bien été évaluées. En effet, plusieurs personnes ayant signé la révocation n’étaient pas conscientes de l’ampleur de cette décision et ont rapidement signé à nouveau leur carte de membre dès que nous avons eu l’occasion de corriger le tir, » explique la présidente du syndicat.
Remède de cheval
Le syndicat a reçu la demande de révocation à 22 h le dimanche 1er mai 2022. Selon les règles, les militantes syndicales avaient jusqu’à la fin de la journée du lundi suivant pour redéposer sa demande en accréditation au TAT.
« C’était un moment très sombre, tant physiquement que moralement. Disons qu’on n’a pas beaucoup dormi. Je ne savais pas si on allait s’en sortir, se désole Mme Fortin-Boulay. Mais quand j’ai reçu l’appel pour m’expliquer les détails du rapport préliminaire du TAT disant qu’on gardait notre accréditation et qu’on n’allait même pas devoir aller au vote, c’est vraiment venu me chercher. J’en tremble encore. Je l’ai vu naître ce syndicat, c’est viscéral en moi. Alors quand j’ai su la nouvelle, j’ai crié au téléphone “c’est pas une blague à faire !” et je me suis mis à courir derrière la maison. C’était cathartique. »
Avoir des yeux de chat
Après avoir surmonté cet énième obstacle, les militantes du STT du Groupe Vétéri Médic–CSN se sont immédiatement remises au travail. Il y a une nouvelle convention collective à négocier et d’autres gains à décrocher pour les travailleuses de ce secteur en pleine croissance.
« La meilleure façon de s’en sortir, c’est de se tenir. C’est ça, le syndicalisme, c’est ça, la collectivité, c’est ça, notre mouvement CSN, et c’est la raison pour laquelle je vais continuer à lutter pour nos conditions de travail et de vie. Ce qui est bon pour pitou est bon pour minou et les travailleuses en soins vétérinaires méritent des conditions qui leur permettent de soigner les animaux sans se brûler, » conclut Mme Fortin-Boulay, sourire déterminé aux lèvres.