La Confédération syndicale internationale (CSI) et les organisations syndicales québécoises, dont la CSN, ont appelé les gouvernements à suspendre les négociations sur l’ « Accord de partenariat transpacifique », critiquant le secret et le biais corporatiste dont est, selon elle, empreint ce processus. Cette semaine, elles ont écrit à cet effet au premier ministre Stephen Harper et diffusé un communiqué de presse.
M. Harper,
Nous déplorons le fait que les négociations sur le Partenariat transpacifique (PTP) se poursuivent bien qu’elles se fondent sur une logique défectueuse et se déroulent dans le plus grand secret.
Nous vous avons déjà prévenu à l’effet que les propositions sur la table ne mèneront pas à une économie mondiale plus stable, égalitaire et sécuritaire et avons demandé que les négociations soient sérieusement réorientées vers ces objectifs. Le mouvement syndical a plaidé à maintes reprises en faveur d’un accord équilibré qui serve les intérêts de toute la population, pas seulement ceux des multinationales. Malgré cela, il nous faut constater qu’aujourd’hui :
1. Le chapitre sur l’environnement, qui a fait l’objet d’une fuite, ne contient aucune disposition visant à assurer l’application des mesures de protection de l’environnement et il ne prend même pas en considération le besoin d’agir pour atténuer les changements climatiques.
2. Le chapitre sur l’investissement adopte une définition très large de l’investissement et permet l’accès des investisseurs à un mécanisme de règlement des différends contre les gouvernements qui les favorise. Les organisations syndicales, de la société civile, les chercheurs universitaires, les experts en droit, des parlementaires au niveau local et national ont tous exigé l’exclusion du mécanisme de règlement des différends investisseurs-État mais ces appels n’ont toujours pas été entendus.
3. La version fuitée du chapitre sur les droits de propriété intellectuelle nous prouve que les gouvernements négocient l’institutionnalisation d’un régime sans précédent de protection des brevets, y compris sur les médicaments. Cela va rendre les médicaments inaccessibles pour des millions de personnes et les autorités publiques, mais va faire grimper les profits des multinationales pharmaceutiques.
4. Selon l’information disponible, les négociateurs du PTP tentent de rabaisser pratiquement tous les marchés publics (nationaux, régionaux, locaux, municipaux) à des soumissions devant obéir à des règles internationales très restrictives. Les organisations syndicales ont depuis toujours affirmé que les gouvernements doivent maintenir leur capacité d’accorder la priorité aux objectifs de politique publique comme la création d’emplois, la protection de l’environnement et des droits humains et du travail quand ils accordent des contrats aux entreprises privées pour pouvoir réaliser leur mission.
5. De façon similaire, les organisations syndicales et de la société civile se sont constamment et vigoureusement opposées à toute tentative de restreindre la capacité des gouvernements de légiférer et de réglementer pour promouvoir et protéger la santé, la sécurité et le bien-être général de leurs citoyen-ne-s. Cependant, le chapitre sur la « cohérence réglementaire » du PTP et celui sur les services et la transparence leur impose de sévères restrictions et intensifie l’influence des entreprises dans le processus et le contenu de la règlementation. Selon l’information disponible, le chapitre sur les services comprend une série de restrictions au pouvoir des gouvernements de réglementer le secteur financier de manière à atteindre plus de stabilité économique et à faire preuve de prudence financière.
6. Étant donnée l’incapacité des chapitres sur le travail négociés jusqu’à maintenant de produire des améliorations significatives pour les travailleurs et les travailleuses, les organisations syndicales des pays participant aux négociations sur le PTP exigent des gouvernements qu’ils adoptent un chapitre sur le travail qui incluent les normes les plus élevées internationalement, doté d’un mécanisme d’application effectif, en plus de plusieurs autres innovations. Nous n’avons aucune indication à l’effet que les propositions syndicales sont correctement prises en compte dans le PTP. Au contraire, certaines propositions constituent des reculs par rapport aux chapitres sur le travail existants dans d’autres traités.
Garder les textes et les mandats de négociation à l’abri d’un examen public n’est pas une pratique acceptable pour un « accord du XXIe siècle » dont on dit qu’il constituera une référence. Pour pouvoir créer des accords équilibré et inclusif, les gouvernements doivent rendre public les documents pertinents qui vont permettre aux parlements et à la société civile d’y apporter leur contribution, de même que d’alerter la population des dangers potentiels à un stade précoce des négociations, en tout cas, bien avant que les accords ne soient conclus.
De plus, nous trouvons préoccupant qu’il n’y ait eu aucune étude indépendante d’impact économique, social et environnemental pour chacun des pays avant ou pendant les négociations. Les quelques évaluations économiques qui ont été faites se sont révélées incomplètes, voire défectueuses sur les plans de leur méthodologie et de leurs hypothèses de base. Ce qui signifie que les négociateurs ne sont pas bien informés des conséquences de l’accord sur les travailleurs, sur les consommateurs, sur les petites et moyennes entreprises, sur l’environnement, sur les budgets nationaux liés à la santé ni sur les systèmes politiques démocratiques, entre autres. C’est pourquoi l’exclusion des parlements, des organisations syndicales et de celles de la société civile d’une participation significative aux négociations est encore plus inacceptable à nos yeux.
Comme toutes les préoccupations syndicales majeures ont été ignorées, les organisations syndicales des pays participant aux négociations sur le PTP demandent à leur gouvernement respectif de suspendre les négociations jusqu’à ce qu’ils obtiennent un mandat clair issu d’un processus transparent. Enfin, nous souhaitons pouvoir vous rencontrer pour discuter de nos préoccupations concernant le Partenariat transpacifique à un moment de votre convenance.
Bien à vous, Sharan Burrow, secrétaire générale, Confédération syndicale internationale (CSI) François Vaudreuil, président, Centrale des syndicats démocratiques (CSD) Jacques Létourneau, président, Confédération des syndicats nationaux (CSN) Daniel Boyer, président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)