Loin de faire l’apologie du self-care individuel, le recueil de textes féministes Libérer la paresse exprime et dénonce la difficulté à ralentir et à réévaluer notre rapport souvent drainant au travail, à la parentalité, au corps et surtout, à la performance. Pour les autrices, l’épuisement est genré. Si le monde continue de rouler malgré les différentes vagues d’austérité, c’est grâce au travail invisible des femmes.
Le repos dont les coautrices ont besoin semble particulièrement difficile à atteindre pour celles qui cumulent les rôles, à l’heure du girlbossing libéral. Ces travailleuses, mères, conjointes et élues n’en peuvent plus du tabou qui accompagne la paresse.
Elles critiquent la pression sociale qui pousse à l’optimisation de toutes les sphères de leur vie pour toujours être au sommet de leur carrière et de leur désirabilité.
En réaction à leur épuisement, plusieurs plumes du collectif choisissent ainsi le travail autonome dans la tentative de reprendre le contrôle de leur quotidien. On devine que ces artistes, professeures et intellectuelles ont les moyens de faire les sacrifices économiques pour obtenir davantage de liberté et de souplesse dans leur horaire.
Si le livre amorce une réflexion intéressante, il occulte les travailleuses d’une autre classe sociale, celles qui, plutôt que de vendre le fruit de leurs réflexions, épuisent leur corps en faisant du ménage et en prenant soin des autres. Certains textes soulignent brièvement l’apport des éducatrices et des préposées qui peuvent rendre la vie plus facile… mais on aurait pu les entendre directement au lieu de les voir relayées à un rôle de figuration. Naturellement, ces femmes manquent de temps pour écrire…
Libérer la paresse pose des questions essentielles sur notre rapport collectif à la fatigue et au repos, mais donne peu de réponses. Pourtant, comme le simple fait de refuser de s’épuiser semble aujourd’hui subversif, l’exercice de réflexion ici proposé demeure pertinent. Interroger l’état d’urgence qui règne dans plusieurs aspects de nos vies est un premier pas qui mène à reconsidérer notre système économique. Après tout, la productivité est au cœur du mirage capitaliste.
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