Le fait que le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale justifie ce programme par le contexte actuel de plein emploi et de pénurie de main-d’œuvre trahit une analyse plutôt simpliste de la situation et une incompréhension désolante quant à l’importance et à l’étendue des services offerts par ces organismes.
Nous croyons que, plutôt que de les rendre caducs, le contexte actuel tend à magnifier l’importance des services d’aide à l’emploi.
En effet, plutôt que d’utiliser cette situation économique particulière comme un prétexte pour couper encore davantage les vivres à des organismes déjà sous-financés, le gouvernement devrait plutôt réaliser le rôle primordial que ces organisations peuvent jouer pour aider les employeurs à trouver la main-d’œuvre dont ils ont besoin. Ces organismes ont le potentiel d’assurer une meilleure adéquation entre les besoins des employeurs et le développement des compétences des individus sur un territoire donné.
Qui plus est, la croissance fulgurante de l’indice des prix à la consommation (IPC) et la hausse vertigineuse du coût des logements auxquelles nous assistons depuis quelques années sont des facteurs qui doivent aussi être pris en compte lors de l’analyse contextuelle. L’augmentation du coût de la vie qu’engendrent ces deux phénomènes vient en effet exacerber la précarité de la situation des demandeurs d’emploi et renforcer le besoin d’intégrer le plus de personnes possible dans le marché du travail.
Un mode de gestion à revoir
Un regard rapide sur les mécanismes d’évaluation des résultats et de financement des organismes spécialisés en employabilité suffit pour comprendre ce qui fausse l’analyse du Ministère quant à leur utilité.
Le financement sous forme de « forfait » par client ou par acte et la mesure de performance en termes de « nombre de participants » ne tiennent pas compte des besoins croissants des personnes en recherche d’emploi et des employeurs.
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de plein emploi, les personnes qui sont toujours sans emploi se présentent souvent avec des problématiques plus complexes, qui demandent une attention soutenue et des services plus pointus.
Les organismes sont donc coincés dans un engrenage où ils sont inévitablement perdants : ils n’atteignent pas leurs nombres « cibles » de participants, donc on coupe leur financement, ce qui rend leurs objectifs encore plus difficilement atteignables.
Ajoutons à cela que plusieurs individus qui désirent obtenir de l’aide se voient refuser l’accès aux services en raison de critères d’admissibilité exagérément restrictifs et complexes qui visent davantage à réduire le financement qu’à s’adapter aux besoins de la clientèle actuelle.
Par exemple, les personnes avec un statut de réfugié et les travailleurs et travailleuses précaires n’ont pas accès à la plupart des services, alors que les organismes, eux, seraient tout à fait disposés à leur en offrir.
Tous ces écueils font en sorte que nous sommes convaincus qu’à l’heure actuelle, la société québécoise ne bénéficie pas du plein potentiel des organismes spécialisés en employabilité. Nous sommes aussi convaincus que pousser ces organismes à fusionner ou à fermer leurs portes n’améliorera en rien la situation.
Nous espérons avoir bientôt la chance de rencontrer la ministre de l’Emploi, Kateri Champagne Jourdain, afin de discuter plus longuement des moyens et des outils à mettre en place pour aider ces organismes à jouer pleinement leur rôle de moteur du développement économique et du développement régional au Québec.
Danny Roy, Président de la Fédération des professionnèles–CSN
1. Lisez Aide à l’emploi–Le gouvernement veut moins d’organismes