« L’enseignement supérieur a été déclaré comme un service essentiel ainsi qu’une priorité par le gouvernement Legault. On ne peut que se réjouir de l’attention qu’accorde enfin ce gouvernement aux études postsecondaires, mais le détail des investissements montre qu’il y aura finalement peu d’argent accordé aux enseignantes et aux enseignants des réseaux collégial et universitaire », constate Caroline Quesnel, présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN).
Malgré un déficit prévu de 12,5 G$ en 2021-2022, le ministre des Finances, Éric Girard, injecte 700 M$ de dollars en enseignement supérieur jusqu’en 2026. Nous nous réjouissons qu’une bonne partie de ces sommes vienne en aide aux étudiantes et aux étudiants, qui ont particulièrement souffert des impacts de la pandémie. Nous nous interrogeons toutefois sur les mesures d’encouragement, qui ciblent des domaines particuliers (notamment les technologies de l’information) au détriment des autres. Nous tenons à rappeler que l’enseignement supérieur n’est pas au service des besoins du marché de l’emploi.
Par ailleurs, nous constatons que, du primaire à l’université, le gouvernement mise de manière insistante sur le virage numérique, l’intelligence artificielle et le déploiement de solutions informatiques. Nous ne partageons pas cet engouement pour la technologie. L’enseignement en présence doit être maintenu et favorisé dans tous les ordres d’enseignement, et il ne faut surtout pas tirer de conclusions hâtives de la pandémie. Cependant, les décisions concernant l’utilisation des sommes annoncées devront refléter les préoccupations et les besoins exprimés par les enseignantes et les enseignants, qui ont été au premier plan de l’adaptation et de la poursuite des activités d’enseignement durant la dernière année. Nous craignons que de tels investissements ne fassent qu’alimenter la concurrence entre les établissements.
Quant au primaire et au secondaire, la Fédération se réjouit des investissements de 170 millions annoncés pour « Soutenir la consolidation des apprentissages en contexte de crise sanitaire », mais signale que la nature de ces investissements devra être précisée en collaboration avec le personnel enseignant. De plus, les 70 M$ octroyés « afin de valoriser la profession enseignante et les carrières en éducation, de soutenir les étudiants en enseignement et leur intégration en emploi ainsi que de mobiliser les personnes qui travaillent au quotidien auprès des élèves du Québec » d’ici 2025-2026 risquent de s’avérer bien insuffisants.
La Fédération accueille favorablement le soutien annoncé de 41 M$ d’ici 2025-2026 pour les établissements d’enseignement supérieur en région, mais elle souligne néanmoins que les besoins sont beaucoup plus importants.
« L’éducation et l’enseignement supérieur forment les citoyennes et les citoyens qui façonneront la société québécoise. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de sortie de crise difficile, il s’avère important de bien les soutenir. Qu’enfin le déficit provincial ne représente plus un frein constitue une bonne nouvelle », souligne Caroline Quesnel.
Vigilance et regrets
Personne ne peut ignorer que l’enseignement en mode non présentiel a accentué les inégalités et a eu un impact important sur la motivation ainsi que le parcours scolaire de milliers d’étudiantes et d’étudiants. La situation a alourdi considérablement la tâche des enseignantes et des enseignants et elle devrait perdurer durant les prochains mois, si ce n’est les prochaines années. L’annonce d’aujourd’hui est ainsi bien accueillie par la Fédération, qui, malgré tout, restera vigilante afin que les sommes injectées soutiennent concrètement le personnel enseignant des cégeps et des universités et répondent enfin aux besoins criants qu’ils expriment depuis plusieurs années.
Par ailleurs, la Fédération attend avec impatience la publication du Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur, doté d’un budget de 150 M$ d’ici 2025-2026. Nous mettons toutefois en garde le ministère sur le danger de concevoir la réussite uniquement en fonction de l’atteinte de cibles de diplomation sans tenir compte des impacts de la pandémie sur la persévérance et la motivation étudiantes.
La FNEEQ-CSN, qui représente notamment les enseignantes et des enseignants dans 45 établissements collégiaux publics, soit environ 85 % d’entre elles et eux, dénonce, à l’instar de la CSN, qu’aucune somme ne soit prévue afin de régler les négociations du secteur public. Si le gouvernement veut reconnaître la contribution des salarié-es de l’État dans la santé, dans les organismes gouvernementaux de même que dans l’éducation et l’enseignement supérieur, les bons mots ne suffisent pas : les actes doivent suivre la parole.
Nous regrettons que le gouvernement ait décidé de maintenir les versements au Fonds des générations et qu’il ne procède pas à la révision majeure de la fiscalité souhaitée par la Coalition Main rouge, dont elle est membre. Ce faisant, l’État se prive encore une fois de ressources importantes pour soutenir les services publics. Aussi, la décision de la CAQ d’uniformiser le taux de taxe scolaire privera l’éducation et l’enseignement supérieur de plus de 3,6 G$ entre 2020 et 2026. Tout porte à croire qu’à la suite des prochaines élections provinciales, le Québec subira une autre cure d’austérité. Les membres de la FNEEQ-CSN seront une fois de plus prêts et prêtes à se battre !