La CSN joint sa voix à celles d’autres organisations, comme Solidarité rurale, l’UPA, la FTQ et la Fédération des commissions scolaires pour dénoncer l’austérité libérale qui s’étend maintenant au modèle québécois de développement régional et menace la création d’emplois.
« Mettre fin au financement de Solidarité rurale, le seul organisme de concertation de cet ordre pour le monde rural, montre le peu de sensibilité du gouvernement Couillard aux réalités régionales », affirme Jean Lacharité, vice-président de la CSN.
La principale victime des compressions de 300 M$ annoncées par le gouvernement Couillard envers les municipalités sera notre modèle québécois de développement régional décentralisé et axé sur la concertation régionale. Ce chambardement de structures survient malheureusement au moment où le Québec aurait pourtant cruellement besoin de conserver tous ses atouts en matière de création d’emplois puisque le secteur public est amputé de plusieurs postes par les mesures d’austérité et le privé sous-performe par rapport au reste du Canada.
L’abolition des conférences régionales des élus (CRÉ) ainsi que l’incertitude totale quant à l’avenir des centres locaux de développement (CLD et CDEC), tout comme la restriction prévue du budget et de la clientèle des carrefours jeunesse-emploi (CJE) vont amputer les régions du Québec de trois piliers du développement économique au service des régions. « Ce n’est pas le temps de jouer dans les structures et d’éliminer la concertation régionale, il faut créer des emplois », souligne Jean Lacharité, qui rappelle que la fin prévue d’instances régionales de concertation comme les CRÉ, les commissions scolaires et les agences régionales de la santé et des services sociaux dépouille plusieurs régions des leviers nécessaires à une expression de la volonté régionale.
De 1998 à 2010, pas moins de 180 000 emplois ont été créés ou maintenus grâce aux CLD et aux CDEC qui jouent un rôle similaire. Pour la même période, on parle de 24 000 entreprises aidées et de 6 milliards de dollars d’investissement global. Le financement et l’accompagnement provenant des 120 CLD permettent notamment de faire passer le taux de survie après cinq ans des nouvelles entreprises de 35 % à plus de 70 %, tout en s’assurant de miser sur des projets complémentaires au tissu économique du territoire visé. Chaque dollar investi par l’entremise des CLD et CDEC génère en moyenne dix dollars d’investissement global et c’est souvent le point de départ qui rend possible le reste du montage financier. Dans plusieurs cas, il s’agit de nouvelles PME qui sont des entreprises locales, créatrices d’emplois, et qui ne risquent pas d’être délocalisées à l’étranger comme c’est le cas avec les grands investisseurs étrangers dont les décisions impersonnelles fluctuent au rythme capricieux des cycles de l’économie mondiale. La relative bonne performance du Québec pendant la crise de 2008 s’explique d’ailleurs en partie par la présence de milliers de PME partout sur le territoire.
Les CJE permettent quant à eux à des milliers de jeunes de se trouver un emploi à la hauteur de leur talent et ainsi de faire en sorte de conserver ou même de rapatrier les nouveaux diplômés dans les entreprises de la région. La réforme actuelle compromet cependant le financement pour 65 % des jeunes qui faisaient appel à un CJE sur une base volontaire.
La CRÉ permet de son côté une concertation régionale qui est requise pour les projets plus importants et une approbation de l’ensemble des acteurs sur le territoire qui visent souvent bien plus à s’assurer de la localisation des investissements que d’un démarrage réussi d’entreprise. Chaque dollar injecté par les CRÉ a généré en moyenne des investissements de cinq dollars.
Les CRÉ ont été créées en 2004 par un gouvernement libéral afin de favoriser la décentralisation. Les CLD ont été créés en 1998 en même temps que le gouvernement de l’époque visait le déficit zéro. On avait alors cru qu’il valait mieux soutenir les efforts régionaux de création d’emploi au moment où le gouvernement sabrait ses budgets. La situation n’est pas fondamentalement différente aujourd’hui.
Transférer toutes ces responsabilités aux MRC ou aux municipalités, c’est se priver du professionnalisme des 1350 travailleuses et travailleurs qui œuvrent en CLD et CDEC. Il est par ailleurs clair qu’une très grande majorité de municipalités ou de MRC n’ont pas l’expertise requise pour reprendre ce mandat économique. Abolir les CRÉ, c’est revenir aux guerres de clocher qui ont eu cours dans le passé.
Bref, il s’agit ici d’une nouvelle réforme de structures du gouvernement Couillard qui manque de vision et de sensibilité envers les réalités régionales. Le gouvernement actuel est en train de laisser tomber les régions du Québec.
À propos
Fondée en 1921, la CSN est une organisation syndicale qui œuvre pour une société solidaire, démocratique, juste, équitable et durable. À ce titre, elle s’engage dans plusieurs débats qui intéressent la société québécoise. Elle est composée de près de 2000 syndicats. Elle regroupe plus de 325 000 travailleuses et travailleurs réunis sur une base sectorielle ou professionnelle dans huit fédérations, ainsi que sur une base régionale dans treize conseils centraux, principalement sur le territoire du Québec.