Projet de loi 70 : coupes à l'aide sociale

Les grands syndicats québécois au front pour exiger le retrait du Programme objectif emploi

À quelques jours du début des consultations publiques sur le projet de loi 70, Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi, les centrales et les grands syndicats québécois ont la ferme intention de se faire entendre et se joignent à la Coalition Objectif Dignité pour exiger que le ministre Hamad retire le Programme objectif emploi du menu législatif.

Les porte-parole syndicaux étaient ce matin en conférence de presse aux côtés de ceux de la Coalition, forte d’une vingtaine d’associations et de regroupements nationaux de groupes sociaux.

Ils critiquent sévèrement le cœur du projet de loi 70, soit le Programme objectif emploi, qui obligerait les personnes qui font une première demande d’aide sociale à participer à un plan d’intégration à l’emploi. Celles-ci pourraient voir leur prestation amputée de moitié, aux dires du ministre Hamad, si elles refusaient de participer au Programme.

Selon les porte-parole syndicaux et sociaux, le Programme objectif emploi est odieusement empli de préjugés envers les personnes assistées sociales et représente un grave recul pour l’accès à l’aide de dernier recours.

« L’approche punitive du ministre Hamad ne fonctionnera pas. En 2005, sa prédecesseure l’a compris et a reculé. Les expériences du même genre, testées çà et là dans les pays occidentaux, n’arrivent jamais à remplir leurs promesses. Au final, il n’y aura de toute façon pas assez d’emplois disponibles pour tous les sans-emploi qui peuvent et veulent travailler. Soutenir le contraire est irrationnel », de s’indigner Serge Petitclerc, porte-parole de la Coalition.

Pour Véronique de Sève de la CSN : « Les mesures d’aide à l’emploi coercitives ne sont pas une solution et elles affecteront en particulier les femmes. En s’échinant 40 heures par semaine au salaire minimum, on n’obtient pas un salaire décent. Surtout que les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel, ce qui accentue encore leur précarité économique. La hausse de fréquentation des banques alimentaires par des personnes détenant pourtant un emploi témoigne de l’émergence des “travailleurs pauvres”. Et, faut-il le rappeler… ce sont surtout des “travailleuses”. »

Selon Louise Miller de la FTQ, « il est particulièrement odieux que l’on s’attaque de nouveau aux plus pauvres de la société. Ce gouvernement a retiré l’obligation faite aux petites et moyennes entreprises de former leur main-d’œuvre considérant que c’était un irritant pour les entreprises et qu’il valait mieux privilégier les mesures incitatives, mais choisit de faire l’inverse pour les assistés sociaux! Deux poids, deux mesures, comme c’est malheureusement le cas pour la plupart des politiques de ce gouvernement. »

Quant à Régine Laurent de la FIQ, la pauvreté est un vrai fléau auquel il faut s’attaquer en amont, tout au contraire de l’approche punitive du projet de loi 70. « Il existe un lien étroit entre la santé et la pauvreté. Il est vrai que la pauvreté peut résulter de conditions défavorables, comme un mauvais état de santé, mais elle engendre également un cercle vicieux puisqu’elle restreint l’accès à de nombreuses ressources. Avec ces nouvelles coupes à l’aide sociale, le gouvernement va juste empirer la situation et punir celles et ceux qui n’en ont déjà pas assez pour survivre. »

Carolle Dubé de l’APTS renchérit : « Ce projet de loi ne repose pas sur une volonté réelle de sortir les gens de la pauvreté. À l’APTS, nos membres sont bien placés pour constater les ravages de la pauvreté sur la santé de la population. Les travailleuses sociales, les psychologues et les physiothérapeutes, entre autres, qui œuvrent auprès des personnes en difficulté financière savent que la situation se dégrade. Au Québec, les personnes pauvres ont une espérance de vie en bonne santé plus courte de huit ans par rapport à celle des personnes issues de milieux favorisés. En effet, les personnes pauvres ont deux fois plus de risque d’être atteintes d’une maladie grave ou de mourir prématurément que les personnes plus favorisées. Plus un individu vit longtemps dans la pauvreté, plus les dommages à sa santé risquent d’être importants. S’attaquer aux injustices sociales, c’est lutter pour améliorer la santé des Québécois. Il faut dire non à l’appauvrissement. Non au projet de loi 70 », indique la présidente de l’APTS, Carolle Dubé.

