Argentine

Résistance sociale et syndicale

L’Argentine s’est historiquement située de façon avantageuse dans le palmarès des pays avec les plus hauts taux de syndicalisation des Amériques, aux côtés de l’Uruguay et du Canada. C’était vrai jusqu’à l’élection de Javier Milei à la tête du pays, en décembre 2023.

Par Camila Rodriguez-Cea

Aussitôt élu, le président ouvertement libertarien s’est empressé de mettre à la porte 24 000 travailleuses et travailleurs de la fonction publique. Ce chiffre pourrait augmenter dans les prochains mois : le président – qui se définit lui-même comme anarcho-capitaliste – prévoyait la suppression jusqu’à 70 000 postes du secteur public, soit 35 % des travailleurs de l’État.

Dès son entrée en poste, Milei dépose une mégaréforme de l’État qui comprend plus de 600 articles. Ces derniers attaquent frontalement les droits des travailleurs en imposant notamment des limites à l’exercice du droit de grève et à la tenue d’assemblées syndicales. Aussi, les articles rallongent la période d’essai de trois à huit mois, dérégulent la journée de travail, modifient la réglementation des heures supplémentaires et facilitent l’externalisation de la main-d’œuvre. La réforme vient également criminaliser les manifestations « non autorisées par l’État ».

Le 25 janvier dernier, la Centrale générale des travailleurs (CGT), syndicat regroupant près de 40 % des syndiqué-es argentins, appelle à une grève générale. Plusieurs dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs cessent donc leurs activités, entrainant notamment une paralysie du transport en commun de Buenos Aires, mais aussi l’annulation de 295 vols offerts par Aerolineas Argentinas. Le mouvement de contestation est loin de se limiter à la capitale, des centaines de milliers de personnes manifestent partout au pays lors de cette journée de mobilisation.

En avril, forcé par le parlement et par la mobilisation sociale de revoir son projet de loi omnibus, le gouvernement ultralibéral soustrait près de 400 articles au projet initial pour modérer sa proposition. Au lieu de privatiser 44 entreprises publiques, ce ne sont que 11 qui passeront au couperet, dont Aerolineas Argentinas. Un front commun de syndicats appelle à une nouvelle journée de grève générale le 9 mai pour défendre la démocratie, les droits du travail et un salaire digne. Encore une fois, la trépidante Buenos Aires a des allures de ville fantôme. Dans les rues de la capitale, aucun transport en commun en activité et une majorité de commerces fermés.

Une droite internationale

Le cas Milei est la dernière manifestation, en date, d’un courant de la droite populiste qui traverse l’Occident. Les porte-paroles les plus vocaux des Amériques se nomment Bolsonaro et Trump, mais le courant s’incarne aussi au nord du 47e parallèle avec celui de Poilievre.

« Si les gouvernements de droite commencent toujours par s’attaquer aux syndicats, c’est que notre pouvoir organisationnel est menaçant pour eux. Le simple fait que nous défendions une société démocratique les déstabilise. Nous défendons les droits des travailleurs et des travailleuses, mais nous sommes aussi un mouvement social », explique Alfonso Ibarra Ramirez, président du Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais, tout juste revenu d’un séjour à Montevideo avec la Confédération syndicale des travailleurs et des travailleuses des Amériques (CSA).

Avec des membres dans 48 organisations syndicales répartis dans 21 pays d’Amérique, la CSA représente 55 millions de travailleurs. Son objectif est de tisser des liens de solidarité entre ses membres, mais aussi de faire la promotion du syndicalisme, de la démocratie, de la justice sociale et d’une série de valeurs progressistes.

Au-delà des valeurs, est-ce que le mouvement ouvrier québécois a vraiment des points communs avec celui de l’Amérique latine ? Alfonso Ibarra Ramirez répond sans hésitation : « Les niveaux de vie ne sont pas les mêmes, mais les luttes pour des conditions de travail sécuritaires, justes et équitables demeurent équivalentes. Les demandes pour des milieux de travail plus démocratiques et pour une meilleure justice climatique se font également écho. »

« La solidarité ne peut être complète ou cohérente sans une vision internationale. Ce qui se déroule ailleurs est parfois déstabilisant, mais l’on doit garder les yeux ouverts. Des gens mettent leur vie en péril en faisant le même travail que l’on fait ici au Québec, sécuritairement. On ne doit jamais perdre ça de vue », ajoute le président du conseil central.

« Si un syndicalisme nord-américain se rapproche de celui de l’Amérique latine, c’est probablement le syndicalisme de combat de la CSN. Mais le mouvement est beaucoup plus politisé en Amérique latine, ajoute-t-il. Nous avons du chemin à faire pour conscientiser les travailleuses et les travailleurs quant à leur rôle majeur à jouer dans l’élection de gouvernements qui représentent vraiment leurs intérêts », conclut M. Ramirez.

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