Point politique

Le privé en santé : ce n’est pas la panacée

Avant même de prendre le nom de CSN, en 1960, la CTCC revendiquait l’instauration d’un régime public de soins de santé et de services sociaux.

Par Jean-Pierre Larche

La crise de la COVID-19 a montré clairement à la population du Québec que le système de santé et de services sociaux est mal en point. Plusieurs y voient l’échec du réseau public et se disent maintenant prêts à faire encore plus de place au secteur privé à but lucratif.

Pourtant, les problèmes du système, le personnel les vit depuis des décennies. Et quand on remonte à la source de plusieurs de ces problèmes, on trouve… le secteur privé à but lucratif ! Car il faut être bien clair, notre système de santé n’a jamais été vraiment public. De Jean Rochon à Christian Dubé en passant par Philippe Couillard et Gaétan Barrette, chacun leur tour avec leur réforme, ils ont choisi de faire toujours plus de place au privé dans un système de moins en moins public.

Avant même de prendre le nom de CSN, en 1960, la CTCC revendiquait l’instauration d’un régime public de soins de santé et de services sociaux. Cette revendication visait d’abord à assurer à toute la population l’ensemble des soins requis sans égard à ses moyens financiers et sans devoir contracter de lourdes dettes. Cet objectif demeure au cœur de l’engagement de la CSN, raison pour laquelle elle fait encore aujourd’hui de la défense du service public l’une de ses priorités.

Si le privé fonctionnait, on le saurait !
Ce ne sont pas les exemples d’inefficacité du secteur privé à but lucratif en santé et services sociaux qui manquent. En voici quelques-uns.

Pénuries de main-d’œuvre :  Les établissements privés à but lucratif font partie du problème de la pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans les établissements publics. Où ces entreprises privées trouvent-elles leurs salarié-es, si ce n’est dans les établissements publics ?

Les agences de placement privées pullulent. Elles offrent souvent à leur personnel de meilleurs salaires que le secteur public. Ces travailleuses et travailleurs du secteur privé ont aussi un meilleur contrôle sur leur horaire de travail, ce qui a pour conséquence que seuls les salarié-es du public subissent les heures supplémentaires obligatoires. Aussi, certains établissements sont devenus carrément dépendants de ces entreprises qui engrangent les profits. En 2022, près d’un milliard de dollars de fonds publics ont été versés aux agences…

Des coûts plus élevés : Le gouvernement se veut rassurant en affirmant que l’assurance-maladie continuera de payer même quand les services seront donnés dans les futurs hôpitaux privés. Il s’agit toutefois de fonds publics, donc de l’argent des contribuables. Or, en santé et services sociaux, le privé coûte plus cher. C’est comme ça partout dans le monde. Plus les États font place au privé, plus la facture globale en santé est élevée quand on additionne les dépenses privées et publiques. Encore tout récemment, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) démontrait que les chirurgies coûtent plus cher au privé qu’au public. La multiplication de frais accessoires réclamés par les cliniques privées, l’explosion des coûts des régimes d’assurances complémentaires ou encore les frais exorbitants exigés par des centres d’hébergement privés qui exploitent leurs travailleuses et leurs travailleurs donnent un bon indicateur du coût réel des services dans le secteur privé à but lucratif.

Où sont les résultats ? Celles et ceux qui font la promotion de la marchandisation en santé nous serinent également que le privé est plus performant, plus innovant. Cela reste à démontrer… Prenons le cas des groupes de médecine familiale (GMF), gérés par le privé. Ceux-ci ont été mis sur pied il y a déjà plus de 20 ans, rappelons-le, comme une solution aux problèmes d’accès à la première ligne pour la population. Ce faisant, les gouvernements ont miné considérablement le rôle des CLSC publics qui, dès leur création, devaient et devraient encore être LA porte d’entrée du système pour toute la population. Par conséquent, ce sont non seulement les services médicaux qui sont moins accessibles aujourd’hui en CLSC, mais également les services psychosociaux : on constate en effet une baisse de plus de 50 % du nombre d’heures de consultation en psychothérapie offertes dans les CLSC publics depuis la création des GMF.

La privatisation, c’est aussi dans les services de l’ombre. Est-il normal qu’un établissement public de santé fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, ne puisse compter entièrement sur son propre personnel pour entretenir et réparer les installations et les bâtiments ? Une enquête menée au CHUM il y a quelques années montrait clairement qu’il coûtait quatre fois plus cher à l’établissement d’avoir recours à des sous-traitants plutôt qu’à ses propres ouvriers. Il faut savoir que les ouvriers du secteur public, comme presque tous les autres salarié-es de l’État, gagnent un meilleur salaire dans le secteur privé, pour le même travail.

Pour la CSN, l’enjeu de l’accès aux soins de santé et aux services sociaux pour toute la population devra être ardemment défendu au cours des prochains mois. La confédération propose plusieurs solutions réalistes pour améliorer le réseau public. Pour les consulter, c’est par ici !

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