Trump a d’abord annoncé vouloir imposer des tarifs de 25 % sur les importations canadiennes pour tous les produits, à l’exception des produits énergétiques et des minéraux critiques qui seraient taxés à 10 % ; il a ensuite repoussé la mise en application de ces tarifs au 4 mars, puis au 4 avril. Il a aussi annoncé l’entrée en vigueur de tarifs spéciaux pour l’acier et l’aluminium le 12 mars. C’est en utilisant cette stratégie de la peur et du chaos que Trump souhaite obtenir des gains économiques, affichant son mépris tant pour les accords internationaux que pour la souveraineté de pays comme le Canada, qui « pourrait devenir le 51e état américain ». Rien de moins !
Trump ne cache pas ses intentions. « Les tarifs annoncés samedi (le 1er février) seront sur pause pour 30 jours, le temps de voir si un accord économique avec le Canada peut être structuré. ÉQUITÉ POUR TOUS ! », a-t-il écrit sur son réseau Truth Social.
Au moment de mettre sous presse, on ne sait toujours pas si la menace sera mise à exécution, et si oui, pour combien de temps pourrait durer ce conflit commercial.
On voit bien que le trafic de fentanyl ou la présence de migrants illégaux n’était qu’un prétexte pour le président américain. Cela lui permettait d’invoquer l’urgence nationale qui était l’un des seuls moyens de contourner l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) par un simple décret. C’est pourtant Trump lui-même qui avait négocié cet accord en 2019 en utilisant comme moyen de pression des tarifs ciblés sur l’acier et l’aluminium.
Cette résurgence des menaces fait réfléchir. Nos élu-es de Québec et d’Ottawa évoquent la nécessité de diversifier nos marchés d’exportation pour moins dépendre des États-Unis. On l’a compris pendant la pandémie : il est risqué de ne compter que sur de lointains fournisseurs pour les biens essentiels. Cette fois sera-t-elle la bonne pour une réelle diversification de notre économie ? Serait-on enfin devant un véritable signal de changement ?
De quels accords commerciaux avons-nous besoin ?
Que valent des accords commerciaux si les plus puissants se permettent de les bafouer comme le fait à répétition Donald Trump depuis son arrivée en poste ? Devrait-on s’obliger à toujours plus de concessions pour satisfaire le président américain, sachant qu’il n’honorera pas sa partie de l’entente ? Le commerce international est-il devenu un contrat de dupes ? Les États-Unis ont rendu inopérant le tribunal de l’OMC en refusant d’y nommer de nouveaux juges. La plainte de la Chine contre les tarifs de 10 % imposés par les États-Unis n’aura probablement pas d’issue. Même un gain en première instance ne suffira pas à inverser quoi que ce soit, puisque la décision sera portée en appel et que le processus sera très long.
Il importe cependant de rappeler que, depuis des décennies, ces accords commerciaux servent en partie les intérêts des multinationales. Nos gouvernements devraient plutôt protéger la gestion de l’offre en agriculture et nos secteurs stratégiques comme le bois.
Un réveil s’amorce. La solidarité entre les travailleuses et les travailleurs de tous horizons s’est exprimée après la fermeture sauvage des entrepôts d’Amazon au Québec. Dans l’acier, la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN) échange avec des syndicats américains ou européens via le réseau syndical international IndustriAll. La menace de Trump se tournera bientôt vers l’Union européenne et l’acier est une cible probable. Là aussi, toutefois, il a déjà annoncé ses couleurs.
Redéfinir notre économie
Le premier ministre Legault a appelé les Québécoises et les Québécois à profiter de la crise actuelle pour « redéfinir notre économie ». Il faudrait aussi revoir nos accords commerciaux pour qu’ils nous protègent contre d’autres éventuelles menaces et agressions économiques. Devraient-ils permettre la délocalisation des mauvaises conditions de travail et de la pollution qui accompagne certains procédés industriels ou agricoles ? Ne devrait-on pas revoir notre approche du commerce mondial ? Et aussi prévoir des protections adéquates pour les travailleuses et les travailleurs qui risquent d’être mis à pied ?
Face à des menaces croissantes, nous devrons reprendre collectivement en main les leviers nécessaires pour assurer une plus grande équité dans le monde.