Dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, les expertises médicales contradictoires sont fréquentes et causent de nombreux préjudices aux travailleuses et travailleurs concernés. Malheureusement, ceux-ci se trouvent souvent profondément atteints dans leur dignité et peinent à être défendus par un système pourtant censé les protéger.
Le Conseil central de Québec Chaudière-Appalaches a organisé un colloque sur la question devant une salle comble et un auditoire captivé par la question. Le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins du Québec, Robert Tétrault, professeur de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, et le Dr Alain Vadeboncoeur ont entretenu l’assistance sur cette épineuse question. Le vice-président de la CSN, M. Jean Lacharité, a également contribué aux échanges, qui ont été nombreux.
Pénurie
« Les expertises médicales contradictoires ont un impact sur la pénurie de médecins dans la région, souligne la présidente du conseil central, Ann Gingras. Quand ils sont sollicités afin de contre-évaluer des patients pour des cas de maladies ou d’accidents professionnels, ils doivent produire des rapports, se présenter en audience et, par le fait même, s’absenter de leur cabinet. Pendant ce temps-là, ils ne soignent pas leurs patients. Les expertises médicales contradictoires se trouvent donc à accaparer un grand nombre de médecins et à priver trop de patients des soins auxquels ils ont droit. »
Ann Gingras déplore également que de plus en plus de médecins se tournent vers l’expertise médicale et abandonnent complètement la pratique. « C’est bien connu, faire de l’expertise est payant. Ce n’est donc plus le bien commun qui guide le médecin, mais la rémunération que rapporte une expertise. Leur science n’est plus au service de la population et leurs connaissances de terrain faiblissent puisqu’ils ne soignent plus directement les patients. Ce sont là encore des coûts pour la société. »
« On assiste actuellement à une inflation des expertises produites qui coûtent cher à tout le monde, conclut pour sa part Jean Lacharité. Les premières victimes du système actuel sont les patients, alors que les vrais gagnants sont ceux qui font fonctionner le système dont ils dépendent. Il faudra changer les lois sociales en santé et en sécurité pour diminuer cette inflation. Le décideur veut une opinion absolue du médecin expert, mais celui-ci travaille avec du relatif et ne devrait pas avoir à décider qui sera indemnisé. Les façons de faire doivent être revues pour que l’accent soit mis sur la prévention. Il faut préciser les rôles de chacun afin qu’il y ait moins de judiciarisation et, de ce fait, moins de coûts pour toutes et tous. Des moyens concrets doivent être pris pour mieux protéger les travailleuses et les travailleurs, syndiqués ou non », conclut-il.