« Bien sûr qu’on se sent impuissant. Notre travail, c’est aider les gens… », regrette Raynald Moreau, conseiller clinique au programme alcool et drogues et président du syndicat de l’organisme, où travaillent environ 70 employé-es. « Mais d’un autre côté, on est toujours inquiets de l’état de santé dans lequel les personnes entrent en thérapie. On devenait anxieux, c’est sûr. »
Située dans le Vieux-Montréal, la Maison Jean Lapointe accueille généralement, dans son programme de thérapie interne, de 30 à 40 résidentes et résidents pour une période allant de 21 à 28 jours. Ils ne sont que huit actuellement. Lundi prochain, ils ne seront plus que quatre, jusqu’à ce que la dernière personne rentre chez elle.
« On est un milieu fermé. Les personnes aux prises avec une dépendance dorment ici, mangent ici, se côtoient tous les jours. On n’a eu aucun cas parmi les résidents ou les employé-es, mais mettons qu’on ne pouvait pas se le permettre », explique Raynald. Bien entendu, le personnel a pris les mesures d’hygiène adéquates pour éviter que le virus ne pénètre dans le centre de thérapie.
Les résidents sont-ils plus angoissés, compte tenu des circonstances actuelles ? « Pas vraiment. Ils sont complètement coupés du monde : pas de cellulaire, pas d’ordinateur, pas de journaux, pas de télévision — sauf les soirs de fin de semaine. Quand ils vont faire leur promenade quotidienne dans le quartier, accompagnés d’un bénévole, il n’y a personne dans les rues. Ils vont faire un méchant saut quand ils vont sortir… »
Le premier programme affecté fut celui de la prévention. Une quinzaine de salarié-es travaillent habituellement à sensibiliser les jeunes dans les écoles primaires et secondaires. Ils sont actuellement en mise à pied et, compte tenu de l’incertitude générale, le programme ne reverra le jour qu’à l’automne.
Dès la mi-mars, la direction de l’établissement décidait de ne plus accueillir de résidents pendant une période de deux semaines. La décision fut prise par la suite de ne plus offrir de thérapie interne jusqu’à nouvel ordre. La totalité des employé-es se verra donc mise à pied, à l’exception de quelques salarié-es du programme de jeu pathologique, qui offre des consultations externes.
« La direction est actuellement en train d’étudier la possibilité d’offrir un programme de consultations externes pour le programme de dépendance à l’alcool et aux drogues. Mais on ne sait pas quand, ni comment ça serait offert. Moi, je suis le plus vieux ici. Je vais laisser ça aux plus jeunes. »
Raynald s’en voudrait de raccrocher sans demander une faveur. « Peux-tu remercier notre conseillère syndicale ? Elle a vraiment été formidable au cours des derniers jours. »
Elle saura se reconnaître…