En 2014, Blaise Renaud, 29 ans, prenait les commandes du groupe Renaud-Bray. « Petit tyran », celui qui allait tirer bénéfice de l’entreprise créée par son père pour faire main basse sur la fragile industrie des librairies québécoises était déjà surnommé « le petit PKP du livre », rapportait Noémi Mercier, alors journaliste de L’Actualité.
Aujourd’hui propriétaire de 35 magasins Renaud-Bray, de 14 Archambault et de 13 boutiques Griffon – en plus de la chaîne Omer DeSerres qu’il vient d’acquérir –, il déclarait alors à la journaliste :
« Je suis un autodidacte. Je n’ai jamais eu de modèle ni de mentor-e. J’ai appris sur le tas. Je ne suis pas là parce que je suis le fils du boss. »
En grève depuis maintenant trois mois, les 60 employé-es des succursales de Laurier Québec et des Galeries de la Capitale font aujourd’hui les frais de cette suffisance.
« Ça fait 18 ans que je travaille chez Renaud-Bray et je gagne 15 cents de plus que le salaire minimum », témoigne Isabelle Nadeau, libraire à Laurier Québec.
Depuis l’arrivée de Blaise Renaud, commis et libraires sont maintenus dans une perpétuelle pauvreté. Ils sont sans cesse rattrapés par la hausse annuelle du salaire minimum. Une employée gagne actuellement 15,90 $ malgré 22 ans de loyaux services.
La demande des syndiqué-es de Québec est fort simple : que le salaire d’entrée soit annuellement rehaussé, au lieu d’être continuellement ravalé par les augmentations du salaire minimum. Et que les employé-es puissent par la suite bénéficier d’une progression salariale plutôt que d’être contraints au surplace.
Une revendication sans cesse refusée par l’employeur. À tel point que l’entreprise de Blaise Renaud fut épinglée par le Tribunal administratif du travail en juillet dernier pour négociation de mauvaise foi.
Depuis le déclenchement du conflit, c’est le vice-président aux opérations, Mathieu Cardinal, qui agit à titre de scab au lieu que d’envoyer des mandats à la table de négociation. Ce dernier figurait parmi les sept briseurs de grève identifiés par le ministère du Travail, dans un rapport rendu le 13 février dernier.
Renaud-Bray était alors frappée d’une ordonnance provisoire, un juge ayant déjà constaté la présence de briseurs de grève aux succursales de Laurier Québec et des Galeries de la Capitale. Au moment d’écrire ces lignes, l’audience sur le fond venait tout juste d’avoir lieu.