Projet de loi 77

Non à une privatisation de l’immigration et à l’abandon de la francisation

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) fait part de ses nombreuses réserves et vives inquiétudes face au projet de loi 77 qui vise à remplacer l’actuelle Loi sur l’immigration au Québec, et s’insurge contre la privatisation de l’immigration et l’abandon de la francisation.

Dans un mémoire de 24 pages déposé en fin d’après-midi aujourd’hui (10 février, 17h) à la Commission des relations avec les citoyens, la CSN y va de 23 recommandations afin d’assurer aux Québécoises et aux Québécois une loi de l’immigration équitable tant au plan social qu’économique.

D’abord, le projet de loi 77 semble vouloir laisser bien peu de place à la francisation des nouveaux arrivants. L’article 58 mentionne l’obligation pour le ministre d’élaborer des programmes d’accueil et de francisation, alors que la loi actuelle dit que le ministre doit dispenser et assumer les services d’intégration linguistique. Il y a un net recul à ce chapitre et c’est inexplicable quand on sait qu’actuellement 20 % des immigrants ne parlent pas un mot de français.

« On assiste à une véritable hécatombe au niveau de la francisation des immigrants. Les libéraux coupent inlassablement dans les programmes de francisation des immigrants. Le gouvernement rêve en couleur s’il croit que les immigrants vont apprendre le français sans soutien, notamment dans les milieux de travail. Certains d’entre eux sont ici depuis 20 ou 30 ans et ne parlent toujours pas la langue officielle du Québec. C’est alarmant et surtout inacceptable. Cela démontre aussi que la Charte de la langue française n’est pas rigoureusement appliquée au Québec. Comment expliquer autrement qu’on puisse y travailler et faire affaire avec l’administration publique sans connaître un mot de francais ? », lance avec conviction Jean Lortie, secrétaire général de la CSN. Il est également inquiétant de constater le peu de place qu’occupe l’intégration des immigrants à la société québécoise dans le projet de loi 77. Seulement deux articles en parlent, et de façon très vague. Or, il est de notre avis que pour connaître du succès, une politique de l’immigration doit assurer l’intégration des nouveaux arrivants. Cette réussite doit immanquablement passer par l’apprentissage et l’utilisation de la langue française, la reconnaissance des acquis et diplômes et la lutte à la discrimination.

Privatisation de l’immigration

Dans ce projet de loi, le gouvernement semble prioriser la seule prospérité économique au détriment de toute autre considération. Ainsi, les immigrants seraient sélectionnés en fonction des seuls besoins de main-d’œuvre des employeurs, une façon de faire qui occulte complètement l’enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec.

« Voir l’immigration uniquement comme un système de recrutement de main-d’œuvre est une grave erreur. Il est vrai que l’immigration peut parfois permettre de répondre à des besoins précis d’entreprises, mais elle est beaucoup plus qu’un simple élément économique. Les besoins des entreprises et ceux de la société ne sont pas toujours compatibles », ajoute Jean Lortie.

Les statistiques tendent aussi à démontrer que l’arrimage entre immigration et besoins de main-d’œuvre est loin d’être la solution à tous les problèmes. Selon Statistique Canada, il y avait en 2014 au Québec, 8,2 chômeurs pour un poste vacant. Le manque de main-d’œuvre ne peut donc à lui seul guider la politique d’immigration.

Centralisation des pouvoirs

Autre élément inquiétant, le projet de loi 77 prévoit une centralisation excessive de pouvoirs entre les mains du ministre. En effet, des pans essentiels de la loi seront établis par règlement du gouvernement ou du ministre. « Cela signifie que le public ne pourra pas soumettre de commentaires préalablement à l’adoption de ces règlements. Une telle façon de faire est inacceptable et d’autant plus critiquable, qu’elle concerne l’immigration, un sujet névralgique pour la société québécoise tout entière. »

C’est sans compter que le projet de loi semble ouvrir la porte davantage à la main-d’œuvre temporaire. En effet, le gouvernement envisage la possibilité de mettre en œuvre des projets pilotes d’immigration temporaire d’une durée maximale de cinq ans.

« Quel est le but derrière ces projets pilotes ? questionne M. Lortie. Veut-on intensifier encore davantage l’utilisation de la main-d’œuvre étrangère temporaire ? Veut-on exploiter la misère et créer une caste de travailleurs et travailleuses jetables qu’on importe selon les besoins des entreprises et qu’on retourne chez eux quand on n’en a plus besoin ? On parle ici d’êtres humains et non de marchandise. »

Le gouvernement n’a par ailleurs rien prévu dans le projet de loi pour venir en aide aux femmes immigrantes qui ont souvent plus de difficultés à intégrer le marché du travail.

 

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