Illustration : Luc Melanson

Électricité

Rester maîtres chez nous

Le célèbre slogan électoral de 1962 « Maîtres chez nous », qui a mené à la nationalisation de l’électricité, redevient soudainement d’actualité.

Par Thierry Larivière

La reprivatisation de la production d’électricité a commencé sous le dernier gouvernement libéral avec l’implantation de minicentrales et de parcs d’éoliennes. Elle se poursuit sous le gouvernement de la CAQ : une nouvelle politique énergétique pourrait bientôt ouvrir grand la porte à la privatisation.

Grignotage par le privé

Le grignotage du monopole d’Hydro-Québec n’est pas sans conséquence. Si les lignes de transport actuelles deviennent occupées par de l’électricité privée, elles ne pourront plus transporter autant d’électricité d’Hydro-Québec qu’à l’heure actuelle. Conséquence : la réduction de notre capacité collective d’exporter ou de transporter de l’énergie vers de nouveaux projets. Si les producteurs privés construisent leurs propres lignes, d’intenses débats sur l’acceptabilité sociale risquent de survenir à mesure que ces nouvelles infrastructures privées verront le jour. Faut-il le rappeler ? La production privée n’est pas avantageuse collectivement.

Une étude récente de l’Institut de recherche en électricité du Québec démontre que les éoliennes privées ont coûté à la collectivité plus d’un milliard de dollars, puisque les profits de ces entreprises ont été tirés à même les poches des citoyennes et des citoyens.

Avant de produire plus, il serait par ailleurs avisé de maximiser les opportunités liées à l’efficacité énergétique. Ce serait là un moyen de libérer des kilowattheures à moindre coût, sans pour autant perturber l’environnement. Or, un producteur privé n’aurait pas ce genre de préoccupation puisqu’il voudra produire plus, dès que possible, pour engranger davantage de profits.

Si la distribution d’électricité se voyait privatisée en partie, on assisterait alors à un écart important de tarifs entre les secteurs plus populeux, donc plus rentables, et le reste du Québec. Dans cette perspective, Hydro-Québec devrait desservir les endroits qui exigent d’importantes dépenses. C’est d’ailleurs cette disparité de tarifs, et le fait que certaines régions n’étaient carrément pas desservies, qui ont en partie mené à la nationalisation de l’électricité dans les années 1960.

Vision d’ensemble

La transition énergétique en cours pour décarboner l’économie du Québec exige une vision d’ensemble. Difficile de dire oui à des projets au cas par cas dans un contexte de bilan électrique plus serré.

Le fait de composer avec un seul maître d’œuvre est d’ailleurs un avantage stratégique pour le Québec à cet égard, avantage qu’il ne faudrait pas perdre. Tant qu’Hydro-
Québec décide, il demeure possible d’établir des critères pour favoriser des projets plus en phase avec la décarbonisation et créer ainsi davantage d’emplois de qualité. Il serait intéressant de sonder les besoins des industries en région afin d’éviter que leur développement soit compromis parce que le territoire est mal desservi en électricité.

Transparence nécessaire

La CSN s’inquiète également du niveau de transparence de la société d’État qui, croit-on, pourrait s’amenuiser si le privé venait à prendre plus de place. Les derniers contrats d’exportation d’électricité signés par Hydro-Québec ont un impact certain sur la gestion de nos « surplus » d’électricité. Or, aucun débat public n’a eu lieu sur ce choix important qui nous force maintenant à produire beaucoup plus que prévu.

Sur les projets de production, la CSN estime que le rôle du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) doit être maintenu et que les droits des Premières Nations doivent absolument être respectés. Pas question de tourner les coins ronds et d’en payer le prix pendant des décennies.

Quant aux tarifs, la CSN demande de rétablir le rôle initial de la Régie de l’énergie : considérer les critères économiques, mais aussi environnementaux et sociaux. Sans régulateur indépendant, les tarifs vont fluctuer selon les aléas des décisions politiques et des cycles électoraux. Cette régulation constitue aussi le meilleur moyen de rencontrer une cohérence et une équité dans les tarifs.

Tout comme la nationalisation de l’électricité avait lancé, au Québec, la campagne libérale de Jean Lesage, l’ouverture à une reprivatisation de notre réseau devrait aussi être au centre du débat électoral de 2026. Aucun élu actuel n’a la légitimité d’agir sur cet enjeu névralgique qui concerne l’ensemble de notre société. Pour l’avenir du Québec, le prochain gouvernement devra prendre des décisions en ce sens en écoutant la volonté de la population.

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