Vingt-trois ans après son entrée en vigueur, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), est revenu à l’avant-plan des discussions dans le sillage de l’élection de Donald Trump.
Alors que le mandat de renégociation de l’ALÉNA se faisait attendre, des organisations de la société civile du Québec, du Canada, des États-Unis et du Mexique ont organisé les 26 et 27 mai dernier une rencontre à Mexico afin de développer une position unitaire. Plus de 60 organisations du sous-continent y étaient présentes, avec une représentativité très importante pour le mouvement syndical des trois pays.
L’intention réelle du gouvernement états-unien
En campagne électorale, Trump condamnait l’ALÉNA en raison des délocalisations et de pertes d’emploi massives qui ont déprimé l’économie de plusieurs villes du nord-est des États-Unis. De notre côté de la frontière, la perspective d’une montée des tarifs inquiète, à juste titre, l’ensemble des acteurs dans les nombreux secteurs qui exportent massivement aux États-Unis. Rappelons que 20 % du PIB du Québec dépend du commerce avec ce pays. Les menaces de hausser les taxes sur le bois d’œuvre ainsi que la mise en œuvre de la politique Buy American nourrissent la crainte d’un nouveau protectionnisme, sans doute asymétrique.
Toutefois, les nombreuses entreprises états-uniennes installées au Mexique profitent des conditions déplorables qu’on y trouve, et les chaînes de production en Amérique du Nord sont très intégrées. La majorité des acteurs qui suivent le dossier croient plutôt que le gouvernement états-unien cherchera à moderniser l’ALÉNA en partant des avancées réalisées dans le cadre du Partenariat transpacifique, avec une plus grande libéralisation dans la gestion de l’offre, dans les secteurs des télécommunications, de la culture, du commerce électronique, etc. Au moment de mettre sous presse, nous attendions pour le 17 juillet la divulgation des objectifs de négociation des États-Unis, puisque la loi l’exige du représentant au commerce.
Les peuples et la planète avant les profits
Un consensus fort a émergé de la rencontre des organisations sociales à Mexico. Il apparaît évident que l’ALÉNA n’a pas rempli ses promesses d’amélioration des conditions de vie et de travail, particulièrement au Mexique, où les droits syndicaux sont bafoués et où le salaire minimum est d’environ 5 $ US par jour. Non seulement cela ne permet pas aux travailleuses et travailleurs mexicains de subvenir à leurs besoins, mais cela met aussi une pression importante sur les salaires dans les autres pays. Pour les participants, ce qui pose problème ce ne sont pas les échanges commerciaux, mais les règles de l’ALÉNA qui donnent énormément de pouvoir aux entreprises multinationales sans offrir une protection adéquate des droits de la personne et du travail ainsi que de l’environnement.
La déclaration adoptée à la fin de l’événement appelle donc « à construire un nouveau modèle d’intégration, de coopération et d’échange entre les pays ». Elle demande également l’inclusion de « mesures, dans la législation et dans les pratiques, qui augmentent les salaires et l’accès à l’emploi décent dans les trois pays, et qui font la promotion de la démocratie syndicale, de la liberté d’association et de la négociation collective transnationale, dans les cas où un employeur opère dans deux ou plusieurs pays ». S’il est vraiment question de renégocier un accord plus juste pour les travailleurs comme le prétend Trump, ou encore « progressiste » comme le réclame le gouvernement canadien, l’application de telles mesures permettrait de réelles avancées plutôt que d’ériger un mur pour empêcher les femmes et les hommes qui veulent échapper à la misère de passer la frontière.