La réforme de l’assurance-emploi a été décriée sur toutes les tribunes, parce qu’elle contraint notamment les personnes en perte d’emploi à accepter un travail moins bien rémunéré et plus éloigné de leur domicile, ce qui affecte plusieurs secteurs de l’économie. L’effet qu’elle produit sur les chômeuses a pour sa part à peine été évoqué. Il est pourtant direct et bien réel.
La population active se compose à 47 % de femmes, qui contribuent à 45 % des cotisations d’assurance-emploi. Pourtant, en 2013, seulement 35,5 % des femmes en chômage étaient admissibles à des prestations régulières, tandis que 44,8 % des hommes y avaient droit. « En tenant uniquement compte des prestations régulières, les femmes versent plus d’argent dans la caisse d’assurance-emploi qu’elles n’en perçoivent », souligne Kim Bouchard du Mouvement action chômage de Montréal. Les femmes étant davantage touchées par le travail atypique, il leur est plus difficile de cumuler les heures nécessaires à la perception de prestations. « Au lieu de corriger cette discrimination systémique, le gouvernement conservateur est venu l’aggraver par l’entremise de sa réforme », déplore Kim Bouchard.
Classes de chômeurs : les femmes plus touchées
Les chômeurs sont maintenant divisés en trois catégories de prestataires qui sont soumis à des exigences différentes dans la recherche d’un emploi. « Le gouvernement n’a pas fourni de données pour indiquer dans laquelle de ces catégories se retrouvent les femmes et ne s’est prêté à aucune analyse différenciée selon les sexes », déplore la vice-présidente de la CSN, Véronique De Sève. Or, en raison du travail souvent précaire des femmes, plusieurs risquent d’avoir plus de mal à répondre aux critères de la première catégorie (travailleurs de longue date), entre autres de ne pas avoir atteint le maximum permis de 35 semaines de prestations au cours des cinq dernières années. Comme elles s’occupent davantage de l’éducation des enfants ou de proches malades, elles sont également pénalisées par le critère leur exigeant d’avoir payé au moins 30 % de la cotisation maximale pendant sept des dix dernières années.
Selon Kim Bouchard, les femmes risquent également de devenir plus souvent des prestataires soit occasionnelles, soit fréquentes. Ce dernier statut diminue à six semaines seulement le délai de recherche d’un emploi payé à 80 % du salaire antérieur. Après cette période, elles doivent accepter tout travail payé à 70 % du précédent. « Elles courent ainsi le risque d’être emprisonnées dans des emplois précaires comme le commerce de détail, la restauration, les services de garde ou les soins à domicile et de se retrouver rapidement acculées au salaire minimum », dénonce-t-elle.
La réforme de l’assurance-emploi appauvrit tous les chômeurs, sans exception. Comme c’est le cas avec les politiques d’austérité en général, les femmes en font encore plus cruellement les frais.