Pour la première fois, des citoyennes des quatre coins du Québec se mobilisent pour obtenir un accès aux services des sages-femmes suivant un modèle de pratique qui correspond à leurs attentes. « Bien que la légalisation, il y a 20 ans, ait été le fruit d’un mouvement de femmes et de sages-femmes qui ont milité ensemble, le modèle de pratique demeure fragile et le pouvoir citoyen, difficile à exercer », souligne d’entrée de jeu la coordonnatrice de la Coalition pour la pratique sage-femme, Lorraine Fontaine. Une soixantaine de personnes sont ainsi réunies aujourd’hui afin de réfléchir et de se donner des moyens pour atteindre leurs objectifs.
État des lieux
Rappelons qu’un sondage CROP mené en 2010 démontre que le quart des Québécoises souhaite accoucher hors centre hospitalier; au Québec, les sages-femmes sont les seules professionnelles à offrir cet accompagnement. Aujourd’hui, à peine 4 % des Québécoises ont accès aux services d’une sage-femme alors que la Politique de périnatalité 2008-2018 visait que 10 % d’entre elles puissent y avoir accès en 2018. Nous sommes donc encore loin des objectifs fixés par le ministère de la Santé et des Services sociaux, et encore bien plus loin d’être en mesure de répondre à la demande.
Un parcours jalonné d’embûches
Les groupes citoyens mobilisés se heurtent à beaucoup d’obstacles et de résistance pour s’impliquer et se doter de maisons de naissance et de services qui répondent adéquatement à leurs besoins spécifiques. Nous pourrions résumer ses besoins spécifiques ainsi : se réapproprier un événement intense, mais normal de la vie des femmes, ceci dans une approche de respect de la physiologie et de l’intégrité physique et psychologique des personnes.
La tâche n’est pas mince et il faut faire face notamment au puissant lobby médical dont la culture a peu d’atomes crochus avec le concept de pouvoir citoyen. De plus, les services sages-femmes se développent dans un contexte tendu, au sein d’un réseau de la santé qui réduit constamment la place qu’il réserve à ses usagers. Or, leur mplantation doit faire place aux citoyennes fortement mobilisées qui veulent être partie prenante de la mise en place des structures et des services qui les concernent au premier plan.
Gabrielle Filiou-Chénier, présidente de l’Association des étudiantes sages-femmes du Québec, donne un autre exemple d’entrave au modèle de pratique spécifique développé au Québec : « Les conditions d’études difficiles et les frais excessivement élevés engendrés par les stages prolongent le temps requis pour compléter le baccalauréat. Les étudiantes en ressortent complètement épuisées. Les conditions doivent s’améliorer si on veut que les nouvelles sages-femmes soient en mesure d’exercer cette profession exigeante ».
Sensibiliser pour mieux se concerter
Rappelons également qu’en 2011, la Commission de la santé et des services sociaux recommandait « que soit menée une campagne de sensibilisation visant à faire connaître le haut degré de sécurité de la pratique des sages-femmes et les avantages qu’elle comporte pour les femmes enceintes et leur nouveau-né ». Cette campagne n’a jamais été réalisée, déplore Mme Fontaine. « Des mythes et des préjugés perdurent et nuisent au développement de notre modèle de pratique qui est pourtant profitable tant pour la santé des femmes que pour les finances de l’État. Nous devons sensibiliser les élus et les décideurs et redonner aux citoyennes et aux citoyens une place de choix dans le dialogue social. Ainsi, les participantes au rassemblement d’aujourd’hui travailleront sur une déclaration citoyenne et sur des revendications concrètes qui seront diffusées prochainement », ajoute-t-elle en conclusion.