Le mot du président
Rarement, au cours des dernières décennies, le Québec a eu l’occasion de poser les assises pouvant définir l’avenir de son vivre-ensemble. Oh, certes, les puissants ne ratent pas souvent leur chance : déficit zéro, remboursement accéléré de la dette, politiques d’austérité – autant de mesures budgétaires draconiennes imposées par l’entremise d’une trame narrative justifiant l’inévitabilité de la chose.
Chaque fois, les impacts ont été les mêmes : rétrécissement des services offerts à la population et recul des mesures sociales venant en aide aux moins nantis, l’accroissement des inégalités ainsi entraîné se mesurant tant par les indices de réussite scolaire que par ceux de l’espérance de vie.
Or, la situation économique dont jouit actuellement la société québécoise nous offre cette rare possibilité de renverser la vapeur et de renforcer le rôle de l’État québécois en matière d’égalité des chances et de redistribution de la richesse. Alors que son ministre des Finances déposera le 10 mars prochain un nouveau budget, le premier ministre François Legault doit réaliser tout le potentiel de cette occasion qui s’offre à nous.
Fort d’une excellente vitalité économique, le Québec bénéficie aujourd’hui d’un surplus budgétaire de 4,3 milliards de dollars. 4,3 milliards. Un excédent de cette ampleur nous donne largement l’espace nécessaire pour faire les choix qui s’imposent aujourd’hui à la société québécoise.
Bien entendu, on nous rétorquera que de ces 4,3 milliards, la modique somme de 2,7 milliards devra être consentie au Fonds des générations afin de diminuer le poids de notre dette. Cette somme était initialement prévue afin d’atteindre un ratio dette/PIB au cours de l’année 2025-2026. Or, cet objectif est aujourd’hui atteint. En avance sur ses cibles de remboursement de la dette, le gouvernement du Québec a la possibilité de reconsidérer ses transferts au Fonds des générations. Il doit la saisir.
Bien que la croissance économique du Québec soit deux fois supérieure à celle du Canada, elle demeure menacée par le phénomène de rareté de main-d’œuvre qui frappe plusieurs de nos industries. La numérisation rapide de notre économie empêche nombre de Québécoises et de Québécois d’intégrer pleinement le marché du travail. En limitant depuis plus de 20 ans l’effectif scolaire par une enveloppe budgétaire fermée, le ministère de l’Éducation restreint l’accès aux études secondaires pour adultes et contraint plusieurs commissions scolaires à resserrer l’accès à leur formation. Alors que plusieurs s’inquiètent jour après jour de l’inadéquation entre les compétences de la main-d’œuvre et le marché de l’emploi, cette situation doit cesser.
Coup de barre réclamé
La nécessaire lutte contre les changements climatiques impose au gouvernement de faire des gestes forts qui bousculeront inévitablement nos façons de procéder. Les entreprises connaîtront une transformation radicale de leurs processus de production. Les citoyennes et les citoyens devront aussi revoir leurs habitudes de consommation. Les travailleuses et les travailleurs seront aux premières loges de ces changements. Le gouvernement doit certes appuyer nos industries dans la réduction de leur empreinte écologique, mais il doit également – et surtout – veiller à ce que cette évolution ne se fasse pas au détriment des salarié-es. Des mesures concrètes doivent appuyer les travailleuses et les travailleurs, notamment en matière de formation continue.
Pendant que les politiques d’austérité malmenaient sans relâche les plus démuni-es de notre société, les 540 000 travailleuses et travailleurs du secteur public ont encaissé le coup en dépit des frustrations quotidiennes, des surcharges de travail et de l’épuisement professionnel. Le prochain budget doit rompre avec l’appauvrissement annoncé par les offres du président du Conseil du trésor en décembre dernier et donner le réel coup de barre réclamé depuis de trop nombreuses années.
Le 10 mars prochain, François Legault se retrouvera en position de répondre aux nombreux défis qui nous attendent. À lui de profiter pleinement de cette occasion.