Il aura finalement fallu plus de deux ans pour que le Syndicat des travailleuses et travailleurs du Groupe Vétéri-Médic–CSN signe sa première convention collective. Mais il faut le dire, le chemin pour y arriver aura été particulièrement cahoteux.
Retour sur la démarche syndicale des travailleuses du Centre Vétérinaire Rive-Sud (CVRS) qui ont découvert la valeur de la persévérance.
La légitimité du syndicat a été contestée par l’employeur dès le dépôt de la requête en accréditation. Ce dernier a même fait appel aux services de Me Corrado De Stefano, avocat patronal de renom s’étant notamment démarqué lors des litiges contentieux de la syndicalisation des dépanneurs Couche-Tard, ainsi que de la fermeture du Walmart à Jonquière.
Après une victoire éclatante du syndicat au Tribunal administratif du travail (TAT) en septembre 2017, on se serait attendu à ce que les choses se placent tranquillement pour les travailleuses et travailleurs du CVRS. Au contraire, le pire restait encore à venir : menaces et représailles, une première négociation sabotée et, finalement, le dépôt d’une requête en révocation.
Les stratégies orchestrées par l’employeur auraient sûrement été suffisantes pour décourager les plus chevronnés des syndicalistes. Alors, imaginez un moment ce que ces jeunes militantes devaient ressentir devant un tel barrage antisyndical. Certes, elles venaient d’effectuer une première syndicalisation au Québec dans le secteur des soins vétérinaires offerts dans des cliniques privées, mais avaient-elles réellement ce qu’il fallait pour survivre aux tactiques de division de l’employeur ?
Une « crinquée » déterminée
Si le STT du Groupe Vétéri-Médic–CSN tient toujours, c’est en grande partie grâce aux efforts titanesques de celle qu’on surnommait la « crinquée » lors de la première campagne de signature de cartes. Alexandra Fortin-Boulay, jeune technicienne en santé animale (TSA) et aujourd’hui présidente du syndicat, a tenu coûte que coûte à ce que le syndicat se mette en place au CVRS.
Ayant perdu ses élections lors de l’assemblée générale de fondation en novembre 2017, elle aurait pu facilement se désengager et perdre tout intérêt pour la négociation à venir, mais elle était trop convaincue du bien-fondé du syndicalisme pour abandonner.
« La première année s’est avérée excessivement difficile, parce que nous n’étions pas membres du comité exécutif et nous avions peu de pouvoir d’influence pour faire bouger les choses. Nous étions juste des filles qui tripaient sur l’idée du syndicat et qui voyaient le délai s’écouler », nous raconte Mme Fortin-Boulay. « L’ancien comité exécutif a commencé à négocier seulement cinq mois après la première assemblée générale. Moi, je voyais rapidement le temps filer et je craignais que l’employeur ne tente de nous en passer une vite si nous n’avions pas de convention signée avant le délai d’un an. Et voilà que, comme par magie, une pétition de révocation s’est mise à circuler dès que le délai a été échu. On savait déjà que l’employeur ne voulait pas de syndicat. C’était clair comme de l’eau de roche qu’il allait s’arranger pour que ça tombe. »
Mais tout n’était pas perdu. À l’insu de l’employeur, les militantes syndicales préparaient à leur tour un grand coup de théâtre. En même temps que la pétition de révocation circulait dans la bâtisse, une nouvelle campagne de signature de cartes se dessinait. Les militantes ont donc déposé une deuxième requête en accréditation quelques heures après que la révocation soit soumise au TAT. Elles se sont aussi organisées pour se faire élire au comité exécutif et finalement prendre le contrôle du navire.
Quelques mois et une conciliation plus tard, les membres ont adopté à 98 % une entente de principe menant à leur première convention collective. Mme Fortin-Boulay espère que les gains acquis motiveront les salarié-es d’autres cliniques à se syndiquer. « Les conditions de travail des TSA sont très difficiles. Souvent, les gens quittent leur emploi après trois ans pour retourner aux études parce que l’horaire est ingérable et la rémunération est faible. Nous avons besoin d’une vague de syndicalisation dans ce secteur qui est en pleine croissance. Nous avons besoin de nous faire entendre. »