Hausse importante mais insuffisante

La mobilisation pour un salaire minimum à 15 $ se poursuit

À l’occasion de l’entrée en vigueur du nouveau taux de salaire minimum à 12 $ l’heure, le 1er mai, et de la Journée internationale des travailleuses et travailleurs, les porte-parole des sept organisations membres de la campagne 5-10-15 ont tenu à rappeler leurs revendications. Qu’il s’agisse de connaître son horaire de travail au moins 5 jours à l’avance, d’obtenir 10 journées rémunérées de congé pour maladie ou responsabilités familiales ou encore d’obtenir minimalement un salaire de 15 $ l’heure, les sept porte-paroles ont tous réitéré l’importance de ces revendications pour faire une différence dans la vie des travailleuses et des travailleurs.

Regarder le débat sur le salaire minimum diffusé au téléjournal de 18h, à Radio-Canada, entre le président de la CSN, Jacques Létourneau, et Martine Hébert, de la FCEI.

Photo: Jean-François Coutu

« La hausse du salaire minimum la plus importante des dernières années est à saluer, surtout parce qu’elle démontre que notre mobilisation porte fruits. Mais elle ne saurait faire oublier que c’est 15 $ l’heure qu’il faut, en travaillant à temps plein au Québec, pour sortir de la pauvreté et cesser de vivre dans la crainte constante d’une dépense imprévue », a déclaré Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Horaire de travail au moins 5 jours à l’avance : c’est un minimum!

La campagne 5-10-15, lancée le 7 octobre 2016, porte deux autres revendications, tout aussi importantes. Dans un monde où les emplois atypiques prennent une place de plus en plus grande, connaître un horaire à la dernière minute entraîne des défis de taille pour la planification de la vie personnelle et familiale de centaines de milliers de travailleuses et travailleurs. C’est pourquoi les organisations membres demandent, depuis le début, que les salarié-es aient le droit de connaître leur horaire au moins cinq jours à l’avance. « Il faut croire encore une fois que notre action porte puisque le projet de loi 176, qui va modifier la Loi sur les normes du travail, fait un pas dans cette direction. Sans obliger l’employeur à donner l’horaire à l’avance, une personne pourra légalement refuser de travailler si elle n’est pas avisée à l’intérieur d’un délai de cinq jours. Ce premier gain, bien qu’incomplet, indique qu’il faut maintenir notre campagne », d’expliquer Line Camerlain, vice-présidente de la CSQ.

Photo: Jean-François Coutu

Journées rémunérées pour congé de maladie ou responsabilités familiales et salaire à 15 $ : une question d’équité et d’égalité

Actuellement, la Loi sur les normes du travail (LNT) ne prévoit pas de rémunération pour les travailleuses ou travailleurs qui s’absentent pour raisons familiales et rien n’est prévu pour les absences maladie. Avec pour conséquence que des gens vont entrer travailler malades et risquer de contaminer les personnes avec lesquelles elles viennent en contact. D’autres encore vont s’absenter pour prendre soin de leur famille et vont donc s’appauvrir un peu plus dans le cadre actuel. « Les chiffres démontrent que ce sont encore aujourd’hui les femmes qui souffrent davantage de cette situation, a expliqué Jacques Létourneau, président de la CSN. En 2016, les femmes se sont absentées en moyenne 74 heures pour des obligations personnelles ou familiales alors que chez les hommes, la moyenne était de moins de 20 heures. L’équité homme-femme s’en trouve lourdement affectée », précise-t-il.

Avec le projet de loi 176, le gouvernement propose que deux journées de congé soient rémunérées, ce qui apparaît clairement insuffisant pour contribuer à établir l’équité homme-femme en matière d’absences du travail.

De plus, selon Mélanie Gauvin, porte-parole du Front de défense des non-syndiquéEs : « Les femmes sont surreprésentées dans les emplois au salaire minimum et  elles occupent également environ 58 % des emplois de moins de 15 $ au Québec. N’est-il pas étonnant qu’en 2018 ce soit encore des emplois occupés par des femmes qui soient les moins bien rémunérés?  Voici une occasion concrète,  pour un gouvernement qui prétend se soucier d’équité entre les sexes, de freiner l’appauvrissement et atteindre une plus grande égalité homme-femme. »

Un verrou invisible à faire sauter

Hausser fortement le salaire minimum se bute souvent à un ratio de 50 % du salaire horaire moyen à ne pas dépasser sous prétexte d’assister à des pertes d’emploi, à une réduction des heures de travail, voire une augmentation des prix des produits et services. En somme, des conséquences qui viendraient annuler l’effet positif de la hausse du salaire minimum.

C’est ce qu’il convient d’appeler le « verrou Fortin », du nom de l’économiste Pierre Fortin qui croit avoir démontré l’existence de ce seuil à ne pas franchir. « Pourtant, les données choisies par l’économiste réputé pour établir le salaire moyen excluent tous les employés à salaire fixe, ce qui fait baisser lourdement la moyenne, a clarifié Luc Vachon, président de la CSD. Mais aussi s’il y a eu corrélation par le passé entre le dépassement du ratio de 50 % et la hausse du chômage des jeunes, d’autres facteurs sont aussi à prendre en compte, rien n’étant aussi simple dans l’économie réelle », a-t-il dit.

Jean-François Landry, 3e vice-président du SPGQ, renchérit : « D’ailleurs, les prévisions de pertes d’emploi lancées par les anti-hausse ne se sont jamais concrétisées ailleurs. L’Institut Fraser prévoyait  des pertes de plus de 50 000 emplois en Colombie-Britannique à la suite d’une hausse de 28 % du salaire minimum, il y en a plutôt eu 3600, tous récupérés en très peu de temps par la suite », a-t-il poursuivi.

Et si l’effet était plutôt le contraire? C’est ce que démontre une étude toute récente de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). « Oui, il y aura des pertes d’emploi, mais ça n’a rien à voir avec les prédictions catastrophes, de mentionner Christian Daigle, président général du SFPQ. Et elles seront compensées de 9 à 11 fois par le fait que la hausse du salaire minimum à 15 $ l’heure stimulera l’économie locale, principalement parce que celles et ceux qui en bénéficieront dépenseront par exemple  pour combler leurs besoins essentiels et non pour cacher de l’argent au fisc. »

Photo: Jean-François Coutu

 

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