Pour la vice-présidente du SFPQ, Denise Boileau, de nombreux aspects du projet de loi 70, notamment en ce qui concerne les modalités d’application des sanctions vis-à-vis les personnes participantes au Programme objectif emploi, ne seront précisés que par règlementation, ce qui pose problème car ce sont les agents d’aide dans les CLE qui porteront l’odieux de « défricher » les modalités d’application du projet de loi. « En ce moment, cette perspective est inquiétante surtout au vu des déclarations du ministre Hamad dans les médias au moment du dépôt du projet de loi. Cela me laisse donc craindre que tout le fardeau des pressions politiques, qui ne manqueront pas de survenir avec un tel flou, reposera sur les épaules des agents des CLE. Le gouvernement met tout en place pour que ces agents se fassent pointer du doigt pour leur arbitraire alors que c’est le manque de directives initiales connues qui sera responsable. »

Le vice-président de la CSD ajoute : « On a appris cette semaine, grâce à l’Institut canadien d’information sur la santé, que les médecins ont obtenu une hausse substantielle de leur rémunération grâce à un faux prétexte, un exode de médecins vers les autres provinces. Avec pour résultat qu’avec une richesse moindre que les autres provinces, le Québec paie maintenant mieux ses médecins que ses voisines. Un détournement de l’argent de nos impôts vers les plus riches de notre société. Nous disons simplement qu’il vaut mieux utiliser l’argent de nos impôts pour mieux soutenir les plus démunis, réduire les écarts de richesse et tout le monde en bénéficiera ».

Mario Beauchemin de la CSQ affirme quant à lui : « Voici un autre projet de loi, improvisé et sans fondement scientifique, qui favorise encore une fois l’accroissement des inégalités sociales. Il semble n’y avoir personne au Conseil des ministres pour se rappeler qu’il s’agit là d’une politique d’insertion en emploi dépassée et d’une autre époque. Personne ne semble faire de lien entre pauvreté et désinvestissement en éducation, en petite enfance et en enseignement supérieur? Ce gouvernement préfère faire la lutte aux pauvres plutôt qu’à la pauvreté. Que faut-il pour le convaincre de l’importance de lutter contre la pauvreté? »

« Avec Objectif emploi, le gouvernement espère économiser 50 millions de dollars sur le dos des personnes qui ne seront pas en mesure de se conformer au plan d’intervention que le Ministère leur imposera. C’est de toute évidence en comptant sur les personnes qui ne recevront plus de soutien et qui seront laissées à elles-mêmes, sans revenu ou avec un revenu inférieur aux 623 $ de prestation, que le Ministère a fait ses calculs », conclut Yann Tremblay-Marcotte, porte-parole de la Coalition, qui se questionne sur les véritables intentions du ministre Hamad.

Pour toutes celles et ceux qui étaient présentes ce matin, il est inconcevable que le gouvernement pousse sa logique d’austérité au point où il envisage à nouveau d’appauvrir les plus pauvres de notre société.

« Nous demandons au ministre Hamad de retirer le Programme objectif emploi et de plutôt profiter de l’élaboration du prochain Plan d’action gouvernemental en matière de lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale pour mettre en place une véritable réforme de l’aide sociale au Québec », de conclure les porte-parole de la Coalition Objectif Dignité, qui invitent la population à une grande manifestation le 27 janvier prochain à 11 h 30, date du début des consultations publiques sur le projet de loi 70 ( https://www.facebook.com/events/930074143706535/).

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