La Confédération des syndicats nationaux (CSN) appelle le gouvernement Couillard à faire preuve de plus de rigueur dans l’élaboration de la nouvelle Société d’État responsable de la gestion du Plan Nord.
Selon le président de la CSN, Jacques Létourneau, l’actuel projet de loi 11, sur la Société du Plan Nord, manque d’éléments majeurs lui permettant de répondre aux préoccupations des populations qui habitent ces régions. Dans le mémoire que la CSN a déposé ce matin à la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles, il a rappelé que le développement proposé « doit remettre les humains et les communautés au cœur du projet collectif. »
Or, au moment où le gouvernement libéral sabre dans les services publics tout en imposant une réorganisation tous azimuts, Québec prépare un plan de développement des ressources naturelles du Grand Nord qui ne prévoit pas les investissements sociaux nécessaires. En outre, il est flou sur sa gouvernance et n ’assure pas l ’acceptabilité sociale ni le respect des peuples autochtones.
La Société du Plan Nord doit plutôt être accompagné d’une gestion transparente, animée par une vision respectueuse de l’environnement et ancrée dans une perspective de développement durable.
Pour la CSN, « l’absence de balises claires quant aux interventions de la Société aux plans communautaire et social nous amène à percevoir son rôle comme celui d’un éventuel “supra ministère” du Nord québécois. La légitimité d’une telle structure au plan démocratique est éminemment discutable, d’autant plus qu’elle n’a aucune obligation de représentativité sur le conseil d’administration. »
Le pouvoir public au privé
Parmi ses dispositions les plus troublantes, le projet de loi permettra à la Société de déléguer tous ses pouvoirs à des filiales qui, elles, peuvent être contrôlées par des firmes privées jusqu’à concurrence de 49 %. Ces pouvoirs ne pourraient être restreints que par règlement. De plus, on ouvre ainsi la porte à une cession des biens du domaine de l’État à des tiers, et ce, à une valeur moindre que leur valeur réelle.
« La création de ces entités administratives nuit à la transparence des activités de la Société et permet à des parties privées d’exercer un contrôle important sur des objectifs de politiques publiques du gouvernement, ajoute le mémoire de la CSN. En effet, en déléguant des activités de la Société à des filiales détenues partiellement par des intérêts privés, le gouvernement permet à ces derniers d’exercer des activités relevant des politiques publiques. »
Administration à géométrie variable
La Société du Plan Nord pourrait également être appelée à jouer un rôle important dans le développement des régions, des écoles, des routes et des hôpitaux, « sans être toutefois un palier de gouvernement et redevable aux populations de ces territoires », déplore Jacques Létourneau.
Pour la CSN, la composition du conseil d’administration devrait compter 15 membres et être représentative de toutes les parties impliquées, en prévoyant la présence de représentants des Premières Nations, du monde municipal, des groupes environnementaux, des entreprises et des organisations syndicales. Les administrateurs devraient aussi être domiciliés et résider au Québec, une autre lacune dans l’actuel projet de loi qui ne prévoit rien à cet égard.
Finalement, le président de la CSN a tenu à saluer l’inclusion d’une instance de consultation. Mais, « une instance de consultation, si intéressante soit-elle, et ses membres ne peuvent pas être choisis par la Société et ne peut se substituer à une réelle consultation des peuples autochtones. Elle n’est pas un substitut à la négociation de nation à nation, ni à l’obligation constitutionnelle de consulter et d’accommoder les peuples. »
Jacques Létourneau était accompagné à l’audience de la commission ce matin par les présidents de trois conseils centraux CSN de la région : Donald Rheault (Abitibi-Témiscamingue – Nord-du-Québec), Engelbert Cottenoir (Saguenay – Lac-Saint-Jean) et Guillaume Tremblay (Côte-Nord). La CSN représente quelque 325 000 travailleuses et travailleurs dans près de 2000 syndicats de tous les secteurs, partout au Québec.