À un mois de l’élection fédérale du 19 octobre, une trentaine d’organismes communautaires, syndicaux, féministes, écologistes et étudiants joignent leurs voix pour lancer un appel et demander à la population de chasser le gouvernement de Stephen Harper. Du même souffle, ils réclament des partis d’opposition qu’ils s’engagent à changer de cap, en rompant avec les politiques néolibérales qui ont commencé à s’implanter au Canada il y a trente ans, et qui se sont accélérées sous le gouvernement conservateur. Ils entendent porter ces messages lors d’un rassemblement qui aura lieu le jeudi 24 septembre à 18 h 30, devant l’édifice de Radio-Canada, à Montréal, où se déroulera le premier débat des chefs en français.
Un gouvernement destructeur Les organismes dressent un bilan extrêmement sévère des années de pouvoir du gouvernement Harper.
En matière environnementale, ils lui reprochent d’avoir déchiré le protocole de Kyoto, d’avoir subventionné et avantagé l’industrie pétrolière des sables bitumineux et d’avoir ainsi contribué à faire du Canada un des pays les plus polluants de la planète. « Présentement, on voit se multiplier au Canada les projets de transport des sables bitumineux : par oléoducs, trains, bateaux ! » souligne Marie-Josée Béliveau, porte-parole de la Coalition Vigilance Oléoducs. Elle ajoute : « Le gouvernement actuel agit comme un irresponsable en favorisant et en imposant cette industrie, ce qui fait que notre pays accuse un important retard en terme d’engagements sur la question climatique. »
Les organismes communautaires, syndicaux, féministes et écologistes blâment le gouvernement conservateur pour avoir ignoré les demandes répétées en faveur de la mise sur pied d’une commission d’enquête publique sur les 1200 femmes autochtones assassinées ou disparues en trente ans, ainsi que pour avoir détruit le registre des armes à feu. « Le gouvernement Harper a représenté un obstacle majeur dans la lutte contre la violence faite aux femmes, et particulièrement à celles qui sont les plus vulnérables », estime Sylvie Lévesque, directrice-générale de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.
De plus, les organismes accusent le gouvernement d’avoir affaibli les espaces démocratiques et d’avoir tenté de museler les oppositions, notamment en coupant les vivres aux groupes de femmes, aux ONG de coopération internationale, aux organismes d’éducation populaire et aux autres groupes qui ne partagent pas sa vision du monde. « Il veut maintenant aller fouiller dans les livres comptables des syndicats pour s’assurer qu’ils ne se mêlent pas de politique », ajoute Jean Lortie, secrétaire général de la CSN.
Les coupes dans la recherche scientifique, les compressions d’un demi-milliard de dollars à Radio-Canada, l’abolition de la livraison du courrier à domicile et la réduction des avantages fiscaux accordés aux fonds de travailleurs, pourtant créateurs d’emplois, font aussi partie des griefs des organisations, tout comme la réforme de l’assurance-emploi. « Cette odieuse réforme a notamment obligé les chômeurs et les chômeuses à accepter des emplois à des salaires inférieurs, non liés à leurs compétences et éloignés de leur lieu de résidence, ce qui a surtout pénalisé les femmes, les jeunes et les travailleurs précaires », affirme M. Lortie.
Les organisations critiquent aussi le gouvernement pour avoir refusé de renouveler les subventions à long terme à 554 000 logements sociaux, pour ne pas avoir bonifié le Régime de pensions du Canada et avoir plutôt augmenté l’âge de la retraite à 67 ans, ainsi que pour avoir coupé dans les transferts aux provinces en matière de santé, ainsi que de programmes sociaux. « Pendant ce temps, le gouvernement Harper adoptait des mesures fiscales profitant essentiellement aux plus riches comme les Comptes d’épargne libres d’impôt (CELI) et le fractionnement du revenu entre conjoints. Tout cela a contribué à élargir les écarts de revenus au Canada », s’offusque François Saillant, coordonnateur du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Il ajoute que « le gouvernement Harper a fait fi de toutes les recommandations des diverses instances de l’ONU en matière de droits de la personne ».
Les organismes tracent également un bilan sans pitié de la politique étrangère du gouvernement Harper. Selon Ronald Cameron, président du conseil d’administration d’Alternatives, « ce gouvernement a aligné le Canada sur les positions des faucons de ce monde ; il a bafoué les droits du peuple palestinien en appuyant à répétition la politique d’agression d’Israël ; il a privilégié le soutien aux compagnies minières canadiennes à l’étranger au détriment d’autres formes d’aide internationale ; il a opté pour la guerre et une politique militariste ». M. Cameron ajoute que « le Canada de Stephen Harper n’a pas été la terre d’accueil qu’il aurait dû être pour les personnes et les familles réfugiées ». Les organismes considèrent finalement que le premier ministre a entraîné le Canada dans l’obsession sécuritaire, ce qui a récemment conduit à l’adoption du projet de loi C-51 qui accroît dangereusement les pouvoirs des services secrets canadiens.
Plus qu’un changement de gouvernement Les mouvements sociaux estiment cependant qu’il faut plus qu’un changement de gouvernement, d’où l’appel qu’ils lancent en faveur d’un changement de cap. François Saillant explique ce besoin en ces termes : « Les partis d’opposition doivent s’engager à promouvoir, au Canada comme à l’étranger, une politique basée sur la justice sociale et environnementale, sur les droits de la personne, sur la démocratie, sur la paix, sur la reconnaissance et le respect des droits des peuples autochtones et sur un nouveau paradigme économique au service des personnes et non l’inverse. Il ne s’agit pas seulement de s’opposer aux conservateurs de Stephen Harper, il s’agit aussi de reprendre le contrôle de notre avenir collectif ».