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Quand la raison fout le camp

Dans un essai remarquable titré La stratégie de l’émotion, Anne-Cécile Robert nous propose une réflexion sur le contrôle social qu’exercent les émotions.

Par Constance Roussy

« Le monde est devenu tellement individualiste ! » Expression si répandue qu’on peut la qualifier de lieu commun. Si nous parlions il n’y a pas si longtemps de la montée de l’individualisme, convenons que celui-ci est dorénavant bien intégré à notre mode de vie contemporain. Un des phénomènes découlant de cette fracturation des liens sociaux (la solitude en est un autre) serait l’omniprésence du recours à l’émotion comme rempart ou comme seule réponse possible à la dureté de la vie. Ainsi, la raison ne serait plus le ciment servant de base à la réflexion pour appréhender le monde dans lequel nous vivons.

Dans un essai remarquable titré La stratégie de l’émotion, Anne-Cécile Robert nous propose une réflexion sur le contrôle social qu’exercent les émotions, allant jusqu’à dire que « l’empire des affects met la démocratie en péril [car] il fait régresser la société sous nos yeux en transformant des humains broyés par les inégalités en bourreaux d’eux-mêmes, les incitant à pleurer plutôt qu’à agir ». En quelques chapitres, l’auteure expose la stratégie et la manière dont son arsenal se déploie dans la sphère sociale et politique, entre autres : l’extension du domaine de la larme à travers les manifestations collectives ; la course au fait divers et sa surutilisation dans le monde des médias (il faut bien huiler cette « mécanique de l’empathie » nécessaire à l’apitoiement collectif) ; la « mise en scène de l’impuissance » par nos responsables politiques (en effet, pourquoi chercher à s’activer devant ce fatalisme ambiant). Au final, on en vient à déclasser la raison au profit de l’émotion, à l’impossibilité d’un dialogue civique.

C’est dans la conclusion de cette excellente analyse que l’on peut soupirer d’espoir lorsque l’auteure nous dit que « la domination des affects n’est peut-être pas sans limites » ; ou lorsqu’elle se demande : « … l’émotion ainsi exprimée [dans l’espace collectif] ne traduit-elle pas une recherche confuse visant à […] retisser le lien social ? » Le phénomène serait donc transitoire… Une lecture pour nous ramener sur la voie de la raison.


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