Dix ans après la tenue d’un sondage similaire et à la suite d’une lettre qui a été rendue publique récemment par les journalistes pigistes du Devoir, la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC–CSN) et l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) font le portrait de la situation des journalistes pigistes au Québec. Le constat du sondage mené par la firme MCE Conseils est consternant : les revenus de ces journalistes n’ont pas augmenté depuis 10 ans, ces personnes gagnant en moyenne 31 336 $ par année. Compte tenu du nombre d’heures consacrées à leur travail, 29 % des pigistes interrogés travaillent au salaire minimum ou moins, alors qu’environ 79 % d’entre eux possèdent un baccalauréat ou un diplôme de maîtrise.
Ils travaillent au Devoir, à La Presse, à Radio-Canada, au journal Les Affaires, au Soleil, au Globe and Mail, au Journal de Montréal, mais aussi au Washington Post, au Wall Street Journal ou au journal Le Monde et à Libération, etc. La grande majorité rédige des textes de nature journalistique, d’autres sont photographes, recherchistes ou font de la rédaction de textes de nature publicitaire. Voici quelques données chiffrées : parmi les journalistes pigistes du Québec :
• 58 % ont entre 30 et 49 ans.
• 63 % proviennent de la région de Montréal.
• 66 % sont insatisfaits des tarifs perçus.
• Le tarif moyen qu’ils touchent s’élève à 109 $ pour 250 mots.
• 59 % disent devoir exercer d’autres activités professionnelles.
• 70 % connaissent des retards de paiement de la part des clients.
• 50 % des pigistes n’ont aucune sécurité financière.
• Les dépenses engendrées par leurs articles ou leurs reportages sont souvent à leurs frais.
« Ça n’a pas d’allure que les médias ne revoient pas leur grille de tarifs. C’est honteux. […] si on réplique, on nous dit que d’autres peuvent le faire à notre place », dit l’un d’eux. « Je suis très mal payée et mes tarifs n’ont pas du tout augmenté avec l’inflation – je gagne donc moins maintenant qu’il y a quelques années », révèle une autre.
« La situation des pigistes doit s’améliorer maintenant », déclare Gabrielle Brassard-Lecours, présidente de l’AJIQ. « En acceptant de dialoguer avec nous, les directions contribueraient à créer un précédent qui servirait de levier pour inciter les autres médias à emboîter le pas afin d’offrir de meilleures conditions aux journalistes indépendants », ajoute-t-elle.
Annick Charrette, présidente de la FNCC–CSN, lance tout de go : « Travailler au même salaire qu’il y a 10, 20 ou même 30 ans ? N’avoir aucun filet social et n’avoir aucun pouvoir de négociation ? Renoncer à ses droits pour pouvoir travailler et être rappelé ? Triste réalité de travailleuses et des travailleurs illégaux ? … Non, c’est celle des journalistes pigistes, en 2022! Ces travailleuses et travailleurs sont dans une zone grise législative. Ils n’ont aucun droit, aucun filet social, n’accèdent à aucune des dispositions du Code du travail. C’est inacceptable aujourd’hui. Les employeurs ont toujours le gros bout du bâton, et ils en profitent… Il faut que ça change. Et, avec l’AJIQ, nous allons faire les démarches nécessaires pour faire reconnaître leurs droits. »
À propos
Fondée à Montréal en 1988, l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) défend l’indépendance des journalistes devant les pressions économiques et politiques qui s’exercent sur le métier. La FNCC–CSN regroupe des syndicats autonomes de salarié-es ainsi que des travailleuses et des travailleurs contractuels de l’industrie des communications et de la culture. Ce regroupement permet aux quelque 6 000 membres regroupés dans 88 syndicats de se donner des outils pour assurer leur représentation et pour négocier des ententes collectives de travail en tout respect de leurs droits et de leur indépendance journalistique.