Depuis le 1er novembre 2024, le gouvernement de la CAQ a instauré un gel de recrutement d’une durée indéterminée dans l’ensemble du secteur public, incluant les cégeps. Cette mesure s’ajoute à des coupes sévères dans les budgets de fonctionnement et du MAOB (mobilier, appareillage, outillage et bibliothèque), ainsi qu’au frein des investissements immobiliers, tous annoncés plus tôt la même année. La situation suscite la colère et l’inquiétude du personnel de soutien du réseau collégial membre de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN), des professionnel·les des collèges de la Fédération des professionnèles (FP–CSN) et du Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM–CSN), qui ont profité d’une rencontre du Secteur soutien cégeps de la FEESP le jeudi 10 avril 2025 pour aller manifester devant des bureaux du gouvernement à Montréal.
Cette politique budgétaire s’inscrit dans une logique contestée par la CSN, qui rappelle que le gouvernement de la CAQ s’est privé de 3,9 milliards $ en baisses d’impôts en 2023, alors que la population québécoise demande explicitement des investissements dans les réseaux de la santé et de l’éducation. À cela s’ajoute l’annonce récente d’un déficit annoncé de 13,6 milliards $, qui sert désormais de prétexte à une nouvelle période d’austérité.
Le gel de recrutement, imposé unilatéralement par le Secrétariat du Conseil du trésor sans évaluer les impacts potentiels sur les services, prévoit que seuls les emplois en « service direct à l’élève » seraient préservés, reléguant au second plan le personnel administratif et les ouvrières et ouvriers qui ne répondent pas à ce critère, bien qu’ils et elles soient indispensables au bon fonctionnement des établissements, mettant ainsi en péril leur vocation, soit l’éducation de la population. Résultat : de nombreux postes vacants non comblés, une surcharge de travail pour les équipes en place et une précarisation des services offerts aux étudiantes et aux étudiants.
Du côté des professionnel·les de cégeps affilié·e·s à la FP–CSN, on dénonce une gestion cavalière : « Quoi qu’en dise le gouvernement, ces mesures d’austérité auront inévitablement des conséquences sur la qualité des services éducatifs offerts à la communauté étudiante, dont le nombre, faut-il le rappeler, ne cesse d’augmenter », avertit Ryan Moon, vice-président de la FP–CSN.
Pour le personnel de soutien, représenté par la FEESP–CSN, on craint pour la capacité à maintenir des services de base : accueil, bibliothèques, entretien des locaux et soutien pédagogique. Par ailleurs, « les budgets d’investissement et le MAOB ont subi des coupes draconiennes, retardant des travaux d’amélioration des établissements, privant les bibliothèques de nouveaux ouvrages et gelant l’achat d’équipement de laboratoire et de matériel pédagogique essentiels à la formation technique et scientifique » dénonce Marie-Noël Bouffard, présidente du Secteur soutien cégeps de la FEESP–CSN.
Rappelons que ces compressions s’ajoutent à un contexte de dégradation accélérée des infrastructures. L’indice d’état gouvernemental révèle une dégradation croissante, passant de 24 % de bâtiments en mauvais état en 2019‑2020 à 65 % en 2024‑2025. De plus, dans son audit de performance publié en mai 2024, le Vérificateur général du Québec déplore que deux tiers des bâtiments des cégeps soient jugés en mauvais ou très mauvais état, et que les investissements prévus de 608,6 M$ pour 2023‑2024 à 2027‑2028, couvrent moins de la moitié des besoins réels estimés à 1,7 G$. Le VGQ pointe aussi l’inefficacité de l’attribution des budgets de maintien d’actifs, jusqu’au risque de fermeture d’infrastructures faute d’entretien adéquat, et le manque d’accompagnement du ministère pour soutenir les équipes de gestion de projets. Pour Bertrand Guibord, secrétaire général du CCMM–CSN, « On ne peut pas continuer comme ça. L’ensemble de ces coupes porte atteinte aux droits de la population à une éducation de qualité dans un environnement sain. »
Ces mesures conjuguées — gel de recrutement, coupes budgétaires et dégradation des infrastructures — menacent directement l’offre de programmes, entrainant une raréfaction de certains cours, le report ou l’annulation d’activités pédagogiques, et fragilisant la réussite étudiante. Les organisations CSN représentant du personnel du réseau collégial sonnent l’alerte : sous la pression de l’austérité imposée par le gouvernement de la CAQ, nos collèges sont près du point de rupture. Le gouvernement doit agir pour redresser la situation.