Blogue de Véronique de Sève
L’annonce récente d’une injection de 40 millions de dollars dans les services de garde éducatifs, dont la moitié avait déjà été présentée au dernier budget, signifie-t-elle que ces services sont devenus une priorité du gouvernement Philippe Couillard, et de son ministre titulaire de la Famille, Sébastien Proulx ? Cette annonce ne règlera absolument pas les problèmes engendrés par trois années d’austérité. La question mérite d’être posée alors que le gouvernement a dégagé depuis les deux dernières années des surplus de quatre milliards de dollars, ce qui correspond à autant de compressions budgétaires dans différentes missions de l’État.
L’annonce par le ministère de l’Éducation en début de semaine de l’ajout de 100 nouvelles classes de maternelle 4 ans (à temps plein, en milieu défavorisé) n’est pas non plus une solution aux problèmes créés par ce gouvernement. Nous croyons que les CPE et les services de garde en milieu familial sont les mieux placés pour offrir des services adaptés aux besoins de ce groupe d’âge : milieu de vie de qualité, formation du personnel, ratio qui tient compte de l’âge des enfants, etc.
De plus, l’ajout de ces places en maternelle ne tient aucunement compte d’une récente étude sur la qualité éducative de la maternelle 4 ans, depuis son déploiement en 2013. Dans un reportage de Radio-Canada du 30 mars 2017, on expliquait que les maternelles 4 ans n’avaient pas atteint leurs objectifs à cause d’un manque de qualité attribuable au fait que près d’un quart des enseignants n’avaient pas suivi de cours spécifiques en enseignement préscolaire et à un manque de personnel et de soutien matériel.
Pourquoi ne pas effectuer un virage et remettre les services éducatifs à l’enfance au cœur de la politique familiale du Québec ? Rappelons que depuis 2014, le réseau a subi des compressions de plus de 300 millions principalement dans les centres de la petite enfance et le milieu familial.
Par ses actions, le gouvernement a aussi volontairement ralenti le développement des services de garde éducatifs en CPE et en milieu familial, en privilégiant le recours aux garderies commerciales moyennant l’octroi de crédits d’impôt fort alléchants versés aux familles. Ainsi, leur nombre s’est rapidement multiplié au cours des récentes années, augmentant de 784 % depuis 2009 pour atteindre quelque 61 400 places aujourd’hui !
Il faut aussi rappeler les impacts financiers du choc tarifaire sur les familles, à la suite de la nouvelle tarification basée sur le revenu annuel. Selon Radio-Canada, pour l’année 2016-2017, il semble que quelque 126 000 familles ont dû débourser environ 130 millions de dollars, en plus de la contribution de base de 7,75 $ par jour, elle-même indexée à chaque année. On est loin ici de la promesse faite par Philippe Couillard, au lendemain des élections d’avril 2014, qui s’engageait à éviter « un choc tarifaire aux familles de la classe moyenne, en optant pour une indexation des tarifs. »
À l’approche des élections provinciales, ces annonces et les quelques millions supplémentaires ne permettront jamais de rattraper les sommes perdues ni de contrer le saccage des services éducatifs, un joyau que le Québec s’est pourtant donné il y a maintenant vingt ans. Seule une réinjection massive de fonds publics pourra permettre d’offrir aux familles des services éducatifs à la petite enfance de qualité. Et pour y arriver, il faudra un changement de cap radical visant la primauté des enfants sur toute autre considération.
Voilà pourquoi la CSN lancera dès le début de l’automne prochain une vaste campagne publique de sensibilisation intitulée Pas de profits sur le dos des petits, conforme aux orientations et aux consensus développés lors du Sommet sur l’éducation à la petite enfance tenu les 4 et 5 mai dernier. Il importe de rappeler aux partis politiques que les services éducatifs ne sont pas une marchandise quelconque, mais un bien public de grande valeur sociale et humaine.