C’est sans surprise que nous avons vu avec quelle aisance Mario Dumont relaye la position du Conseil du patronat du Québec dénonçant le projet de loi C-4 du gouvernement Trudeau sur toutes ses plateformes. Ce projet de loi vise notamment à annuler les effets des lois C-525 et C-377, des législations foncièrement antisyndicales votées par les conservateurs de Stephen Harper.
Des engagements respectés
Monsieur Dumont affirme que le gouvernement de Justin Trudeau «est en train d’acquitter une dette politique envers les syndicats». Au contraire, les libéraux fédéraux respectent scrupuleusement, à ce jour, leurs engagements pris lors de la dernière campagne électorale, un fait plutôt rare chez les politiciens de nos jours. Le Parti conservateur n’a d’ailleurs pas été battu à plate couture sans raison. Le bilan de ses années au pouvoir s’est traduit de façon décisive lors du scrutin d’octobre dernier.
Mario Dumont accuse les libéraux fédéraux de «sacrifier la démocratie syndicale» en annulant les dispositions imposant un scrutin obligatoire, lors d’une première accréditation relevant du Code du travail fédéral. Il dit qu’il ne revient pas au gouvernement de favoriser la syndicalisation. Nous l’avons trouvé particulièrement silencieux lorsque les conservateurs ont bousculé les règles du Parlement pour adopter en vitesse C-525, un projet de loi privé sorti de nulle part.
En fait, nous estimons que le rôle du gouvernement n’est surtout pas de nuire au processus de syndicalisation, comme ont tenté de le faire les conservateurs en imposant un vote d’adhésion obligatoire. Monsieur Dumont ne le sait peut-être pas, mais ce n’est pas sans raison que le processus de syndicalisation se déroule dans le plus grand secret encore aujourd’hui. Les travailleuses et les travailleurs concernés par une telle opération craignent que la foudre patronale ne s’abatte sur eux, que leurs conditions de travail changent, qu’ils soient victimes de représailles…
Congédiements abusifs
Les employeurs sont nombreux à refuser l’arrivée de syndicats dans les entreprises. Et il n’est pas rare qu’ils mettent des bâtons dans les roues aux travailleuses et aux travailleurs qui souhaitent se donner un syndicat pour améliorer leur sort ou tout simplement pour que soient mises en place des règles claires dans les relations de travail: horaire de travail, vacances, normes de santé et de sécurité. Il s’agit, n’en déplaise à Mario Dumont, d’un processus qui concerne la démocratisation des entreprises et un meilleur partage de la richesse créée.
Au cours des 30 dernières années, pas moins de 423 travailleuses et travailleurs ont été victimes de congédiement pour activités syndicales, la grande majorité pour avoir tenté de fonder un syndicat CSN dans leur lieu de travail. En allongeant le processus d’accréditation syndicale par un vote obligatoire d’adhésion, on permet aux patrons récalcitrants d’ajouter aux pressions, de nuire à la volonté exprimée par une majorité de signataires de cartes d’adhésion syndicale, de rendre encore plus difficile l’accès à un syndicat.
Les règles établies permettent de toute façon au ministère du Travail de mener une enquête si des salariés estiment avoir subi des pressions pour adhérer à un syndicat. Il est aussi possible à des membres d’un syndicat d’entreprendre un processus de décertification, si une majorité l’exprime.
Une action nécessaire sur tous les fronts
L’autre volet du projet C-4 qui déplaît tant au Conseil du patronat est l’abrogation de la partie de la loi qui obligerait les syndicats à divulguer leurs états financiers. Il faut savoir que la CSN présente ses états financiers et ses propositions budgétaires aux délégués réunis durant les congrès triennaux. Les mandats de la CSN y sont d’ailleurs votés dans le respect de la démocratie syndicale.
Ce n’est pas d’hier que l’action de la CSN se déploie hors des strictes limites des lieux de travail. La négociation de bonnes conditions de travail trouve tout son sens lorsque ces dernières s’inscrivent dans un environnement social et politique adéquat. Pour tendre à améliorer leurs conditions de vie, il ne suffit pas aux salariés de négocier avec leur patron des règles sanitaires ou de meilleures normes en santé et sécurité du travail, par exemple. Il faut aussi agir à un niveau qui dépasse la table de négociation locale. La loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une illustration de la lutte qui doit aussi prendre forme au niveau politique ou social.
Le mouvement syndical a largement contribué à constituer la classe moyenne au Canada, si chère au PLC. Il a aussi permis un développement économique qui profite aux commerçants membres du CPQ.
L’action syndicale doit faire éclater les barrières du corporatisme. Elle doit aussi revendiquer l’amélioration générale des conditions de vie de notre société. Services publics, programmes sociaux, normes du travail, et autres, sont autant de batailles qui ont été menées par les organisations syndicales et qui ont servi le bien commun. Le but du CPQ n’est-il pas, encore une fois, de diminuer le rôle des syndicats pour accélérer le démantèlement de l’État ?