Faire la grève permet aux syndicats de décrocher des gains pour leurs membres. Or, l’exercice n’est pas sans difficulté, non seulement par rapport à l’employeur, mais aussi face aux bénéficiaires qui peuvent se voir privés de certains services. C’est notamment vrai en santé et en services sociaux ainsi qu’en éducation.
Dominique Pallanca agit comme psychologue auprès d’une clientèle mineure au CHU Sainte-Justine. Elle comprend bien le phénomène.
P.S. Ce fameux conflit de loyauté existe-t-il vraiment ?
D.P. Oui, et il me suit en dehors des périodes de moyens de pression. Quand je vois la liste d’attente s’allonger dans ma clinique, ça me pèse. Il faut éviter que les patients soient privés de soins. Si je m’absente, je ne suis pas remplacée. Et si je ne me bats pas pour améliorer mes conditions, les listes vont demeurer pleines longtemps. Plus largement, je pense que c’est différent pour les secteurs où il y a une forte majorité de femmes. Parfois, on cherche à nous faire sentir coupables, comme si on devait exercer notre travail seulement par vocation !
P.S. Comment s’est passée la grève du secteur public en 2023 ?
D.P. On a revu les horaires pour assurer les suivis, mais il y a tout de même eu des annulations, des reports de rendez-vous… Lors des autres négos, on faisait la grève pendant 42 minutes. En 2023, avec la revue à la baisse des services essentiels, la plupart des professionnel-les ont fait trois heures de grève avec de réels effets sur l’organisation du travail et sur la population. Mais cette lutte a été payante.
P.S. Le personnel qui n’est pas directement en contact avec les gens vit-il aussi ce conflit ?
D.P. Oui. Porter un macaron ou insérer un message de solidarité dans nos courriels peut créer des malaises chez les gens. Pendant la grève, une collègue de l’entretien ménager était déçue de ne pas pouvoir travailler. Ç’a dû être déchirant pour les techniciennes et les techniciens de labo : leur travail a un effet direct sur celui des médecins qui procèdent aux diagnostics et qui décident des traitements. Sans analyses de labo, rien n’avance.
P.S. Les gens ont tout de même suivi ?
D.P. Personne ne s’est défilé. Le dilemme ressenti a été nommé, on a toutes et tous été solidaires. La grève entraîne son lot de conséquences, mais elle améliore, à terme, l’accessibilité aux soins et aux services. La population appuyait le mouvement. Oui, on pénalise un peu la clientèle, mais on sait que ça va l’aider en bout de piste.
Les membres ont vu que la mobilisation entraîne des résultats éclatants. Même si le conflit de loyauté existe, ces personnes savent que la solidarité et la lutte paient.