Le dimanche 15 octobre, des salariés de tous les horizons, des citoyennes et des citoyens descendront dans les rues de Montréal pour réclamer l’augmentation du salaire minimum à 15 $. Plusieurs groupes qui participeront à la marche, dont la CSN, revendiquent également la détermination obligatoire de l’horaire au moins cinq jours à l’avance et à l’octroi annuel de 10 jours de congés payés en cas de maladie ou de responsabilité familiale.
Le but de ces demandes, qui sont à la base de la campagne 5-10-15, est d’aider tout individu se situant au plus bas de l’échelle salariale à se sortir de la précarité et de la pauvreté. Ces mesures adouciraient le quotidien d’un grand nombre de femmes, puisqu’elles occupent encore la majorité des emplois payés au salaire minimum. Non seulement sont-elles plus nombreuses à être rémunérées sous le seuil de pauvreté, mais elles doivent souvent s’absenter du travail pour répondre aux obligations familiales. En 2015, elles ont eu besoin de 72 heures en moyenne pour s’occuper d’un proche, comparativement à 17 heures chez les hommes. Les femmes immigrantes et autochtones sont des groupes particulièrement touchées par ces discriminations systémiques.
La hausse d’Est en Ouest
Le premier ministre semble insensible au sort des travailleuses du Québec. Sa voisine l’Ontario, avec laquelle il fait front commun sur plusieurs dossiers comme la lutte aux changements climatiques ou les transferts en santé, a annoncé qu’elle irait de l’avant avec le salaire minimum à 15 $ en 2019. L’Alberta, elle, l’adoptera dès 2018. Le fait que des femmes dirigent ces provinces n’a sûrement pas nui à l’adoption de ces mesures; le Québec peut d’ailleurs faire beaucoup mieux en matière d’accessibilité des femmes à ce type de fonctions. Mais la question « femme-homme » ne constitue pas le seul facteur susceptible d’inciter les provinces à se doter de telles mesures progressistes. La Colombie-Britannique, dirigée par le néodémocrate John Horgan, a d’ailleurs emboîté le pas à l’Ontario et à l’Alberta par l’annonce, en août, d’une hausse similaire pour 2021. Le Québec, lui, reste fixé à 12,45 $ l’heure en 2020. Rien pour écrire à sa mère. Encore une fois, la rhétorique de l’Institut économique de Montréal et du Conseil du patronat a trouvé un bon écho auprès des têtes dirigeantes du parti libéral. Mais n’en déplaise à Philippe Couillard et à ses joyeux comparses qui viennent d’être reconduits dans leurs fonctions, augmenter le salaire minimum à 15 $ l’heure ne nuira pas au marché de l’emploi ; qu’on cesse donc de nous brandir cet épouvantail. Une telle mesure aura plutôt comme effet de stimuler l’économie, comme ce fut le cas en Colombie-Britannique où une augmentation de 28 % du salaire minimum a produit en 2010, selon l’Institut de recherche socio-économique (IRIS), un effet positif direct sur la consommation. De plus, contrairement aux prétentions des ténors néo-libéraux, aucune perte nette d’emploi n’a été constatée à la suite de cette hausse. On sait que le sujet est chaud aux États-Unis et c’est aussi à cette conclusion que sont arrivés, en 2014, plus de 600 économistes américains de l’Economic Policy Institute, qui compte dans ses rangs plusieurs prix Nobel.
En ce mois de l’histoire des femmes où on met de l’avant leur contribution exceptionnelle aux enjeux de société, ne conviendrait-il pas que les libéraux s’engagent résolument en faveur des moins nantis du Québec? Avec les surplus de 12 milliards engrangés par leur saccage en santé et services sociaux, il serait de bon aloi qu’ils accèdent aux demandes légitimes de celles et ceux qui envahiront les rues de Montréal demain. Mais encore faudrait-il qu’ils admettent les besoins criants de cette classe pour agir. La perspective de l’appel aux urnes pourra-t-elle opérer ce miracle?