« Nos organisations mènent des luttes similaires, dont celle contre ce que nous appelons la digitalisation du travail, une dévalorisation qui se manifeste par l’absence ou le manque de créativité, les tâches répétitives, bref, par une perte de sens au travail. Cette perte de sens est accentuée par l’inégalité des statuts d’emploi qui implique forcément une inégalité des salaires versés. Alors que le secteur public tirait les conditions de travail vers le haut avec des emplois dits statutaires (permanents), nous constatons que le privé ne fait pas mieux et que même dans le public, les conditions sont tirées vers le bas avec la création de postes plus précaires.
« Les travailleuses et travailleurs sans-papiers vivent aussi de la discrimination similaire à celle contre laquelle vous luttez ici. Plus précaires, ils acceptent souvent des postes mal payés que d’autres refusent, des emplois peu valorisants. Nous militons donc pour qu’il y ait une régularisation de leur statut, ce qui amènerait automatiquement un rehaussement important de leurs conditions de travail afin de tirer ces salarié-es vers le haut et de contrer la dévalorisation du travail.
Et différents
« Notre organisation regroupe 1,5 million de membres, y compris les sans-emploi affiliés que nous représentons et à qui notre organisation verse les indemnités de chômage que nous recevons de l’État. Plus besoin de déclarer ses semaines au gouvernement, le versement se fait plus rapidement, plus facilement et nous soutenons leurs efforts pour retrouver un emploi, pour refaire leur CV, etc. Les sans-emploi sont membres à part entière et participent à tous nos congrès.
Contrer l’ubérisation et la précarisation du travail
« Nous travaillons aussi à la syndicalisation des travailleuses et des travailleurs de plateforme, de celles et de ceux, par exemple, qui livrent des repas via des applications, les faux indépendants qui ont le même employeur, afin d’élever leurs conditions de travail. On veut assurer leur santé et leur sécurité au travail tout en leur donnant accès aux protections sociales. Nous avons récemment vu, au Brésil, des applications pour obtenir les services d’un avocat payé à l’acte et donc précarisé, et nous devons organiser ces nouvelles formes d’accès au travail afin de leur garantir de bonnes conditions d’exercice.
« Nous travaillons également sur la mise en place de lois qui imposeraient un devoir de vigilance. Cela impliquerait que les maisons-mères des multinationales soient responsables et redevables pour toute la chaîne de production, du producteur de cacao en passant par celui qui le transforme pour le consommateur. Nous avons d’ailleurs tissé des liens avec la CSN lors de la courte grève des salarié-es de Barry Callebaut, en septembre 2019. Puisque nous avons la transparence financière en Belgique, nous avons divulgué les renseignements financiers nécessaires à la négociation des salarié-es de Saint-Hyacinthe.
« Finalement, comme vous, nous vivons une montée de l’extrême droite et nous sommes très vigilants à cet égard. Les élections européennes arrivent chez nous en 2024, à tous les niveaux de pouvoir du pays, et cela coïncide aussi avec les élections syndicales qui ont lieu tous les quatre ans. Nous avons des règles concrètes afin d’éjecter tout délégué-e affichant de telles postures politiques. Il n’est pas question pour nous de laisser l’extrême droite prendre place dans des organisations qui luttent pour la solidarité, l’entraide et la justice sociale. »