Ce sont des robots conversationnels nourris par l’intelligence artificielle (IA) qui peuvent répondre aux questions des personnes étudiantes de sept cours d’administration, de communication, d’éducation, d’environnement, de finance et d’informatique à l’Université TÉLUQ au trimestre d’hiver 2024. Ce projet pilote, inédit dans le réseau universitaire québécois, a été mis en place en janvier sans consulter le Syndicat des tuteurs et des tutrices de la Télé-université (STTTU–CSN). Pourtant, à terme, il risque d’avoir un impact direct sur la qualité de l’accompagnement des étudiantes et des étudiants et sur les emplois.
« Au nom de l’avancement technologique et sur un ton frôlant le jovialisme, voilà un exemple concret d’une déshumanisation de l’enseignement. La direction de l’établissement est pourtant hésitante à répondre aux demandes répétées du syndicat afin d’aborder ce nouvel enjeu aux impacts collectifs, préférant plutôt discuter avec des individus sur une base personnelle. C’est une stratégie contraire au principe de collégialité qui devrait caractériser le fonctionnement de l’université », déplore Nathalie Ebnoether, présidente du STTTU–CSN.
Les tutrices et les tuteurs accompagnent les personnes qui nécessitent des compléments d’information dans les cours ou qui ont besoin d’une mise en contexte individuelle pour poursuivre leur réflexion et leurs apprentissages. Cet accompagnement humain permet de nouer un lien de confiance, favorisant la réussite. De plus, les tutrices et les tuteurs procèdent à la correction et assurent la rétroaction, tout aussi indispensables et formatrices.
« Aucun robot ne pourra remplacer la relation pédagogique au cœur de la profession enseignante, y compris à la TÉLUQ. Depuis l’accélération effrénée de l’IA en enseignement, notre fédération s’inquiète de la tentation facile pour les établissements d’enseignement de remplacer des humains par des machines pour des raisons évidentes d’économies dans un contexte de sous financement. Est-ce vraiment le genre d’enseignement que l’on souhaite au Québec ? », se questionne Caroline Quesnel, présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN).
Attaque contre la profession enseignante
Les délégué·es des syndicats de la FNEEQ–CSN, réunis en conseil fédéral, ont d’ailleurs adopté à l’unanimité une résolution pour dénoncer cette nouvelle attaque à la profession enseignante à la TÉLUQ au début du mois. Pourquoi la TÉLUQ ne consulte-t-elle pas le syndicat ? Pourquoi refuse-t-elle de confirmer noir sur blanc qu’aucun emploi n’est en péril si le projet pilote devenait généralisé et permanent ?
La FNEEQ–CSN, à l’instar de son syndicat affilié STTTU–CSN, s’oppose à toute utilisation de l’IA visant à remplacer l’humain dans des contextes de relation d’aide ou de relation pédagogique. Elle croit que l’ensemble de la société, de manière démocratique, autonome et publique, devrait mener une réflexion éthique et critique sur le recours à l’intelligence artificielle en éducation et en enseignement supérieur. À cet égard, un vrai forum national sur l’IA –indépendant des intérêts commerciaux– devrait rapidement être organisé.
Résolution adoptée par le conseil fédéral de la FNEEQ–CSN
« […] Que le conseil fédéral dénonce la décision de l’Université TÉLUQ de recourir à des robots conversationnels (IA) dans le cadre d’un projet pilote qui vise à procurer une aide pédagogique aux étudiant·es ainsi que le recours accru à l’utilisation de l’automatisation des évaluations.
Que le conseil fédéral dénonce que cette décision ait été prise sans consulter le Syndicat et qu’elle ait le potentiel de menacer la tâche enseignante des tutrices et des tuteurs.
Que le conseil fédéral appuie le Syndicat des tutrices et tuteurs de la TÉLUQ dans ses actions pour la défense de l’intégrité de la tâche enseignante et pour contrer la précarité. »
Consulter les dix recommandations de la FNEEQ–CSN sur l’intelligence artificielle