Au cours des 25 dernières années, le gouvernement du Québec a failli à sa tâche de francisation et d’intégration des immigrantes et des immigrants, c’est du moins ce que démontrent les statistiques. Et si l’on se fie aux grandes lignes du projet de loi 77, qui vise à remplacer l’actuelle Loi sur l’immigration au Québec, la situation ne fera que péricliter davantage.
Le 27 janvier dernier, l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) publiait un rapport sur les pratiques du gouvernement du Québec en matière de francisation et d’intégration des immigrantes et des immigrants depuis 1991. Or les données recueillies par l’équipe de chercheurs sont inquiétantes.
Ce rapport, au financement duquel la CSN a contribué, révèle que 20 % de l’ensemble de la population immigrée, soit plus de 200 000 immigrants, ne parlaient toujours pas le français en 2011. Près de 160 000 d’entre eux parlaient uniquement l’anglais et plus de 40 000 ne parlaient ni le français ni l’anglais.
« Le gouvernement du Québec n’agit pas avec la cohérence et la rigueur requises pour la francisation et l’intégration des immigrantes et des immigrants. Cette négligence a pour résultat de réduire la place du français dans la vie québécoise et de compromettre l’intégration des nouveaux arrivants à la société et à la culture québécoise. […] La politique d’immigration menée depuis au moins 25 ans et la défaillance des programmes de francisation contribuent largement à l’anglicisation de Montréal », analyse l’auteur du rapport et chargé de projet à l’IRÉC, Jean Ferretti.
Les chercheurs remarquent aussi une baisse importante de la fréquentation des cours de francisation au cours des cinq dernières années. La fréquentation des cours à temps complet est passée de 13 230 en 2010-2011 à 10 759 en 2014-2015.
Le rapport révèle aussi que le financement des programmes de francisation diminue dans l’ensemble des ministères concernés par la francisation (ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale).
Francisation négligée
En février dernier, la CSN déposait un mémoire devant la Commission des relations avec les citoyens au sujet du projet de loi 77 qui vise à remplacer l’actuelle Loi sur l’immigration au Québec. Rien dans ce projet de loi ne laisse présager un avenir plus radieux en matière de francisation des immigrantes et des immigrants. Dans son mémoire, la CSN déplore d’ailleurs ce qu’elle qualifie d’abandon de la francisation.
Le projet de loi 77 semble vouloir laisser bien peu de place à la francisation des nouveaux arrivants. L’article 58 mentionne l’obligation pour le ministre d’élaborer des programmes d’accueil et de francisation, alors que la loi actuelle dit que le ministre doit assurer et assumer les services d’intégration linguistique. Il s’agit d’un net recul qui est inexplicable compte tenu des besoins en matière de francisation, qui sont pourtant de plus en plus criants.
« C’est une véritable hécatombe. Les libéraux coupent inlassablement dans les programmes de francisation des immigrants. Le gouvernement rêve en couleur s’il croit qu’ils vont apprendre le français sans soutien, notamment dans les milieux de travail. Certains immigrants sont ici depuis 20 ou 30 ans et ne parlent toujours pas la langue officielle du Québec », lançait Jean Lortie, secrétaire général de la CSN, en février dernier.
La CSN estime que l’intégration des immigrantes et des immigrants passe invariablement par l’apprentissage et l’utilisation de la langue française. Un bouclier de protestation se lève contre le projet de loi 77. Reste maintenant à voir si le gouvernement libéral acceptera de le modifier au profit d’une meilleure intégration et d’une francisation adéquate des immigrants. n